- TD50.197
- [Sermons pour l'Avent de 1841 à la cathédrale de Nîmes]
- [V] Persécutions contre l'Eglise.
- Orig.ms. BL3, pp. 91-123, et BL4; T.D. 50, pp. 197-205.
- 1 ACTION DE DIEU
1 AMBITION
1 ATHEISME
1 AUTORITE PAPALE
1 AVENT
1 BLASPHEME
1 CARACTERES DE L'EGLISE
1 CATHOLICISME
1 CLERGE
1 COLERE
1 COMBATS DE L'EGLISE
1 DEVOIRS DE CHRETIENS
1 DOCTRINE CATHOLIQUE
1 EGLISE
1 EGLISE EPOUSE DU CHRIST
1 ENFANTS DE DIEU
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 ENNEMIS DE LA RELIGION
1 EPREUVES DE L'EGLISE
1 ESPERANCE
1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
1 FAMINE
1 FAUSSES DOCTRINES
1 FIERTE
1 FORTUNE
1 GLOIRE DE DIEU
1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
1 HERESIE
1 HYPOCRISIE
1 IDEES DU MONDE
1 IMITATION DES SAINTS
1 INCONSTANCE
1 JOIE SPIRITUELLE
1 LOI DIVINE
1 MARTYRS
1 MAUVAIS PRETRE
1 MINISTERE SACERDOTAL
1 MISERICORDE DE DIEU
1 OEUVRES MISSIONNAIRES
1 PAPE
1 PASSIONS MAUVAISES
1 PATIENCE
1 PECHE
1 PERSECUTIONS
1 PERSEVERANCE
1 PEUPLE DE DIEU
1 PRISONNIER
1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
1 RACE DE SATAN
1 REFORME DU COEUR
1 RENOUVELLEMENT
1 REVOLUTION DE 1789
1 SAINT-ESPRIT
1 SCANDALE
1 SERMONS
1 SERVICE DE L'EGLISE
1 SOCIETE
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 SOUVERAIN PROFANE
1 SPOLIATEURS
1 TRAITRES
1 TRANSFORMATION SOCIALE
1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
1 TRISTESSE PSYCHOLOGIQUE
1 VERITE
1 ZELE APOSTOLIQUE
2 ALEXANDRE LE GRAND
2 FRANCOIS XAVIER, SAINT
3 AMERIQUE
3 ANGLETERRE
3 EUROPE
3 IRLANDE
3 NIMES
3 NIMES, CATHEDRALE
3 SINNAMARI, RIVIERE - Avent 1841
Bellabunt adversum te, et non praevalebunt, quia ego tecum sum, ut liberem te, ait Dominus. Jer. 1, 19.
Depuis 18 siècles, mes frères, la société fondée par Jésus-Christ, objet de continuelles attaques, semblable à une forteresse que l’ennemi environne de toute part, pousse vers le ciel des cris de détresse, et depuis 18 siècles une voix partie du ciel lui répond: Ils combattront contre toi et ne prévaudront pas, parce que je suis avec toi pour te délivrer. Bellabunt adversum te, et non praevalebunt, quia ego tecum sum, ut liberem te.
Chrétiens, que le mystère de ce jour réunit autour de cette chaire, si jamais l’Eglise a eu besoin de faire entendre ses cris et ses supplications, c’est, n’en doutez pas, dans cette lamentable époque où avec une rage satanique ses ennemis cachent leurs armes sous le manteau d’une protection dérisoire. Oui, l’Eglise est attaquée, non plus en plein jour, si vous voulez, mais elle est sourdement sapée dans ses fondements, et plus que jamais elle a besoin d’entendre la parole du Seigneur pour la rassurer. Ils combattront…
Non, le Seigneur n’abandonnera pas son Eglise, et l’appui constant qu’il lui a donné depuis dix-huit siècles est pour tout homme intelligent un fait qui explique ce qui sera jusqu’à la consommation des temps. Mais comme quelques esprits faibles sont quelquefois ébranlés à la vue de certains efforts, il m’a paru qu’il serait bon de vous présenter le spectacle des attaques contre l’Eglise et de l’assistance persévérante du Saint-Esprit. Il y a deux ans, dans cette même chaire, à la même solennité, je vous racontais l’histoire des triomphes de l’Eglise depuis sa fondation, aujourd’hui je resserre mon plan à quelque chose de plus actuel.
Je viens vous parler des attaques dont elle est aujourd’hui l’objet, je viens vous parler des dangers auxquels elle est exposée, et, à côté de ces dangers et de ces attaques, je viens vous montrer l’assistance dont l’Esprit-Saint l’entoure. C’est le tableau d’un grand combat que je viens vous dérouler, combat d’autant plus intéressant que tous, mes frères, nous devons y prendre part et que de son issue dépendent nos destinées éternelles.
Première partie.
Lorsque je considère l’Eglise, cette épouse divine de mon Sauveur sortant du cénacle où l’Esprit-Saint venait de la former, traversant les âges au milieu des révolutions, des guerres, des sophismes et des désordres de toute espèce, lorsque je la vois arrivée à nos jours, malgré les insultes et les attaques de tout genre, je sens se remuer en moi je ne sais quel sentiment de tristesse et d’orgueil. Je suis triste à la vue de tant d’intelligences aveugles, de tant de coeurs viciés qui blasphèment ce qu’ils ne connaissent pas, mais je suis fier de voir briller encore sur le front de ma mère le diadème d’immortalité que la rage de ses ennemis n’a pu encore lui ravir.
Et cependant que d’efforts, que de tentatives de la part de l’enfer? A quelles inventions vraiement sataniques n’a-t-on pas eu recours? Mais que peuvent contre l’esprit de Dieu et l’esprit de l’homme et l’esprit de l’abîme? Essayons toutefois, mes frères, de vous faire comprendre et de quelle nature sont ces luttes, et comment elles sont déjouées. Et pour cela disons quelque chose et des diverses espèces d’ennemis dont l’Eglise a à supporter les coups, et des moyens que l’esprit de Dieu leur oppose. Or, je dis que l’Eglise de nos jours est attaquée par les incrédules, par les hérétiques, par les indifférents et par les mauvais chrétiens. Voyons ce qu’ils font et ce que Dieu fait contre eux.
Et d’abord les incrédules. Une triste conséquence de la corruption humaine, c’est qu’il y aura toujours des aveugles qui ne verront pas le soleil, et qu’il y aura toujours des intelligences obscurcies incapables de sentir la vérité. Et de même que parmi les aveugles les uns sont privés de la vue par l’effet de certaines maladies, d’autres dès leur naissance ont été privés de la lumière, de même aussi l’on voit des intelligences se dépouiller elles- mêmes du bienfait de la foi, d’autres au contraire naître et grandir dans une absence complète de toute croyance. Hé bien, il est triste de le dire, mais un grand nombre d’intelligences en sont là. On n’a plus recevoir [= reçu] sur les genoux de leur mère l’antique foi de nos pères, on n’a plus puisé avec le lait aux pures traditions de la vérité(1).
Incrédules.
Pour ces hommes l’Eglise n’est peut-être pas une ennemie, mais c’est au moins un étrangère, et une étrangère importune, qu’on peut tolérer, mais dont il ne faut point souffrir les envahissements. Ces hommes consentiraient même à avoir du respect pour elle, si l’Eglise consentait à modifier ses enseignements selon les progrès de l’époque, et à se conformer aux idées du temps.
C’est, mes frères, une des grandes humiliations de l’Eglise d’être comparée par ceux qui ne la connaissent pas aux institutions humaines. Parce que dans la société politique nous marchons de bouleversements en bouleversements, parce que ce qui subsistait hier n’existe plus aujourd’hui, parce que [ce qui] est aujourd’hui peut-être sera renversé demain par le vent si furieux et si changeant des opinions, on croit que l’Eglise est condamnée à des révolutions semblables, et que pour en prévenir les effets elle doit courber sa tête auguste sous l’orage et subir les variations de nos mille systèmes. Mais non, l’Eglise ne peut [pas] plus varier que la vérité qui est toujours la même. En vain, lui dira-t-on, marchez avec le progrès en modifiant vos opinions. L’Eglise ne marche pas avec les hommes, parce que le jour de sa naissance elle attend les hommes qui passent, assise sur la borne de l’éternité, et [qu’elle] a un caractère divin. Elle le doit à l’esprit qui souffle sur elle. Sans doute la vérité est la fille du temps, mais le germe de la vérité ne se développe que sous le souffle de l’esprit de Dieu et dans le sein de l’Eglise.
Et toutefois nous ne pouvons avoir des paroles amères pour ces infortunés à qui la vérité n’est jamais apparue, nous les plaignons et nous demandons que le jour se fasse dans leur intelligence.
En pourrons-nous avoir pour ces hommes qui se font de la colère et de la haine un rempart contre le remords? Voyez-les, ils avaient la foi jadis, et ils croient à force de rage la faire oublier et l’oublier eux-mêmes. Aussi que n’ont-ils pas tenté depuis un demi-siècle? Dieu ayant permis que la puissance leur fût livrée pour un temps, ils jurèrent d’écraser l’infâme. Ils jurèrent d’anéantir l’Eglise. Ce fut contre ses ministres que leur fureur se porta. Ne voyant qu’une institution humaine là où Dieu avait mis son doigt, ils dirent: c’est par les richesses que le clergé règne, privons-le de ses biens. Et comme du reste ils ne devaient rien perdre à cette spoliation, ils dépouillèrent le clergé. Vous permîtes, Seigneur, que ce crime eût deux avantages: d’ôter à l’ambition une occasion de souiller votre sanctuaire et de donner un solennel démenti à ceux qui disaient que sans les richesses la religion périrait. Catholiques, depuis que vos prêtres ont été dépouillés, vous sont-ils moins dévoués? vous aiment-ils moins? vous servent-ils avec moins d’ardeur? Quand vos prêtres avaient beaucoup, ils donnaient beaucoup. Je n’en veux d’autre preuve que ce temple. Aujourd’hui qu’on les a dépouillés de ce qu’avait offert à Dieu la génération de vos pères, ils ne s’en plaignent pas. Ils ont peu, ils donneront peu; quand ils n’auront rien, ils ne vous donneront rien. Mais ils ne vous seront pas moins unis, ils feront ce qu’on a vu, il y a douze ans à peine, en Irlande où le clergé est pauvre aussi, j’entends le clergé catholique, et où l’on a vu dans la famine qui ravage ce noble et malheureux pays, des prêtres au milieu de leurs paroissiens, privés par la disette, mourir de faim en distribuant des paroles de consolation, d’espérance et de pardon envers les auteurs du fléau, voulant faire alliance avec la famine pour en venir plus tôt à bout. Mais l’indigence et la pauvreté est [= sont] la plus belle parure de l’Eglise. Bellabunt…
Ne pouvant en venir à bout par la faim, l’incrédulité dressa les échafauds. Qui dira le nombre de prêtres qui y rendirent témoignage et qui du pied de la guillotine montèrent au ciel? Nismes eut ses martyrs, quand on fut fatigué d’égorger, on laissa mourir en prison, ou sur des plages infectes, ou sur les flots de l’océan. Déserts de Sinnamary, racontez-vous les souffrances de ces prêtres dont un gouvernement persécuteur avait ordonné de lasser la patience; c’était l’expression. Nous sommes les plus malheureux des hommes, disait-on de ces confesseurs, mais nous sommes les plus heureux des chrétiens.
Et vous prêtres vénérables, que l’esprit de Dieu avait commandé de dérober vos mains aux chaînes et vos têtes à l’exil, afin que votre bouche pût plus tard annoncer de nouveau la parole de vie, afin que vos mains pussent se lever encore pour bénir le troupeau qui devait vous être rendu, dites-nous par quelles souffrances vous retrempiez vos âmes dans l’exil.
Ce que l’indigence n’avait pas fait, la mort et les prisons ne purent le faire, et l’on put encore se convaincre que même dans ces temps d’affaiblissement l’Eglise triomphait par les mêmes armes qui assura [= assurèrent] la victoire des martyrs. A cette guerre s’en joignit une autre, les mauvaises doctrines. Les progrès de la raison de l’homme étaient publiés partout, on l’adora même sous la forme d’une courtisane; que n’a-t-on pas fait?
Venez considérer l’Eglise du haut de son rocher. Voyant l’écume des flots de la pensée humaine, ils n’atteignent pas même ses pieds. On lui dit: défendez-vous, et elle croise les bras, et voilà que le flot qui menace de la submerger retombe sur lui-même et se perd à jamais dans la profondeur de l’abîme. Bellabunt…
Venez contempler un autre spectacle. Quels sont ces deux hommes qui luttent? L’un a vaincu l’Europe, ravi et distribué des couronnes; il a vaincu la révolution, rebâti les autels du vrai Dieu; l’autre est un pauvre vieillard, sans puissance humaine, mais qui se dit le serviteur des serviteurs de Dieu. Or l’empereur qui croit pouvoir tout ce qu’il désire, a voulu ce que le vieillard ne lui pouvait accorder. Le vieillard l’a excommunié, et dès lors ses victoires ont été suspendues, il est tombé.
Qu’on dise maintenant que le Vatican n’a plus de foudres. J’en vois les traces sur le front cicatrisé [?] de l’empereur; l’ange des vengeances l’a jeté pour vingt ans à l’autre bout du monde. Et l’Eglise triomphe. Bellabunt…
Parlerai-je des hérésies, de leurs efforts inouis? Quel zèle! mais dans quel but? que prêchent-ils? qu’enseignent-ils?
Ah! je vois que ceci est utile, opposez à ces missions nos missions. Bellabunt…
Voyez la disposition des choses, le protestantisme arrive. En Amérique, il y a 50 ans, je ne sais pas s’il y avait un évêque, aujourd’hui ils s’y multiplient. Bellabunt…
Mais pénétrons dans l’intérieur(2).
Deuxième partie.
Il y a dans l’Eglise deux choses bien différentes, deux éléments bien divers: ce que Dieu y a mis et ce qu’y mettent les hommes. Dieu y a mis sa loi; les hommes y mettent trop souvent leurs crimes, leurs passions, leur indifférence.
Voyez, je vous prie, quel argument ses ennemis tirent contre elle des crimes de ses enfants. Quoi! disent-ils, les chrétiens se disent enfants de Dieu et ils se livrent à de semblables désordres. Quelle différence y a-t-il donc entre eux et les païens?
Hé bien, ils ont raison. Oui, les crimes des chrétiens sont abominables. Oui, et de nos jours il nous a été donné de voir des choses qu’aucun siècle n’avait vu[es]; oui, nous avons vu à une époque désastreuse cent mille prêtres prêter serment; oui, nous avons vu des hommes qui se disaient catholiques commander qu’on abattît les croix, et nous nous voilons la face en pensant que ces hommes avaient reçu le même baptême que nous.
Etes-vous contents de nos aveux? Ecoutez encore. Le prodige de l’existence de l’Eglise ne consiste pas à avoir triomphé de ces ennemis du dehors, mais à triompher de ceux qui déchirent son sein. Accumulez donc tant qu’il vous plaira la multitude des crimes de ses enfants, et malgré ces crimes si positivement condamnés par la loi de Dieu, si malgré ces épouvantables défections auxquelles elle est exposée, l’Eglise subsiste toujours, c’est qu’il y a en elle quelque chose de plus fort que l’homme, c’est qu’il y a en elle cet esprit de Dieu qui lui dit au milieu des assauts les plus violents: Bellabunt…
Et puis, il y a un bien dans tout cela, car Dieu sait tirer le bien du mal et de ces crimes que vous reprochez aux catholiques ressortent des actes de vertu. Quoi! nierez-vous que malgré ces crimes qui ne sont pas le fait de l’Eglise, puisqu’elle les abhorre autant et plus que vous, il n’y ait pas eu un effort prodigieux en faveur du catholicisme? Quoi! vous ne trouvez pas que les moeurs de ceux qui lui sont restés fidèles se sont épurées, et c’est ce qui excite votre courroux. Vous voyez dans la ferveur des catholiques un remords vivant de votre lâcheté, et c’est ce qui vous irrite.
Il y a aussi des passions dans le sein de l’Eglise, des passions honteuses la rongent qui l’avilissent. Cela n’est pas de nos jours. Oui, l’orgueil, l’ambition, l’amour des richesses, tous ces fléaux et d’autres plus honteux encore ont affligé l’Eglise. Qu’est-ce que cela fait, je vous prie, à quoi cela sert-il, sinon à faire admirer la bonté de Dieu, qui se sert des moyens les plus indignes pour arriver à ses fins? Mais les passions ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, qui oserait le nier? Les passions, ce sont des flammes qui dévorent le coeur de l’homme, dirigez-les, sanctifiez-les, elles sont les instruments les plus précieux. L’ambition d’un Alexandre ravage le monde. L’ambition d’un François-Xavier convertit des peuples entiers. La soif du bonheur entraîne dans les plus affreux désordres. La soif du bonheur véritable fait les saints et leur ouvre le ciel. Or à côté du triste spectacle que nous offrent les passions mauvaises, considérez avec moi ce que peut un coeur enflammant [= qu’enflamme] la passion de l’Eglise. Voyez les missions. D’où vient ce zèle pour le salut des âmes qui porte nos missionnaires à se dévouer tout entiers tandis que la protestante Angleterre entretient ses missionnaires avec l’or de ses spéculateurs et fait de la propagation de ses bibles une affaire de commerce? Nous, nous alimentons nos missions avec le sang de nos missionnaires et nous ne craignons pas qu’on nous accuse de chercher autre chose que la gloire de Dieu.
Voyez les missions(3).
La Propagation de la Foi.
L’Association du Sacré-Coeur de Marie.
La Société de Saint-Vincent de Paul.
Le zèle pour le salut des âmes plus actif.
Les chrétiens.
Parlerai-je des indifférents(4).
2. Deux pages (une première version de la 2e partie) barrées dans le manuscrit (pages 113 et 115) et non reprises ici.
3. Ces mots et ceux qui suivent jusqu'à "Les chrétiens" inclusivement (soit les paragraphes 32 à 37) figurent sur une feuille volante (BL4). Ce sont des idées destinées à étoffer le paragraphe qui précède.
4. Après avoir parlé des crimes et des passions des chrétiens, le P. d'Alzon devait encore parler de leur indifférence (voir le 1er paragraphe de la 2e partie). Il n'a pas été plus loin, ou du moins il n'a pas confié ce développement à son cahier.