[NOTES ET PLANS D’INSTRUCTIONS aux Dames de la Miséricorde]

Informations générales
  • TD48.112
  • [NOTES ET PLANS D'INSTRUCTIONS aux Dames de la Miséricorde]
  • [II.] *Dieu juste*.
  • Orig.ms. CT 126, pp. 41-44; T.D. 48, pp. 112-114.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 BIEN SUPREME
    1 CREATURES
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 THOMAS D'AQUIN
  • Dames de la Miséricorde.
  • janvier-février 1839
  • Nîmes
La lettre

Mes dames, Dieu est le souverain bien et tout découle de lui. Dieu étant le souverain bien doit aimer le bien en lui autant que lui-même, et dans ses créatures dans la proportion de perfection avec laquelle il l’a communiqué. C’est pour cela que Dieu veut que le bien subsiste et qu’il le maintient dans l’univers.

Dieu est le souverain bien, le bien infini, et c’est parce qu’il est le bien infini qu’il s’aime infiniment. En créant les êtres, il leur a communiqué comme un écoulement de ce bien dont il est la source; et c’est selon que les créatures en ont reçu une plus grande portion qu’elles sont plus ou moins aimées de Dieu. Ainsi Dieu, bien infini, s’aime infiniment, et son amour s’étend par une progression indéfinie depuis l’ange le plus parfait jusqu’à la matière brute. Il semble se mêler et se perdre avec l’océan des existences, et ne s’arrêter qu’aux limites du néant.

Or cet amour du bien, joint à la toute-puissance, établit en Dieu la ferme résolution de rendre à chacun ce qui lui appartient, c’est-à-dire de conserver à chaque être le bien qu’il lui a communiqué, dans la proportion qu’il l’a reçu. Dieu, bien infini, veut d’une volonté infinie que le bien subsiste en lui; et l’homme qui en péchant cherche à l’anéantir, alors même qu’il n’y réussit [pas], devient par cela même l’objet d’une haine infinie.

Et voilà précisément ce qu’est la justice, que l’on définit une volonté très ferme de rendre à chacun ce qui lui appartient. Le bien appartient à Dieu en propre; il appartient aux créatures, selon que Dieu le leur a communiqué; et c’est selon que l’on veut priver Dieu ou les créatures d’une plus grande portion de bien [qu’on] pèche plus ou moins gravement. Ainsi l’athée qui nie l’existence de Dieu arrive au dernier terme du mal, comme aussi saint Thomas et après lui les théologiens enseignent qu’enlever sans aucun motif l’existence à un insecte est un péché véniel.

L’homme ne pourra jamais lutter contre Dieu et lui enlever le bien qui forme la nature divine, mais il peut le détruire jusqu’à un certain degré en lui- même ou dans les créatures, avec qui il a des rapports. Or Dieu qui a donné à l’homme la liberté de faire le mal ne lui a donné cette terrible faculté qu’à la condition de réparer le mal, et de rétablir le bien par des moyens conformes à son amour pour le bien, pour sa créature coupable, et à sa toute-puissance.

Je voudrais, mes dames, pouvoir développer, d’une manière digne d’un si beau sujet, ce triple fondement sur lequel repose la manifestation de la justice de Dieu envers les hommes, l’amour du bien qui n’est autre que l’amour des créatures et la souveraine puissance. Je voudrais vous faire voir tout le mal que commet l’homme, quand en détruisant le bien il s’efforce de ramener le chaos; l’amour immense de Dieu pour la créature, alors même qu’il précipite dans des souffrances éternelles la créature arrivée à un certain degré de révolte; et la toute-puissance avec laquelle sa justice du plus profond désordre va tirer le bien qu’elle se propose, par des moyens que seule elle connaît.

Mais comme un pareil sujet serait trop vaste, je me bornerai à établir que Dieu pour conserver le bien doit donner des lois, que ces lois ont besoin d’une sanction, et que cette sanction se manifeste soit dans le temps, soit dans l’éternité.

Un des attributs dont Dieu est le plus jaloux, c’est à coup sûr sa justice. Il ne lui suffit pas d’être infiniment puissant, s’il n’exerce cette puissance selon les lois qu’il a posées lui-même. Le Seigneur est juste, dit le prophète, et il a aimé la justice. Son oeil s’est fixé avec complaisance sur l’équité. La justice étant définie une volonté très ferme de rendre à chacun ce qui lui appartient et Dieu étant infiniment puissant, il s’ensuit que cette volonté très ferme de rendre à chacun ce qui lui appartient ne peut trouver aucun obstacle en Dieu.

Posons d’abord quelques principes: d’où nous tirerons ensuite des conséquences pratiques.

1° Tout appartient à Dieu. Du moment donc que nous retenons quelque chose pour nous-mêmes, nous péchons contre la justice et nous mettons Dieu dans la nécessité de nous enlever par sa puissance ce que nous ne voulons pas lui accorder de plein gré. Quand donc nous retenons pour nous ou nous employons à un usage contraire à la volonté de Dieu quelque chose de ce que nous sommes ou de ce que nous avons, nous nous exposons à subir les effets de sa justice.

2° Dieu à qui tout bien appartient, a voulu communiquer quelque chose de ce bien à ses créatures. On ne peut le leur enlever sans violer la justice et sans aller contre les lois établies de Dieu pour maintenir l’ordre dans l’ensemble des créatures, dans la vaste hiérarchie des êtres.

3° Par là même que l’homme est créé de Dieu et que Dieu a communiqué certaines perfections, un certain bien à ses créatures, l’homme en a reçu une portion bien abondante. Mais Dieu en l’ornant de certaines qualités, en le douant de certains avantages, ne lui a pas fait un don, il ne lui a confié qu’un dépôt, que l’homme est tenu de représenter et qu’il ne peut laisser perdre, sans devenir débiteur insolvable et sans encourir encore sous ce rapport les suites de la justice divine, qui réclame ce qui lui appartient.

Donc, par là même que Dieu est juste, il doit vouloir non seulement rendre à chacun ce qui lui appartient, mais que ses créatures lui rendent ce qu’il leur a communiqué, et accomplissent entre elles et vis-à-vis d’elles-mêmes les devoirs qu’il leur a imposés. Non seulement il le veut, mais il peut exiger que chacun rende de force ce qu’il n’accorde pas de plein gré; et ici sa puissance vient en aide à sa justice. Elle y vient par le châtiment, et c’est sous ce point de vue que je veux vous montrer la justice de Dieu, afin de vous faire conclure à la nécessité d’en prévenir les effets.

Notes et post-scriptum