- TD43.002
- CONVERSATIONS [A ROME]
- [Chez le P. Ventura, le 2 janvier 1834]
- Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 2-4.
- 1 ANCIEN TESTAMENT
1 CHRISTIANISME
1 ECRITURE SAINTE
1 ERREURS MENAISIENNES
1 INSPIRATION BIBLIQUE
1 MORT DE JESUS-CHRIST
1 PERES DE L'EGLISE
1 POLITIQUE
1 PREDICATION
1 PROTESTANTISME
1 SOCIETE
1 VIE DE JESUS-CHRIST
2 GREGOIRE XVI
2 LAMBRUSCHINI, LUIGI
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 NOE
2 OLIVIERI, MAURIZIO
2 SKORKOWSKI, CHARLES
2 VENTURA, GIOACCHINO
3 CRACOVIE
3 FRANCE - 2 janvier 1834
- Rome
Le même jour, chez le Père Ventura.
Moi. J’ai reçu, mon Père, des nouvelles de l’abbé de la M[ennais], qui paraît plangé dans un grand découragement.
Ventura. Ce découragement, je ne le partage pas. La France est travaillée par un grand mouvement. Les lettres que tous les jours je reçois de votre pays me prouvent que les choses y vont plus rondement que vous ne semblez le croire. Voilà l’Univers religieux qui est dirigé par 200 prêtres et qui paraît sous la protection des évêques. Or, il est incontestable que ce journal professe les opinions de M. de la Mennais. Malgré qu’on en ait, c’est en dernière analyse à ces doctrines qu’il faut en revenir. Du reste, vous pouvez être assuré que les choses vont bien plus rapidement qu’on ne le voit. L’exil de l’évêque de Cracovie a fortement indigné le Pape, il commence à voir ce que veulent les Puissances étrangères. Le P. Olivieri a vu dernièrement le cardinal Lambruschini, et celui-ci lui a avoué que, si les choses pouvaient se faire deux fois, elles ne se passeraient [pas] aujourd’hui comme il y a un an.
Moi. – Je voudrais, mon Père, vous consulter sur la meilleure méthode d’étudier l’Ecriture Sainte. Je crois que la Sainte Ecriture contient toute vérité, mais en outre, les remèdes à tous les maux de la société. Or, comme les maux de la société et ses besoins changent et se modifient avec les siècles, je désirerais voir s’il ne serait pas possible d’étudier l’Ecriture Sainte, non pas pour y trouver des choses nouvelles, mais des choses neuves.
Ventura. – Je vous comprends. Autrefois, on disait: « La religion », et, partant de ce principe que tout ce qui est dans la religion est vrai on jugeait toutes les autres sciences, selon qu’elles s’accordaient ou ne s’accordaient pas avec la religion. Aujourd’hui, au contraire, on a mis en thèse générale que la religion est fausse, et, pour preuve de cette opinion, on montre son opposition à certaines maximes politiques que l’on regarde comme incontestables. Ces maximes n’ont, pour la plupart, rien de mauvais que leur abus. Il faut donc, si l’on veut faire quelque bien, partir des idées admises généralement et montrer qu’elles ne peuvent acquérir une réalisation complète que par la religion. La religion se plie à toutes les formes de société; elle est leur vie. Il ne faut pas dire aux hommes, comme l’abbé de la Mennais: « Dieu et la liberté« , mais: « la liberté et Dieu« .
Une autre observation. Les protestants ont repoussé l’Ancien Testament et la plupart ne croient plus à l’inspiration de ses livres. Il faut réhabiliter cette partie [de] nos livres Saints, mais la réhabiliter en montrant sa liaison avec l’histoire de J.-C. Une mine immense et nouvelle est ouverte de ce côté-là; il faut savoir y puiser. L’on a du Nouveau [= Ancien] Testament des idées étroites, qui nuisent au respect que l’on doit avoir pour la parole de Dieu. Ainsi vous voyez des prédicateurs s’évertuer à justifier l’ivresse de Noé par la leçon de respect que les enfants doivent à leurs parents, tirée de la malédiction de Chanaan. Cette explication est mesquine, car en jugeant dans le même esprit, l’ivresse de Noé serait coupable. Or, cette ivresse est mystérieuse; elle représente l’ivresse de J.-C., qui, par amour pour les fruits de la vigne qu’il a plantée, s’est endormi d’un sommeil de mort, et, dans le sommeil, a été insulté par certains de ses enfants et reconnu par d’autres. La Bible étudiée ainsi offrirait les plus grandes richesses. Un travail non moins important serait l’étude des Pères. Il faudrait chercher dans leurs écrits ce qu’ils ont sur les besoins de la société. On pourrait en complétant leurs idées faire un travail très beau.