- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|CONFERENCES AUX RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION, NIMES, 1870-1871.
- QUATORZIEME CONFERENCE DONNEE LE 22 NOVEMBRE 1870.
AMOUR ENVERS NOTRE-SEIGNEUR. LAVEMENT DES PIEDS. - Prêtre et Apôtre, X, N° 118, décembre 1828, p. 358-361.
- DA 44; CN 2; CV 32.
- 1 ABAISSEMENT
1 AFFRANCHISSEMENT SPIRITUEL
1 AMITIE
1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
1 AMOUR DU CHRIST
1 AMOUR FRATERNEL
1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
1 ANGES
1 APATHIE SPIRITUELLE
1 AUGUSTIN
1 BEAUTE DE JESUS-CHRIST
1 BON EXEMPLE
1 BONTE
1 CHANOINES
1 CHARITE DE JESUS-CHRIST
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 CHARITE THEOLOGALE
1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
1 CORPORATIONS
1 CORRECTION FRATERNELLE
1 COUVENT
1 DEMONS
1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
1 DETACHEMENT
1 DIEU LE PERE
1 DIVIN MAITRE
1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
1 DOUCEUR
1 DOUCEUR DE JESUS-CHRIST
1 EGLISE
1 EGOISME
1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
1 EPREUVES SPIRITUELLES
1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
1 ETERNITE
1 ETUDE DES MYSTERES DE JESUS CHRIST
1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
1 EVANGILES
1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
1 FIDELITE A LA GRACE
1 GENEROSITE
1 HUMANITE DE JESUS-CHRIST
1 HUMILITE
1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
1 JESUS
1 JESUS-CHRIST
1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA GRACE
1 JESUS-CHRIST MODELE
1 LAVEMENT DES PIEDS
1 LOI HUMAINE
1 LUTTE CONTRE LE PECHE
1 MAITRES CHRETIENS
1 MAITRESSES
1 MORT DE JESUS-CHRIST
1 NOTRE-SEIGNEUR
1 OEUVRE DE JESUS-CHRIST
1 ORGUEIL
1 OUBLI DE SOI
1 PAIX DE L'AME
1 PAQUES
1 PASSION DE JESUS-CHRIST
1 PATIENCE
1 PECHE
1 PECHES
1 PECHEUR
1 PENITENCES
1 PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
1 PREDICATION
1 PRUDENCE
1 PURIFICATION
1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 REFORME DU CARACTERE
1 REGULARITE
1 RELATIONS ENTRE RELIGIEUX
1 RELIGIEUSES
1 RENONCEMENT
1 REPOS SPIRITUEL
1 RESPECT
1 SACREMENTS
1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
1 SAGESSE HUMAINE
1 SAINTE COMMUNION
1 SAUVEUR
1 SENTIMENT DES DROITS DE DIEU
1 SERVIABILITE
1 SIMPLICITE
1 SOLITUDE
1 SOUMISSION SPIRITUELLE A JESUS-CHRIST
1 SUPERIEURE
1 THEOLOGIE DE SAINT AUGUSTIN
1 TRAHISON
1 TRAVAIL
1 UNION A JESUS-CHRIST
1 UNION DES COEURS
1 VERTU D'OBEISSANCE
1 VERTU DE FORCE
1 VERTU DE RELIGION
1 VERTUS DE JESUS-CHRIST
1 VIE CONTEMPLATIVE
1 VIE DE RECUEILLEMENT
1 VIGILANCE DE L'APOTRE
2 JEAN, SAINT
2 JUDAS
2 MARTHE, SAINTE
2 PIERRE, SAINT
3 JERUSALEM, CENACLE
3 RENNES - Religieuses de l'Assomption
- 22 novembre 1870
- Nîmes
Canevas de l’auteur. -Scène de Jésus lavant les pieds à ses apôtres. Si ergo ego lavi pedes vestros, Dominus et Magister, et vos debetis alter alterius lavare pedes. (Joan. XIII, 14.) Services réciproques. Obéissance dans les plus humbles fonctions.
I. Humilité de Jésus dans le lavement des pieds Cum se sciret a Deo exiisse, et ad Deum pergere, non Dei domini, sed hominis servi implevit officium. (S. Augustin, in Joan. tract. LV, 6.) Il voit les mains de Judas et il lui lave les pieds. Etiam illi non dedignatus est pedes lavare, cujus manus jam praevidebat in scelere. (S. Augustin, eodem loco.) Désir de réparer les péchés d’orgueil.
Quid mirum si misit aquam in pelvim unde lavaret pedes discipulorum, qui in terram sanguinem fudit, quo immunditiam dilueret peccatorum? (S. Augustin, op. cit., 7.) Tout ceci n’est que pour nous purifier. Tota illa ejus passio, nostra purgatio est. (S. Augustin, eodem loco.)
Tanta est quippe humanae humilitatis utilitas, ut eam suo commendaret exemplo etiam divina sublimitas: quia homo superbus in aeternum periret, nisi illum Deus humilis inveniret. (S. Augustin, eodem loco.) Pureté par l’humilité.
Nous voyons des âmes dire: « J’ai lavé mes pieds, comment les souillerai-je de nouveau? Lavi pedes meos. Quomodo coinquinato est? » Grand mystère! Saint Augustin dit que les âmes veulent rester dans la solitude, et Dieu veut qu’elles aillent au travail. (In Joan. tract. LVII.)
II. Humilité des uns envers les autres
Humilité par les prières qu’on fait pour les gens qui nous vexent. -Humilité pour les services rendus. -Humilité en se mettant au-dessous. -Humilité dans la patience persévérante.
Texte sténographié de la Conférence
Mes Soeurs,
Nous examinerons aujourd’hui les conséquences pratiques que nous pouvons tirer d’un acte très important de la vie de Notre-Seigneur, si important, que quelques théologiens ont voulu l’élever à la hauteur d’un sacrement: je veux parler du lavement des pieds.
I. Humilité de Jésus dans le lavement des pieds
Voyez la solennité que met saint Jean dans le début de ce récit: « Avant la fête de Pâques, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin. » (Joan. XIII, 1.) Jésus sachant que l’heure est venue de passer à son Père, que va-t-il faire? Donner une grande, une immense marque de son amour. Et coena facta, cum diabolus jam misisset in cor ut traderet cum Judas Simonis Iscariotae. (XIII, 2.) Ici, nous rencontrons le fait diabolique que nous commenterons plus tard, mais notons que Judas est là. « Jésus, qui savait que son Père avait remis toutes choses entre ses mains, et qu’il était sorti de Dieu et s’en allait à Dieu. »
Vous représentez-vous, après une introduction si admirable, ou, pour mieux dire si solennelle, ce qui suit? Jésus se lève, prend un linge, ceint ses reins et lave les pieds de ses disciples.
Quel rapport y a-t-il, je vous le demande, entre la majesté de ce préambule et l’acte que Notre-Seigneur accomplit? Il y a là, mes Soeurs, une grande leçon d’humilité, et saint Augustin va nous l’expliquer. « Cum se sciret a Deo exiisse et ad Deum pergere, non Dei domini sed hominis servi implevit officium. Sachant qu’il est sorti de Dieu et qu’il retourne à Dieu, il accomplit l’office non de Dieu qui est le Maître, mais de l’homme qui est le serviteur. »
Mes Soeurs, Notre-Seigneur vient détruire les péchés un à un. Il les a détruit dans leur ensemble par la mort de la croix, il a voulu les détruire un par un par ses exemples. Et comme l’orgueil est le grand péché de l’homme, Notre-Seigneur pose le magnifique préambule: Sciens quia omnia dedit ei Pater in manus…, et, aussitôt après, il le fait suivre de l’acte le plus profond d’humiliation et d’abaissement. Et c’est pour cela que saint Augustin dit que « Jésus-Christ accomplit l’office, non de Dieu qui est le Maître, mais de l’homme qui est serviteur ou esclave. »
C’est là le mystère, la grande leçon que Jésus-Christ nous donne. Nous autres, esclaves du péché, si nous voyons Notre-Seigneur s’abaisser à un tel acte d’humilité, ne pour rions-nous pas prendre la résolution de pratiquer aussi l’humilité?
Vous voyez donc que ce préambule si magnifique est parfaitement adapté à ce que nous propose Notre-Seigneur. Jésus-Christ vient rendre à son Père tout l’hommage que lui avaient ôté et l’orgueil du démon et l’orgueil de l’homme. Jésus-Christ est le maître de toutes choses, c’est pourquoi il dit: Sciens quia omnia dedit ei Pater in manus. Et alors que va-t-il faire? Un acte d’humilité étonnant dans sa bassesse; pour nous montrer que l’humilité est la plus grande de toutes les choses et le plus grand de tous les sacrifices. Notre-Seigneur embrasse volontairement cet acte d’humilité.
Et si, mes Soeurs, hier, dans notre étude de la Passion, nous n’avons pas pu voir Notre-Seigneur s’infligeant des souffrances volontaires, et si je vous ai dit de ne pas les rechercher, mais de vous laisser faire comme lui, ici je m’arrête devant le sublime exemple de l’humiliation volontaire dans le lavement des pieds, et je vous propose d’aller au-devant comme Notre-Seigneur. Que serait un couvent mes Soeurs, où toutes les religieuses iraient au-devant de l’humiliation? Oh! ce serait temps perdu que d’avoir une Supérieure! Il n’y aurait plus rien à faire pour elle.
Vous me faites une objection que Notre-Seigneur prévoit. Une religieuse dirait:, »Je m’humilierais bien, mais on m’en fera trop. » Saint Augustin va vous répondre, et il est terrible: « Etiam illi non dedignatus est pedes lavare, cujus manus jam praevidebat in scelere. Notre-Seigneur n’a pas dédaigné de laver les pieds de celui dont il voyait les mains souillées par le crime. »
De façon, mes Soeurs, que si vous voulez imiter Notre-Seigneur, il faut laver les pieds des religieuses dont vous savez que les mains sont employées à faire du mal. « Mais voilà, ma Soeur qui va me dénoncer à notre Mère, qui va rapporter ce que je dis ou fais, qui abuse de mes confidences. C’est Judas. » Que voulez-vous? Notre-Seigneur s’abaisse devant Judas. Qu’avons-nous à répondre? Et comme notre raideur est condamnable! D’abord, vous n’êtes pas sûr que cette Soeur sera Judas. Mais je le suppose.
Si vous voulez suivre Notre-Seigneur dans cette admirable scène du lavement des pieds, il faut que vous alliez vous humilier même devant une Soeur qui pourra vous trahir. Il y a de faux frères, il peut se trouver de fausses Soeurs. Et d’ailleurs votre imagination ne sera pas embarrassée pour le croire, bien qu’un peu plus pour le prouver. N’importe! Vous vous humilierez devant cette Soeur, comme Jésus le fit aux pieds de Judas.
Mes Soeurs, il faut aller au fond des choses. Une communauté est un corps; un couvent est un tout moral. Donc, il y a solidarité entre les Soeurs: les bonnes réparent les fautes des moins bonnes. On dit que telle Congrégation a tel caractère, qu’elle est orgueilleuse. Vous savez qu’on disait des religieuses de Port- Royal qu’elles étaient pures comme des anges et orgueilleuses comme des démons. »
Il est évident que chaque communauté porte sa masse d’orgueil et qu’il y a certains péchés qui pèsent sur elle. S’il s’y trouve une pauvre créature bien humble, bien basse, elle remplit l’office de Notre-Seigneur. « Quid mirum si misit aquam in pelvim unde lavaret pedes discipulorum, qui in terram sanguinem fudit, quo immunditiam dilueret peccatorum. Qu’y a-t-il d’étonnant que Notre- Seigneur ait mis de l’eau dans le bassin pour laver les pieds de ses disciples, lui qui devait verser son sang pour purifier les pécheurs? »
Ainsi, voilà la Soeur la plus humble de la communauté -et je vous le souhaite à toutes-, à quoi s’emploiera-t-elle? A s’humilier devant les Soeurs les plus désagréables, parce qu’elle veut porter les péchés de sa communauté et qu’il y a solidarité entre tous les membres d’un même corps. Si donc elle veut imiter Notre-Seigneur lavant l’impureté des pécheurs, elle se mettra devant des Soeurs qui la feront souffrir, en esprit de dévouement, de sacrifice, comme une victime; et il faudra qu’elle s’applique par-dessus tout à ces petits actes d humiliation de tous les jours: faire des avances à quelqu’un qui ne les reçoit pas, sourire à une physionomie revêche, parler à celles qui ne soufflent mot depuis vingt-quatre heures. Mettre de l’eau dans le bassin, tous ces petits riens de la vie, voilà ce que vient nous enseigner Notre-Seigneur.
J’en reviens toujours là, mes Soeurs. Notre-Seigneur n’a pas voulu venir sauver seulement les grands pécheurs, donner de grands exemples, il descend dans les petits détails pour les petites âmes faibles et pécheresses. Misit aquam in pelvim. Je vous demande de faire cela, après le magnifique préambule. Ah! mes Soeurs, il y a, si vous y regardez bien, quelque chose de bien touchant et consolant à la fois dans la manière dont les petits détails sont traités par Notre-Seigneur. C’est une délicatesse de sa part pour nous montrer que, dans la vie religieuse, les petits détails sont choses considérables.
N’oublions pas, mes Soeurs, que le premier couvent a été au Cénacle. Il y avait là aussi l’Eglise, l’épiscopat; mais ces petits détails ne les regardent pas, ils sont posés là tout exprès pour les couvents. Cette cruche et ce bassin, c’est pour vous que l’Evangile en parle. Admirez donc la bonté de Notre-Seigneur qui descend jusqu’à la familiarité de ces petites choses pour vous apprendre comment il faut humilier votre orgueil et pratiquer la charité; prenez la résolution de vous abaisser devant vos Soeurs, d’aller au-devant des humiliations.
Et j’ajoute que chacun de ces détails était une préparation à la grande purification de la Passion. » En effet, dit saint Augustin, toute la Passion n’est que notre purification. » Le lavement des pieds est comme le symbole de la purification intérieure, dans laquelle nous devons entrer tous les jours par l’humiliation. Il faut donc toujours s’humilier pour purifier son âme et la disposer à la grande purification de la Passion.
Qu’y a-t-il de plus simple? Notre-Seigneur prend de l’eau et la verse dans un bassin. Mais je vous prie de vous rendre compte de la perfection avec laquelle Notre-Seigneur accomplit cet acte si simple. La vie de la religieuse aussi se compose de beaucoup de petites choses. Voyez avec quelle perfection vous les accomplissez avec quelle grandeur, quelle humilité, quelle sainteté, et rappelez-vous que toute la vie de la religieuse n’a qu’un but, se sanctifier.
Je comprends alors le magnifique moyen que Notre-Seigneur a pris pour nous montrer qu’il n’y a rien de petit, rien d’étroit, rien de médiocre dans les choses qui sont faites pour l’amour de Dieu.
Bossuet a tiré du récit du lavement des pieds de fort belles considérations sur la nécessité de se purifier des moindres fautes avant d’aller à la sainte Table. Je n’aborde pas cette pensée et je m’arrête à un texte de saint-Augustin, dans une magnifique homélie qui valut au prédicateur des applaudissements dans l’église, et, en même temps, l’occasion de faire un acte d’humilité. Lavi pedes meos. Quomodo coinquinabo eos? (In Joan. tr. LVII.)
J’arrive à l’épouse du Cantique, qui sent son bien-aimé à la porte. Au lieu de lui ouvrir, elle dit: « Je me suis lavé les pieds avant de me coucher, et je ne veux pas les souiller de nouveau. » Qu’est-ce que cela veut dire? ajoute saint Augustin. Il y a là tout un mystère. Cette épouse qui a trouvé son repos et qui dit: « Vous venez, mon bien-aimé, mais je ne me lèverai pas de ma couche, parce que je ne veux pas souiller mes pieds, » c’est le modèle de l’âme qui a trouvé la paix dans la solitude et qui veut y rester parce qu’elle s’y trouve bien. C’est si bon, qu’on ne veut plus reprendre le labeur du travail, descendre dans la vie active, mais s’enfoncer dans une sainte paresse: lavi pedes meos.
Il ne faut pas faire cela, mes Soeurs. Sans doute, il y a des âmes qui ont besoin d’un certain repos. C’est évident, et Notre-Seigneur le dit. Mais ceci est autre chose. On veut rester tranquille, toute seulette, parce qu’il y a une jouissance dans le repos. Ce n’est pas là la part que Dieu veut vous faire sur la terre.
Voyez-vous l’épouse chercher un repos qui n’est pas celui de ce monde? Dans l’éternité, nous l’aurons. « Je me suis dépouillé de ma tunique, » dit plus loin l’époux du Cantique. « Ceci, répond saint Augustin, représente les apôtres qui se sont dépouillés de leurs tuniques, c’est-à-dire de leurs corps, et qui ne reviendront plus dans ce monde. » Mais ici-bas il faut travailler. C’est la loi pour tous. Et il faut le faire avec ordre, sans agitation, sans mériter le reproche que Notre-Seigneur adressait à Marthe, mais en se souvenant que les religieuses françaises ne doivent pas se contenter de la seule et oisive contemplation des femmes d’autres pays.
« Après qu’il leur eut lavé les pieds, il reprit ses vêtements, et, s’étant remis à table, il dit à ses apôtres: Comprenez-vous ce que je vous ai fait? Vous m’appelez le Maître et le Seigneur; et vous dites bien, car je le suis. » Vous voyez que Notre-Seigneur ne sacrifie pas ses droits. C’est la Supérieure ou la maîtresse de classe qui s’humiliera devant ses inférieures, mais qui sait bien qu’elle est quelque chose de grand, non par elle-même, mais parce qu’elle est revêtue de l’autorité de Dieu.
II. Humilité des uns envers les autres
« Si donc moi, le Seigneur et Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes. » Voilà la grande leçon sur laquelle je n’insisterai pas davantage. Vous devez vous laver les pieds les unes les autres c’est-à-dire vous porter les unes les autres dans une véritable et sincère humiliation, dans un véritable et sincère respect, dans une véritable et sincère charité.
Voilà, il me semble, les trois grandes règles qui doivent présider aux rapports des religieuses entre elles, et vous comprendrez comment Notre-Seigneur, voulant laisser un exemple à cette partie choisie de son troupeau, a voulu s’entourer de toute la majesté de son rang divin, au commencement d’un acte d’humilité, pour mieux faire comprendre la profondeur de ses abaissements. Il se maintiendra leur Maître, leur Seigneur, mais il s’humiliera à leurs pieds.
Vous voyez qu’il y a possibilité de faire marcher de front l’humilité avec la majesté du pouvoir. Vous pouvez être toujours humbles et toujours maîtresses.
Vous dirais-je ici, mes Soeurs, qu’on remarque que les jeunes prêtres employés comme professeurs dans les Séminaires ont de la peine, dans la suite, à se plier sous le joug de l’obéissance? En serait-il de même pour les religieuses maîtresses? Je ne sais, je signale seulement le fait.
Je termine par une anecdote. Un de mes amis, chanoine de Rennes, s’était lié d’amitié avec son cordonnier, brave homme et fort dévot. Un jour, dans leurs entretiens spirituels, ils prirent la résolution de s’exercer à l’humilité, et n’en trouvèrent pas de pratique plus excellente que de se laver les pieds l’un a l’autre. On chauffa l’eau, on se prépara. Mais qui commencerait? Grave question! Le chanoine voulait laver les pieds de son ami, le cordonnier protestait qu’il ne le souffrirait pas. Bref, ils discutèrent si bien la priorité de cet honneur ou de cette humiliation, comme vous le voudrez, qu’ils ne se lavèrent point les pieds l’un à l’autre.
C’est qu’en dernière analyse, mes Soeurs, nous mettons de l’orgueil dans notre humilité. Il est moins pénible, dans certaines circonstances, de faire un acte d’humilité que de l’accepter, de sorte qu’il ne suffit pas de faire une pratique apparente, il faut mettre de la sincérité dans notre humilité, et tel acte d’humilité peut être composé de notre orgueil et ne produire aucun fruit dans notre âme. Et si Notre-Seigneur, dans sa divine simplicité, a voulu étonner ses disciples en s’abaissant à leur laver les pieds, la protestation de saint Pierre est là pour nous montrer qu’il y a souvent plus d’humiliation à se laisser rendre un service qu’à le rendre soi-même aux autres.
Voyez toutes les formes que revêt cet épouvantable orgueil! Aussi Notre-Seigneur ne craint pas de dire: « Si je ne te lave les pieds, tu n’auras point de part avec moi. » Alors saint Pierre, dans son ardeur, change de langage: « Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête. » Et Jésus répond: « Celui qui a pris un bain n’a besoin que de laver ses pieds; il est pur tout entier. » Il fera cela, et pas plus que cela.
Oui, mes Soeurs, il faut de la prudence, de la modération dans l’humilité; il faut se garder d’une exagération indiscrète. Lisez et relisez le chapitre de l’Evangile, vous serez dans l’admiration de tous les détails de cette narration. Notre-Seigneur y met la puissance, la majesté, la force, la charité, l’humilité, tout enfin. Et, à son exemple, vous verrez qu’une religieuse doit être charitable, prudente, discrète, humble et forte en même temps. Vous verrez la nécessité de rendre à vos Soeurs les devoirs de l’humilité, et par là vous ferez un bien immense à leurs âmes et vous donnerez aussi à votre Congrégation sa véritable force: l’humilité dans la charité, et la charité dans l’humilité. Je ne sais rien de plus beau, de plus admirable. Et comme c’est surtout à la Cène que nous pouvons admirer cet exemple du Sauveur, je vous engage à faire là-dessus une ou deux sérieuses méditations. Il en résultera pour vous une modification de vie, une transformation de caractère.