- OEUVRES SPIRITUELLES EDITEES|INSTRUCTIONS AUX TERTIAIRES DE L'ASSOMPTION.|INSTRUCTIONS POUR LES REUNIONS DU TIERS-ORDRE (1879).
- FLAGELLATION.
- Instructions aux Tertiaires de l'Assomption, 1878-1879. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1930, p. 129-133.
- CO 136
- 1 AMOUR DES AISES
1 AMOUR DU CHRIST
1 AMOUR-PROPRE
1 CHATIMENT DU PECHE
1 CONCUPISCENCE DE LA CHAIR
1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
1 HERESIE
1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 JUSTICE DE DIEU
1 LUTTE CONTRE LE PECHE
1 MALADIES
1 MORT DE JESUS-CHRIST
1 ORGUEIL
1 PASSION DE JESUS-CHRIST
1 PECHE
1 PECHEUR
1 PENITENCES
1 PROVIDENCE
1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
1 SALUT DES AMES
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
1 TYRANNIE DES SENS
1 VERBE INCARNE
2 JEAN, SAINT
2 JEREMIE
2 JUDAS
2 PIERRE, SAINT
2 PILATE - Tertiaires de l'Assomption
- 1879
- Nîmes
Tunc apprehendit Pilatus Jesum et flagellavit(1). Un Dieu soumis au supplice des esclaves, quel mystère! C’est celui que Jésus nous représente ici dans la série de ses douleurs. Il veut s’anéantir jusqu’au bout: Tunc apprehendit Pilatus Jesus et flagellavit. Saint Jean, qui écrit son Evangile pour établir contre les premiers hérétiques la divinité de Jésus-Christ, est celui qui accentue davantage son récit de la flagellation. L’union de la divinité à l’humanité sainte du Sauveur n’y fait rien, il faut qu’un Dieu soit flagellé par les pécheurs. Etudions ce mystère et voyons: 1″ Ce qu’est la flagellation pour Jésus; 2″ En quoi nous le flagellons; 3″ En quoi nous devons nous flageller à notre tour.
I. -Ce qu’est la flagellation pour Jésus.
C’est d’abord une horrible humiliation. Ce corps, en qui habite la plénitude de la divinité, est exposé à toutes les insultes. Dans l’effrayante nudité où il est condamné, que de hontes il veut subir! Tout ce qu’il y a de verginal en lui est abandonné à une soldatesque grossière. Ces légionnaires romains, devenus ses bourreaux, comment le traitent-ils? Comme un esclave et comme un criminel. Et Jésus accepte cette première sentence, qui sera bientôt suivi de celle de la croix, c’est-à-dire de la sentence de mort.
Ce qu’a été ce supplice, qui peut le dire? Rappelons-nous que c’est le corps le plus sensible, le plus délicat qui ait jamais été livré aux coups et aux fouets. A l’humiliation vient donc se joindre, pour le divin Maître, la plus vive douleur. Encore une fois, je n’insiste pas. Je dis seulement que bientôt son corps n’est qu’une vaste plaie. Et il l’a voulu: Ego in flagella paratus sum(2). Il se présente aux coups; Afflictus sum et humiliatus sum nimis(3). Et chacun de ces coups déchire ses chairs et fait couler son sang. Voilà ce que je dois considérer; mais ce que je dois examiner plus attentivement encore, c’est en quoi, bien plus que les bourreaux, je flagelle Jésus.
II. -En quoi je participe à la flagellation.
La flagellation du divin Maître est une humiliation sans mesure et une immense douleur physique. Je ne dois donc pas me faire illusion. Chaque fois que je me livre à mon orgueil, à ma vanité, à mon amour-propre, à mes sentiments de fierté ou de dignité déplacés, je dépouille Jésus de ses vêtements, je l’attache à la colonne, je l’expose à toutes les hontes de la nudité qu’il a voulu subir pour moi.
Et quand je m’abandonne à ma vie trop commode, trop facile, trop sensuelle, c’est ma main qui le charge de coups.
Et si je me laisse aller à la révolte de mes sens, c’est moi qui fais couler son sang.
Ah! qu’il importerait qu’en face de ce spectacle des épaules divines courbées sous les coups multipliés de ces fouets cruels, je susse me retourner contre moi-même et reconnaître l’auteur de ces cruels châtiments. Nous frémissons à la pensée de la brutalité des bourreaux; mais, après tout, ils ne sont que les instruments d’un ordre, et cet ordre donné par Pilate par qui a-t-il été provoqué, sinon par nous?
Absolvons donc et Pilate et les bourreaux, ou reconnaissons que les vrais auteurs de la flagellation ce sont nos péchés, notre orgueil, notre sensualité. Si Jésus est ainsi flagellé, ne nous en prenons qu’à nous-même.
III. -Par qui devons-nous nous laisser flageller?
Par qui devons-nous nous laisser flageller? D’abord par la main de Dieu, qui veut lui aussi venger les humiliations et les douleurs infligées à son Fils. Et en effet, que d’humiliations ne se présentent pas dans la vie! Dieu nous les inflige sans nous consulter. Quand il s’agit des autres, nous les trouvons parfaitement méritées; quand il s’agit de nous, nous les trouvons souverainement injustes. Et quand bien même elles le seraient! Les humiliations de Jésus-Christ étaient-elles justes? Ce serait un trait de ressemblance avec le divin Maître, dont nous ne devrions pas nous plaindre si nous l’aimions véritablement. Mais que de fois n’avons-nous pas mérité d’être humiliés?
J’en dis autant de ces maladies que Dieu nous envoie à cause de nos propres fautes ou à cause de celles de nos devanciers. Il y a là des effets d’une redoutable Providence; mais pour si effroyable qu’elle soit, elle n’en est pas moins souverainement juste. Que de révélations se feront au jugement dernier sur ces châtiments réparateurs que nous pouvons tranformer en préservatifs de la colère divine. Il faut courber la tête comme ce roi d’Angleterre dépouillé de sa couronne et qui, dans la semaine, entendant ces paroles de Jérémie: « La couronne est tombée de notre front; malheur à nous, parce que nous avons péché »(4), se leva et reconnut que Dieu châtiait en sa personne l’apostasie de sa race.
Nous devons être flagellé par la main et la langue des hommes. Que de procédés honteux dont nous sommes les victimes! Nous disons alors: J’accepte ce qui vient de Dieu, je n’accepte pas ce que les hommes me font souffrir. Est-ce que Jésus-Christ n’a accepté que les coups partis de la main de son Père? Qu’étaient Judas, qui l’a vendu; Pierre, qui l’a trahi; les prêtres, qui l’ont fait saisir; Pilate, qui l’a condamné; les bourreaux, qui l’ont flagellé? Est-ce que, après tout, un cheveu tombe de notre tête sans la permission de notre Père céleste? Reconnaissons que nous avons mérité le châtiment, que les hommes ne sont que les instruments de sa justice, et ne nous plaignons plus du sort qui a été celui de Jésus.
Enfin, nous devons nous flageller nous-mêmes. Si nous avions et l’horreur du péché et l’amour des pécheurs, et surtout l’amour de Notre-Seigneur, la grande victime pour le péché, comme nous serions empressés de nous faire victimes avec lui! Comme nous repousserions la vie aisée, facile, commode, agréable; comme nous irions à l’imitation de Jésus- Christ! Le divin Sauveur, selon son humanité sainte, se laisse maltraiter; mais il y a la divinité qui ordonne ces mauvais traitements. De même, la nature doit se laisser faire, si vous le voulez; mais il y a en nous le principe supérieur de la grâce qui crie au fond de notre conscience: faites pénitence et offrez à Dieu de volontaires satisfactions. Celles qui viennent de Dieu et du prochain sont excellentes; les pénitences volontaires ne le sont pas moins, pour montrer le degré d’obéissance, d’amour, d’horreur du péché avec lequel nous acceptons les autres.
Enfin Dieu est là, nous montrant son Fils et nous disant: « Voilà l’état où je l’ai réduit pour vous. A quel état voulez-vous vous réduire vous-même? » Grave question, qu’encore une fois peuvent seules trancher la pénitence et la reconnaissance.
2. "Je suis préparé aux verges." (Ps. XXXVII, 18.)
3. "J'ai été affligé et humilié outre mesure." (Ibid., 9.)
4. *Cecidit corona capitis nostri; vae nobis quia peccavimus.* (Tbren. V, 16.)