ARTICLES

Informations générales
  • TD 9.62
  • ARTICLES
  • MEMORIE DOCUMENTALE.
  • La Croix, I, avril 1880, p. 68-71.
  • TD 9, P. 62; CO 174.
Informations détaillées
  • 1 ATHEISME
    1 CARBONARI
    1 CONSPIRATION
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SOCIETES SECRETES
    2 ALEXANDRE II, TSAR
    2 BONAPARTE, LUCIEN
    2 BONAPARTE, NAPOLEON-LOUIS
    2 CAGLIOSTRO, JOSEPH BALSANO
    2 CAVOUR, CAMILLO
    2 CHALLEMEL-LACOUR, PAUL-ARMAND
    2 CHARLES-ALBERT DE SAVOIE
    2 CLEMENCEAU, GEORGES
    2 FERDINAND II DES DEUX-SICILES
    2 GAMBETTA, LEON
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 GREGOIRE XVI
    2 JEAN BOSCO, SAINT
    2 LACECILIA, NAPOLEON
    2 LAFARINA, GIUSEPPE
    2 LAMARTINE
    2 MAZZINI, GIUSEPPE
    2 MENCACCI, PAOLO
    2 METTERNICH, KLEMENS DE
    2 MILANO, AGESILAS
    2 MURAT, JOACHIM
    2 NAPOLEON III
    2 NUBIUS
    2 ORSINI, FELICE
    2 PIANCIANI
    2 PIANORI
    2 PIE IX
    2 RADETZKI, JOSEPH
    2 RIARIO SFORZA, SISTO
    2 TIBERE
    2 TITUS, EMPEREUR
    2 VICTOR-EMMANUEL II
    3 ANGLETERRE
    3 ASIE MINEURE
    3 AUTRICHE
    3 CHYPRE
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 LOMBARDIE
    3 MARCHES
    3 MARSEILLE
    3 MILAN
    3 NAPLES
    3 NOVARE
    3 PIEMONT
    3 ROME
    3 ROYAUME DES DEUX-SICILES
    3 RUSSIE
    3 SAVOIE
    3 SEDAN
    3 SICILE
    3 SPIELBERG
    3 VENISE
  • avril 1880.
  • Paris
La lettre

Que la franc-maçonnerie ait une puissance ténébreuse immense, le nier serait nier l’existence de la nuit. La mission de la franc-maçonnerie, à proprement parler, est de répandre ces clartés obscures comme les flammes de l’enfer. On n’y voit pas Dieu, et l’on croit y voir assez pour nier son existence; c’est le terme de la science moderne. Elle ne veut de lumière que pour affirmer des négations, et à l’aide de ces négations renverser l’ordre supérieur et moral, l’ordre moral surtout, mais aussi le plan divin des vérités accessibles à l’homme par la révélation.

Mais on a tant parlé de la franc-maçonnerie en général, qu’il me semble utile de l’aborder par un point de vue concret, comme disent les Allemands, et étudier en détail le spectacle des ruines faites par elle au point central du camp opposé, je veux parler de l’Italie et de Rome.

M. le commandeur Paul Mencacci public sur la secte antichrétienne et antisociale les mémoires les plus intéressants. Nous voulons en essayer l’analyse. Mais quiconque connaît la langue italienne doit les lire et les méditer, pour se rendre compte de la profonde perversité du plan de destruction religieuse. Après quoi on se rappellera que tous les ministres ou sous-secrétaires d’Etat français étaient naguère, à une seule exception près, francs-maçons, et l’on aura la clef de bien des faits et de bien des lois.

Les sociétés secrètes ne datent pas d’aujourd’hui dans la Péninsule; il y a longtemps que les souverains pontifes ont élevé contre elles une voix malheureusement trop peu écoutée. La Civiltà castolica, en nous parlant du procès de Cagliostro, nous a donné, pièces en main, les plus curieuses révélations sur cet étrange et audacieux imposteur. Plus tard sont venues les ventes, plus tard encore d’autres noms de guerre, toujours le même but: haine à Dieu et aux gouvernements établis.

Ne dites pas que l’entente restait toujours absolue. Je le crois bien, dès que la secte est sur le point de triompher, elle se déchire de ses propres mains, elle se cache moins, et, le grand jour lui étant funeste, elle expire sous un rayon de soleil. Voyez en France: la Révolution qui va triompher n’a pas encore entièrement écrasé l’ennemi, et déjà ses séides se dévorent entre eux. Voyez plutôt M. Gambetta et M. Clémenceau. La franc-maçonnerie est très bien figurée par Sysiphe. Elle roule sans cesse son rocher vers le sommet imposé, et tout à coup le rocher se précipite, mais que d’institutions n’écrase-t-il pas dans son ascension ou dans sa chute!

En Italie il y eut des francs-maçons de divers rites, des Carbonari, que sais-je encore! leur centre d’action varia. Ils étaient puissants en Lombardie et en Vénétie, mais M. de Metternich ne plaisantait pas. Les plombs de Venise et les cachots de Speilberg s’ouvrirent pour plusieurs chefs, et pour un temps l’Italie resta paisible. Plus tard, en 1830, la Révolution française ébranla les ventes italiennes. Un des princes Bonaparte périt dans une échauffourée. Son frère, qui devait être Napoléon III, ne dut sa grâce qu’aux instantes sollicitations du cardinal Mastaï, plus tard Pie IX. Mais Grégoire XVI, en la lui accordant, lui avait dit: Vous la voulez, je vous l’accorde: Dieu veuille que vous n’ayez pas un jour à vous en repentir! L’histoire s’est chargée de dire quel prophète avait été le vieux pape.

Les congrès scientifiques contribuèrent puissamment à développer le mouvement révolutionnaire. La science était le masque, la révolution était le but. M. Pianciani le déclare dans le congrès de Rome de 1873. L’agitation avait commencé en 1845 ou plutôt au congrès de Pise.

Lucien Bonaparte, prince de Canino, était l’âme de ces mouvements. C’était une habile tactique de dire qu’en s’opposant au congrès on s’opposait aux sciences et à leur développement. En public on causait sciences, en secret on conspirait pour la révolution. Et de là très probablement l’amour si grand de quelques athées pour la moderne, masque de tous les complots politiques et de tous les bouleversements sociaux.

Quand la trame s’ourdissait, on disait à ceux qui signalaient le danger: Vous êtes des calomniateurs; quand le plan a réussi, on leur dit: Nous nous sommes moqués de vous. Et puis, croyez à la bonne foi révolutionnaire.

Charles-Albert était associé à la secte. Grande habileté de prendre pour un instrument un roi réputé catholique, et qui au fond l’était, mais que son ambition poussait à laisser s’accomplir l’agrandissement du Piémont. Le lien entre la maison de Savoie et la Révolution était Villa Marina.

On dit que le grand fondateur de l’unité italienne a été le comte Camille de Cavour. Il n ‘a fait qu’exécuter les plans républicains préparés par les Carbonari et la Jeune Italie. Celle-ci, fondée par Mazzini, a porté les derniers coups connus, mais n’a pas encore achevé son oeuvre. La Jeune Italie naquit à Marseille en 1832; La Cecilia était un des chefs. Garibaldi à vingt-six ans y fut introduit; on sait le reste de son histoire.

Le Grand Orient est un vrai despote, à qui les membres les plus élevés de la secte jurent soumission, obéissance et fidélité. Mais c’est tout bonnement la contrefaçon d’un czar de Russie. Faites donc des révolutions! pour renverser les papes et les rois. O homines ad servitutem natos! disait Tibère, et qu’il avait raison!

Il faut lire dans les Memorie et l’organisation de l’Italie maçonnique et la profession de foi de Mazzini: vous y verrez que ce qui est contraire au progrès, à la liberté, à la fraternité, à l’égalité, à la solidarité humaine est le mal; que ce qui sert à leur développement est le bien. Mais parmi les moyens proposés par le grand initiateur, remarquons celui-ci; c’est un trait de lumière: L’essentiel est que le but de la grande révolution demeure inconnu, ne laissons jamais voir que le seul premier pas à faire.

Tous les moyens sont bons pour attaquer les trônes, mais surtout le mensonge, la calomnie, l’hypocrisie. On empoisonna même le fameux Nubius, qui pourtant comme diplomate avait constamment à Rome même trahi le saint-père.

Lorsqu’on voit la manière dont en Autriche les plus hauts personnages expriment leur projet de couper une à une les racines du chêne autrichien, on demeure confondu.

Quand Naples avait commencé en 1848 par proclamer le roi: le père du peuple, le grand bienfaiteur, Solon Titus, que sais-je? Mazzini le voulait ainsi. Le roi avait donné une constitution, on lui aurait dressé des autels.

Les autres souverains sont à peu près forcés d’imiter Naples: le 24 février à Paris, la révolution à Vienne bientôt après, firent croire que l’on pouvait jeter le masque; mais le république n’était pas encore prête à s’implanter en France. Radeski, un moment obligée de se retirer de Milan, mit à la raison Charles-Albert, qu’il força d’abdiquer après Novarre. Aidée par la Russie, l’Autriche se releva promptement.

De toutes les sociétés secrètes les plus importantes, surtout à Naples, étaient les Carbonari et la Jeune Italie. Celle- ci visait à l’unité italienne par la république. Dès les premières séances du parlement de Naples en 1848, le but avoué par les sectaires eux-mêmes était le renversement de Ferdinand II. Aussi les réformes n’étaient que le prétexte, le but était la révolution. Et le gouvernement piémontais voulait, non la fédération, mais l’unité italienne, Victor-Emmanuel, combattit l’Autriche, enleva la Lombardie, plus tard la Vénétie, pour la céder au Piémont, chacun le sait.

Cependant les idées allaient se pervertissant. En 1818, un député italien osait dire: Que les mères le sachent, que le monde le sache aussi, le catéchisme catholique enténèbre, loin d’éclairer les enfants. Et voilà pourquoi on ne veut pas non plus de catéchisme catholique en France. Et un autre député: La base granitique de la fortune publique de l’Italie est la guerre au catholicisme sur toute la surface du monde. Catholiques, vous tiendrez-vous enfin pour avertis?

Aussi, quand le président de la République française, Bonaparte, plus tard Napoléon III, préparant l’empire, envoya, pour s’attacher les catholiques, des troupes à Rome, n’est-il pas étonnant que ces troupes furent repoussées. Bientôt pourtant on aperçoit une entente entre l’empereur des français et cette franc-maçonnerie à laquelle il avait appartenu, dont il déplorait les serments, mais aussi dont il redoutait les bombes fulminantes.

Ainsi avançait lentement et sûrement la secte dans sa guerre contre l’Eglise. La guerre d’Orient à laquelle se voulût mêler l’Italie on ne sait trop pourquoi, sinon pour donner au Piémont le droit de siéger à Paris et à M. de Cavour l’occasion de formuler contre le pape un réquisitoire diplomatique.

Tandis que le ministre du Piémont parlait dans le congrès, il savait, comme M. Challemel-Lacour, faire agir les dames. On a de lui des lettres à des actrices et à d’autres publiées par ses partisans eux-mêmes (les amis sont quelquefois bien indiscrets) qui prouvent que tous les moyens lui étaient bons.

Et quel était le mot de Lafarina? A la porte l’Autriche et le Pape! En attendant, la France semblait défendre la papauté pour mieux la trahir. Aussi M. de Lamartine définissait ainsi la situation faite par le congrès: Une déclaration de guerre sous une signature de paix. La pierre d’attente du chaos européen. La fin du droit public en Europe.

Il faudrait suivre avec l’auteur des Memorie les intrigues de la France et de l’Angleterre contre le roi de Naples et les autres souverains d’Italie. Les notes diplomatiques s’échangeaient, la désertion des pouvoirs européens était universelle. Mais les plus coupables étaient ceux qui devaient le plus. C’est pour cela que Sedan s’est chargé de venger la Porta Pia et que Dieu a voulue que Pie IX, malgré ses quatre-vingt-cinq ans, vît expirer Victor-Emmanuel.

L’Angleterre, depuis de longues années, convoitait la Sicile. Peut-être Chypre lui suffit-il aujourd’hui qu’elle aspire à la possession de l’Asie-Mineure; mais il faut voir dans les Memorie l’habilité avec laquelle M. de Cavour brouille les relations entre l’Autriche, l’Angleterre et la France pour arriver à la possibilité de s’emparer de Naples et de détrôner Ferdinand II.

En 1830, les gouvernements accusaient le roi des Deux-Siciles d’être trop libéral; en 1860, il va être accusé d’être trop absolu. Où est la vérité? La vérité est que pour les sociétés secrètes tous les moyens sont bons, les mensonges surtout.

Le royaume de Naples était-il aussi parfaitement gouverné sous les Bourbons que le commandeur Mencacci l’affirme? Son roi a été si calomnié que peut-être il a fourni quelque prétexte. En tout cas, les crimes, les vols, la misère, l’augmentation des impôts, l’émigration des Napolitains qui vont chercher loin de leur pays de quoi ne pas mourir de faim, sont là pour prouver que les sociétés secrètes procurent le renversement des trônes, mais ne donnent ni l’ordre aux citoyens paisibles, ni le pain aux affamés. Mais on a l’Italie affranchie de Dieu, les princes chassés et la reine rendue folle de terreur en face de Passanante. Infortunée princesse, mais pourquoi changeait-elle la chapelle où s’élisaient les souverains pontifes en salle de bal? Il y a des sacrilèges que Dieu venge toujours en ce monde.

Ici commence le plus triste des spectacles. L’Angleterre poussant de toutes ses forces à la révolution italienne, sans doute par haine de la papauté; Napoléon III, sous la terreur des complots d’Orsini, Pianori et tutti quanti, lui, demandait la révolution; Cavour et Mazzini s’entendant au fond dans le même but, quoique par des moyens différents; Garibaldi employé en guise de mannequin, mais mannequin sacré pour ceux qui, en le mettant en avant, n’avaient pas eux-mêmes à se compromettre.

Lisez la correspondance de tous les conspirateurs, voyez l’or anglais circulant entre ces mains révolutionnaires, les souverains de plusieurs pays effrayés des progrès de la révolution, peut-être plus effrayés encore de se voir entourés de traîtres invisibles, comme Alexandre II dans son palais d’Hiver. L’incrédulité, le bien-être matériel détruisant le sens moral, et créant des appétits insatiables; la terre seul objet de toutes les convoitises, parce que l’on ne voulait plus du ciel; la force primant tout, le droit n’étant plus qu’un vain mot et la liberté qu’un masque bientôt inutile. Voyez plutôt l’état des choses en France.

Vint la période des poignards et des assassinats par tous les moyens; j’en connais des tentatives des plus diaboliques, Mazzini étant l’âme de la conspiration. Plusieurs échouèrent; d’autres, comme à Parme, réussirent. Ce ne fut pas la faute d’Agésilas Milano s’il fut tué, si Napales ne vit pas périr son roi. Mais on ne sait pas assez qu’Agésilas Milano n’était pas un vulgaire tueur de souverains; c’était un organisateur pour son compte ou pour celui des autres. Il ne réussit pas, mais s’il a été entouré de tant d’hommages posthumes, c’est qu’il avait des relations très étendues dans la secte. Fût-il désigné par le sort? se dévoua-t-il pour donner l’exemple? C’est ce qu’il est difficile d’affirmer.

Il paraîtrait que Napoléon III eût voulu seulement trois souverains en Italie: Victor Emmanuel avec le Piémont agrandi, les Deux-Siciles avec Murat, le pape dépoullé des Marches. La révolution entendait faire une Italie une; elle la donna à la maison de Savoie pour un temps, en attendant qu’on la livrât à la république, et l’on vit, selon l’expression de Mgr Gerbet, un prince aller de ville en ville coucher dans le lit des princes, ses parents, qu’il avait dépouillés.

Victor-Emmanuel avait une foi profonde au milieu du désordre de moeurs le plus grossier. Etait-il dangereusement malade: il envoyait demander au pape une absolution, qu’il oubliait bien vite, dès qu’il revenait à la santé. Ce qu’il a dépensé pour ses enfants naturels est exorbitant, et leur nombre sera difficile à compter.

L’auteur nous donne des pièces justificatives impossibles à analyser ici qui prouvent que le seul reproche à faire au gouvernement de Naples était son extrême douceur, je dirai presque sa faiblesse. Ce qui me semble manquer surtout, c’est le coup d’oeil qui va au fond des choses et l’énergie pour frapper opportunément, afin d’arrêter sans trop de sévérité le flot montant de la rébellion.

La conduite du clergé fut admirable. Guidé par son archevêque le cardinal Riario Sforza, il se tint en dehors des luttes politiques, à l’exception de quelques mauvais prêtres, honte de l’Eglise, qui s’en débarrasse en les abandonnant aux sociétés secrètes qui les méprisent bien vite à leur tour.

La Révolution faisait son chemin aidée par l’Angleterre et la France; elle accomplissait la première partie de son oeuvre, et Ferdinand II devait abandonner ses Etats.

Je m’arrête avec la septième livraison des Mémoires. Si quelques réflexions sont permises, il faut constater qu’il y a deux siècles déjà les papes avaient averti les souverains de l’Europe du danger des sociétés secrètes. Leurs avis furent méprisés. Quel monarque aujourd’hui n’est pas menacé? hélas! ils l’ont voulu. Ils croient qu’en se faisant admettre dans les loges, ils pourront en surveiller les menées. Etrange erreur, ils serviront à attirer les niais, mais les habiles ne les en détesteront pas moins. Que de fois ne les a-t-on pas prévenus!

Le remède n’est pas dans quelques combinaisons plus ou moins habiles, mais dans l’assainissement des peuples par les principes chrétiens, supposé qu’il en soit temps. Quant à moi, j’en suis persuadé. Tandis que Cavour complotait à Turin aussi, sans argent et sans protection, commençait une oeuvre colossale qui élève dans la foi, la vertu, le travail, l’intelligence, plus de quarante mille jeunes ouvriers, et donne à l’Eglise chaque année six cents jeunes prêtres. Que la Providence nous envoie plusieurs Don Bosco, et l’Eglise aura bientôt repris ses avantages sur les armées de la Révolution!

Notes et post-scriptum