- TD 8.144
- ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
- DIX-SEPTIEME DIMANCHE APRES LA PENTECOTE
- Le Pèlerin, N. S., III, n° 143. 27 septembre 1879, p. 620.
- TD 8, P. 144; CO 209.
- 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
1 ANCIEN TESTAMENT
1 ATHEISME
1 BIEN SUPREME
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 EGOISME
1 ENFER
1 ETUDE DES PERFECTIONS DE DIEU
1 HAINE CONTRE DIEU
1 JUIFS
1 LOI NOUVELLE
1 MAUVAIS CHRETIENS
1 MORALE INDEPENDANTE
1 SALUT DU GENRE HUMAIN
1 SANG DE JESUS-CHRIST
1 SOUVERAIN JUGE
1 TITRES DE JESUS-CHRIST
2 MOISE
3 SINAI - 27 septembre 1879.
- Paris
Voici le commencement du code évangélique tiré de l’Ancien Testament; seulement Jésus-Christ est venu, en répandant son sang pour les hommes, lui donner une interprétation nouvelle et un commentaire nouveau. Les pharisiens, pour tenter le Sauveur, lui font adresser par l’un d’eux cette question: « Maître, quel est le grand commandement de la loi? » Et Jésus répond: « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme, de toute votre intelligence, ceci est le très grand et le premier commandement; le second est semblable au premier: Vous aimerez votre prochain comme vous même. En ces deux commandements consiste tout, la loi et les prophètes. »
Après quoi les pharisiens durent se taire, alors même qu’ils ne comprissent pas. Comprenaient-ils, en effet, l’amour de Dieu, ces hommes qui rapportaient tout à eux, et qui, dans leur égoïsme, ne s’occupaient de la loi que pour la tourner à leur profit; qui l’expliquaient pour asservir le peuple, et dont les luttes avec les sadducéens, vrais matérialistes, ressemblaient grandement à ces philosophes qui admettent bien la spiritualité de l’âme, mais ne vont pas au delà. Le jugement de Dieu les effrayait peu: que voulez vous? L’enfer semblait assez inutile à des gens qui par leur conduite le méritaient du matin au soir. Cette histoire, pour remonter à deux mille ans, s’est encore passée de nos jours.
Mais ce qui les heurtait fortement, c’était la sincérité, la loyauté de Jésus-Christ, qui allait disant sa pensée, dut-on lui en faire subir de rudes conséquences. Il fallait le prendre dans ses propres filets. Alors on l’interrogera et l’on verra de qu’il pourra répondre. « Maître, pourriez- vous nous dire quel est le grand commandement de la loi? » Comme s’ils ne le savaient pas, et comme si Dieu ne l’avait pas lui-même indiqué sur les tables du Sinaï. Mais pour des gens accutumés à chercher des chicanes partout, la réponse était si simple qu’ils ne soupçonnaient pas qu’on pût la donner. Notre-Seigneur la donne pourtant et donne également la réponse à la seconde question qu’on eût pu lui faire; sur quoi le pharisien et toute sa bande restèrent bouche close.
C’est qu’en effet, quoique tout ce que disait le divin Maître fût la pure loi de Moïse, les docteurs, curieux et sophistes avaient assez de perspicacité pour juger, aux enseignements antérieurs de ce nouveau docteur si détesté, quel était le monde nouveau dans lequel il venait introduire les enfants d’Israël, et, s’ils le refusaient, l’humanité tout entière.
Il y avait là comme le pressentiment d’une doctrine supérieure, basée sur l’ancienne loi, mais se développant dans des applications nouvelles. Aimer Dieu de tout son coeur, voilà toutes les affections prises, tous les désirs subjugués; l’aimer de toute son âme, c’est-à-dire pour toute sa vie: enfin l’aimer de toute son intelligence, se plonger dans la contemplation des perfections divines, au lieu d’ergoter sur des détails mal interprétés; mais où irait-on avec un pareil système? Et la science pharisaïque n’allait-elle pas se perdre dans cette évolution désagréable de la science sacrée?
Hélas! l’amour de Dieu ne sera-t-il pas toujours la pierre du scandale? Et comprendra-t-on dans certaines régions ces paroles ineffables: « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle? »
Dieu a tant aimé le monde! Voilà ce qui ne se peut accepter, car s’il nous a aimés le premier étant ce qu’il est, il faut absolument lui rendre amour pour amour, et c’est ce qu’on ne veut pas; qu’il garde son amour, nous garderons le nôtre. Qu’avons-nous à faire de l’aimer? Ne faudrait-il pas ensuite nous mettre à aimer le prochain? Cela n’en finirait plus, nous n’aurions plus un instant pour penser à nous-mêmes.
Ce que je dis crûment, les philanthropes ne le pensent-ils pas tous?
Eh bien! oui, il y eut grand scandale dans le monde pharisien quand Jésus vint prêcher l’amour de Dieu et du prochain, et ce premier scandale dure encore.
Mais il y en a un second: trop de chrétiens imitent les pharisiens, ils n’aiment pas plus Dieu que le prochain, et le prochain que Dieu. Tel est le mal immense. Le mal fait des progrès effrayants, et c’est par l’égoisme que tant d’hommes baptisés s’enfoncent dans l’incrédulité pratique; ils ne veulent pas comprendre, pour n’être pas obligés à bien faire: ils ne veulent pas aimer Dieu, afin d’avoir tout leur temps pour s’aimer eux-mêmes. Pourtant, si le monde doit être sauvé, c’est par l’amour de Dieu poussé jusqu’au sacrifice de Jésus sur la croix et par l’amour du prochain tel qu’on se dépensera tout entier pour lui.