- TD 8.36
- ARTICLES|ARTICLES DU PELERIN|PRONES
- QUATRIEME DIMANCHE APRES L'EPIPHANIE (1).
- Le Pèlerin, N. S., II, n° 57, 2 février 1878, p. 78-79.
- TD 8. P. 36.
- 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
1 BON PASTEUR
1 CARACTERES DE L'EGLISE
1 CHATIMENT
1 CRITIQUES
1 DIABLES ADVERSAIRES
1 EPREUVES DE L'EGLISE
1 EPREUVES SPIRITUELLES
1 FAIBLESSES
1 GOUVERNEMENT DES RELIGIEUX
1 INSTITUTS RELIGIEUX
1 INTEMPERIES
1 JUIFS
1 MAUVAIS CHRETIENS
1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
1 MONDE ADVERSAIRE
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 RESPONSABILITE
1 SATAN
1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
1 SUCCESSION APOSTOLIQUE
1 SYSTEMES POLITIQUES
1 TIEDEUR
1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
2 JONAS, BIBLE
2 PIERRE, SAINT
3 JERUSALEM - 2 février 1878.
- Paris
Jésus monte sur une barque, s’y endort, et voilà qu’une tempête survient. La barque est presque submergée par les flots, les disciples ont peur et se mettent à crier: « Seigneur, sauvez-nous; nous périssons! » Jésus se réveille, commande à la mer qui, aussitôt, s’apaise et la tranquillité se fait. Tel est le miracle plein d’enseignements proposé à notre méditation. Examinons.
La barque battue par les flots, c’est l’Eglise, qui du premier coup vit son pilote, comme Jonas, jeté à la mer, avec la différence que Jonas n’était pas le pilote. Quand les Juifs eurent crucifié Jésus,ils durent dire: « Nous en voilà débarrassés. » Pas du tout, et, quelques années plus tard, ce furent eux qui périrent dans les horreurs du siège et des massacres de Jérusalem. Quant à la petite barque, elle avait pris de grandes proportions. Les apôtres y montèrent, puis les évêques, puis les martyrs, puis tout le peuple chrétien, et Jésus-Christ, par saint Pierre et ses successeurs, tenait le gouvernail. Quoi-qu’elle ait eu de fortes secousses, que les tempêtes l’aient assaillie, que les pirates aient voulu la capturer, qu’au-dedans il y ait eu des séditions, c’est sa gloire, car elle a vaincu les ennemis du dedans et ceux du dehors. Et quel est le grand vaisseau qui, comme elle, subsiste depuis bientôt dix-neuf siècles? Va, pauvre barque, ne crains pas. Tu as battu tant d’écueils, tu as brisé tant de boulets, que tu peux te vanter d’avoir une coque d’un acier plus dur que celui de tous les cuirassés modernes. Et la barque va. Les royaumes à droite, les empires à gauche, les républiques en avant, la science moderne par derrière, tout cela coule, coule…La barque de Pierre va toujours.
La barque où Jésus dort est encore une Congrégation religieuse. Composée d’éléments humains, elle est composée des bien des misères. Ce sont de fort saintes gens, mais leur sainteté n’est pas chez tous de la même espèce. On y a des idées nombreuses, diverses, contraires. La barque va sous l’impulsion de courants divers. Les pilotes se succèdent, et le gouvernail n’est pas toujours tenu de la même façon; puis les matelots en savent plus que leur capitaine; puis un beau jour la barque-congrégation, qui n’a pas la constitution de la barque-Eglise catholique, se trouve avoir une, deux, trois, quatre voies d’eau, et elle sombre. Cela s’est vu; et à qui la faute? Peut-être à tous ceux qui étaient dedans. Que si elle conserve bien l’esprit de Jésus même endormi, qu’elle ne craigne point. Sans être impérissable comme l’Eglise, elle le sera presque autant qu’elle, parce qu’elle aura davantage l’esprit de Dieu dans ses voiles et les conseils de Jésus-Christ dans son gouvernement.
Enfin, cette barque est notre âme. Nous avons été baptisés, nous communions, Jésus y est, mais nous ennuyons Jésus-Christ par nos mille petits défauts, par notre somnolence; il s’endort. Alors les tentations arrivent, le diable des tempêtes souffle tant qu’il peut, la pauvre barque ou la pauvre âme (c’est la même chose) est agitée, les vagues lui passent dessus, elle ne sait où aller. Satan au fond eu gouffre l’attend et l’aspire en quelque sorte. Que va-t-elle devenir « Seigneur, sauvez-moi, je péris », s’écrie la pauvre âme en détresse. Mais Jésus est là, elle est sauvée. Toutefois il faudrait qu’elle profitât de la leçon. Pourquoi Jésus s’endort-il, sinon parce que nous lui disons des choses qui ne lui vont pas, ou que nous ne lui disons rien du tout? Pouvoir causer avec Jésus et ne pas lui parler, ou lui conter des sottises, est peu digne du respect qu’on lui doit. Et il s’endort, et la tempête arrive, mais c’est nous qui l’avons voulu.
Seigneur, ne vous endormez ni dans votre Eglise, ni dans les familles religieuses, ni dans nos âmes; veillez-y toujours. Que si par notre faute vous venez à vous endormir, permettez-nous de vous réveiller, fût-ce un peu brusquement. Car, Seigneur, quand vous dormez, les choses vont mal, et il nous importe que partout où vous devez commander, vous teniez le gouvernail d’une main ferme et que vous nous conduisiez par des mers que nous aimerions peu; car vous en savez plus que nous, et notre grand tort, c’est de préférer vous voir dormir pour en faire à notre tête. Jésus, conduisez-nous toujours et nous irons droit au vrai port.