- TD 6.154
- ARTICLES
- CONGRES DE L'ENSEIGNEMENT CHRETIEN
- Revue de l'enseignement chrétien, N.S., III, n° 18, octobre 1872, p. 481-484.
- TD 6, P. 154.
- 1 CAUSE DE L'EGLISE
1 CHEFS D'ETABLISSEMENT
1 CONGRES DE L'ENSEIGNEMENT LIBRE
1 ENGAGEMENT APOSTOLIQUE DES LAICS
1 EVEQUE
1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
1 MONOPOLE UNIVERSITAIRE
1 REVOLUTION ADVERSAIRE
1 TIEDEUR
1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
2 DONNET, FRANCOIS
2 GINOULHIAC, JACQUES-MARIE-ACHILLE
2 GUIBERT, JOSEPH-HIPPOLYTE
2 LANGENIEUX, BENOIT-MARIE
2 PIE IX
2 REGNIER, RENE-FRANCOIS
3 BORDEAUX
3 CAMBRAI
3 LYON
3 PARIS - octobre 1872.
- Nîmes
Dieu soit béni. Le Congrès proposé par la Revue a eu lieu. Il a dépassé nos espérances. Nous comptions au plus sur une centaine d’adhérents. Nous avons vu 327 membres présents, la plupart supérieurs d’établissements libres. Plus de 150 chefs d’institution nous ont envoyé l’expression de leurs regrets de ne pouvoir partager nos travaux et leurs plus chaleureuse adhésions.
Quelques craints avaient été manifestées avant cette belle réunion. Elles ont été bien vite dissipées en face de la gravité d’hommes venus de tous les points de la France pour réclamer la liberté de l’enseignement. NN. SS. de Paris, Lyon, Bordeaux, Cambrai et vingt ou trente autres Evêques avaient envoyé leurs représentants spéciaux. Quelques prélats qui, du premier coup, ne s’étaient pas rendu compte de la valeur d’une semblable réunion, nous ont fait plus tard exprimer leurs sympathies les plus vives; et, comme l’a dit Mgr. l’Archevêque, si tous n’ont pas envoyé leurs délégués, c’est qu’ils ne l’ont pas pu.
Un moment on a paru craindre que l’entente si cordiale ne fût troublée. La prudence de M. l’abbé Langénieux, vicaire général de Mgr l’archevêque de Paris et son représentant au Congrès a vite dissipé le nuage. Et la dernière séance a manifesté hautement l’énergie de nos convictions catholiques et l’unanimité d’Enseignement.
Les paroles si graves, si douces et si fortes à la fois que Mgr l’Archevêque a prononcées dans la dernière réunion sont le plus paternel encouragement que l’assemblée pût recevoir. On voyait un grand pontife de France, heureux de sentir groupée autour de lui une force nouvelle, comme Dieu en ménage à son Eglise à toutes les époques de crise et de transformation. Ce n’était certes pas l’Eglise enseignante: ce titre n’appartient qu’au corps épiscopal, mais c’était l’élite des hommes chargés par l’épiscopat de distribuer la science à la jeunesse chrétienne, forte de la mission de leur pontife, d’un zèle et d’une expérience éprouvés qui venaient se serrer la main, rapprocher leurs pensées et leurs coeurs, mettre en commun leur action contre l’ennemi commun, s’éclairer mutuellement tantôt dans des épanchements intimes, tantôt dans des travaux entourés d’une certaine publicité. C’étaient aussi de simples chrétiens qui depuis longtemps placés sur la brèche, indiquaient les points par où l’ennemi pouvait, selon eux, être plus facilement repoussé et vaincu. C’était, en un mot, une armée en formation, appuyée, encouragée par ses chefs légitimes les Evêques, où, comme l’a si bien dit Mgr Guibert, les laïques ne font qu’un avec les prêtres, où dans l’unité des principes, chacun reste, sauf les grandes lignes, dans la liberté d’action, où la centralisation ne subsiste qu’à titre de bureau de renseignements, où les provinces se groupent volontairement dans une magnifique fédération, chacun des soldats étant prêt à rentrer sous la tente au moindre signe des premiers pasteurs. En commençant, le Congrès a imploré la bénédiction du Souverain Pontife, il s’est séparé au cri de vive Pie IX, et en chargeant son bureau de rédiger une adresse au Pontife roi. Cela suffit pour dire le fond de l’âme de tous.
N’eût-on pas faire davantage? peut-être. Pour nous qui passons pour aimer à marcher vite, nous trouvons que le chemin parcouru par un premier Congrès est très-considérable. On veut s’unir, on veut faire le plus possible, mais l’on ne veut pas une précipitation qui compromettrait une oeuvre dont l’apparition, nous est-il affirmé, ne laisse pas d’inspirer quelque étonnement à nos adversaires. Ne compromettons rien par une agitation trop hâtive. D’ici à un an des travaux seront préparés, les études fortifiées, les Universités prêtes à sortir de terre se montreront dès que la liberté conquise le leur permettra. Oserons-nous dire que la portion Ecclésiastique du Congrès aura beaucoup appris de la vie publique, que semblait lui entredire la solitude nécessaire à ses travaux habituels. Que de Professeurs de petits Séminaires vont se préparer à être de vaillants professeurs de Facultés. Ils ne seront pas les seuls que la légitime ambition d’une chaire supérieure poussera à de rudes travaux. La médecine, le droit ouvrent une carrière pleine d’honneur à bien des hommes dans nos futures Universités. Il faut vouloir, c’est l’important; la volonté des maîtres chrétiens a fait le Congrès. Avec la bénédiction du DOCTEUR UNIVERSEL, avec la direction des Evêques, ils prépareront des Universités, et prouveront que leur enseignement est aussi savant, aussi fort, aussi littéraire, aussi fécond que celui des professeurs légaux que la France subit depuis longtemps, et dont la parole a tout le succès que peut donner un monopole sans rival. Remercions-nous les amis de la Revue de leur admirable concours? Ce serait de la prétention de notre part. Il s’agissait de la cause de tous. Les avantages obtenus nous en présagent d’autres quand la liberté sera complètement conquise; tous nous remercierons Dieu qui nous l’aura accordée pour le triomphe de notre Mère commune, l’Eglise catholique. Mais tout n’est pas fait, tant s’en faut; nous comptons sur la liberté d’enseignement, il faut l’obtenir, et pour cela, il faut la réclamer. Elle est notre droit, mais droit très-contesté! Que rentrés chez eux les membres du Congrès en fassent de plus en plus comprendre la nécessité à leurs Evêques, à leurs confrères, aux parents de leurs élèves, qu’ils usent de leur influence sur les députés de leur département, qu’ils organisent une propagande de pétitions à l’Assemblée, à l’aide de leurs anciens élèves surtout; par eux il n’est pas un coin de terre française où ils ne puissent pénétrer. C’est là une des questions vitales de la société. Je ne sais quel sentiment de notre force commence à se manifester; c’est un présage heureux, n’en restons cependant pas aux présages. Les pétitions sont une forme du combat; gardons-nous d’en dédaigner la puissance. Que nos signatures répondent aux signatures des universitaires. Il est des hommes dont l’instinct les pousse à la servitude de la révolution, d’autres vont sans remords à la servitude du sommeil. Ne soyons ni des uns ni des autres: agissons, parce que l’heure favorable passée peut ne pas revenir de longtemps, et que des regrets aussi inutiles que tardifs ne nous excuseraient pas d’avoir failli aux plus impérieux devoirs.
EMMANUEL D'ALZON, des Augustins de l'Assomption.