ARTICLES

Informations générales
  • ARTICLES
  • [ADRESSE AUX HABITANTS DE PARIS] (1)
  • La liberté pour tous, Nº 3, 25 mars 1848, p. 1.
  • Lettres du P. Emmanuel d'Alzon, III. Paris, Maison de la Bonne Presse, 1926, p. 664 à 666.
  • CP 23; A 138.
Informations détaillées
  • 1 ARMEE
    1 CONSTITUTION
    1 EGALITE
    1 GOUVERNEMENT
    1 MONARCHIE
    1 PARLEMENT
    1 PARLEMENTAIRE
    1 REVOLUTION
    2 NICOLAS I
    3 BORDEAUX
    3 LYON
    3 MARSEILLE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 PARIS, HOTEL DE VILLE
  • Habitants de Paris
  • 25 mars 1848.
  • Nîmes
La lettre

Citoyens de Paris,

Vous êtes souvent un peuple de héros, vous êtes parfois les gens les plus ridicules du monde. Vous vous battez admirablement pour renverser la royauté, mais vous me faites l’effet de vouloir être les rois de la France. Cela ne nous irait point, à nous autres, gens des départements; nous vous en prévenons.

Pour ne point troubler votre omnipotence, vous ne voulez point de troupes dans Paris. Mais permettez-moi une question: Etes-vous pour les troupes régulières, oui ou non?

Si vous en voulez il faut bien qu’elles soient quelque part. Et si Lyon, Bordeaux, Marseille, Montpellier, Nîmes mettent leurs garnisons à la porte, où iront nos pauvres conscrits, sans parler de l’état-major? Les casernerez-vous dans la lune?

Si, au contraire, vous voulez que les troupes régulières soient supprimées, vous aurez-la bonté grande, au premier corps d’armée que Nicolas enverrait contre nous, de partir en masse pour protéger la frontière et repousser l’invasion. Car les départements, fort arriérés sur ce point, vous signifient qu’ils trouvent l’armée une fort bonne chose; que des troupes préparées par de nombreux exercices, aguerries par de glorieuses campagnes, leur paraissent préférables contre l ennemi à des recrues inexpérimentées, fussent-elles uniquement comme d’enfants de Paris. Ils attendront, pour adopter votre système, que l’expérience leur en ait démontré la supériorité.

Peut-être nous direz-vous: « Que chacun fasse comme il lui plaira; nous ne voulons pas de la ligne, nous n’en aurons pas. » Oh! oh! très illustres Parisiens. Est-ce que les privilèges ne sont pas abolis? Est-ce qu’après avoir inscrit l’égalité sur tous les murs de la capitale, vous l’y laisserez pendue, jusqu’à ce que mort s’ensuive? Est-ce que le droit de n’avoir pas garnison, quand les autres villes en auraient, ne serait pas un privilège un peu énorme?

J’irai plus loin: si une ville, en France, doit avoir garnison, c’est Paris.

Ne vous fait-on pas l’honneur de vous prendre pour le centre du gouvernement français? Et à ce sujet vous avez, pour le dire en passant, fait une grossièreté à la France entière: vous avez établi le gouvernement provisoire à votre hôtel de Ville, comme si tout le pays relevait de votre municipalité. C’est là un point sur lequel nous aurons à revenir; mais, pour le moment, ce n’est pas le fait capital.

Une assemblée nationale va être tenue; vous y aurez 34 députés, la France 866. Savez-vous que l’on prétend déjà que, si les députés ne votent pas comme vous l’entendez, vous les rôtirez, comme des cailles dans leur Chambre de bois, ou que tout au moins vous les ferez passer par les fenêtres? -Dans ce cas, les votes seraient-ils libres? Et si les votes ne sont pas libres, que deviennent la République et l’égalité?

Sur ce point, il me vient une idée, et je veux vous la dire. Je voudrais que chaque député choisit 100 hommes, parmi ceux qui l’auront nommé, et que ces hommes réunis formassent un corps de troupes, véritable garde des représentants du peuple. Vous fourniriez votre contingent de 3,400 hommes pour vos 34 députés. Et pendant tout le temps que durerait l’Assemblée constituante, les fusils seraient interdits à tout le monde, excepté à cette garde et à l’armée qui se rendrait aux frontières. Songez-y, la France compte trente-cinq millions d’habitants; vous n’en avez guère plus d’un à Paris.

Vous avez chassé un roi; c’est bien, et nous vous en remercions. Les départements ne veulent pas qu’on leur en impose douze cent mille.

Salut et fraternité.

UN DEPARTEMENTAL
Notes et post-scriptum
1. Article publié dans le numéro 3, samedi 25 mars 1848, p. 1; nous en avons encore le manuscrit. Il parut, avec les lignes suivantes de présentation, qui ne semblent pas être du P. d'Alzon. "L'insistance qu'une partie de la population parisienne semble mettre à repousser l'introduction de troupes régulières dans Paris a été noblement et justement combattue par le gouvernement provisoire, et particulièrement dans les réponses faites par MM. Lamartine, Ledru-Rollin et L. Blanc aux députations qui venaient demander l'éloignement des troupes de ligne de la capitale. Un de nos lecteurs nous envoie, à ce sujet, un article où, sous la forme d'une vive raillerie, il fait ressortir tout ce qu'il y a d'injuste et d'inadmissible dans les prétentions des clubs et députations de clubs, qui s'imaginent que quelques milliers de Parisiens peuvent stipuler pour la France entière."