- TD 7.320
- ARTICLES
- NIMES, 10 AVRIL
L'UNIVERSITE, SEMINAIRE DE LA FRANC-MACONNERIE SELON DE MALADROITS DEFENSEURS - Gazette de Nîmes, 11 avril 1875.
- CP 21; TD 7, P. 320-327.
- 1 ATHEISME
1 EGALITE
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
1 FRANC-MACONNERIE
1 HERESIE
1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
1 INDIFFERENCE
1 INTOLERANCE
1 MARIAGE
1 MINISTRES PROTESTANTS
1 PAPE
1 PERSECUTIONS
1 PRESSE REVOLUTIONNAIRE
1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
1 PROVISEURS
1 RATIONALISME
1 RELIGIONS ADVERSAIRES
1 REVOLTE
1 SCEPTICISME
1 TEMPLIERS
1 TOLERANCE
1 UNITE DE L'EGLISE
2 ADONIRAM
2 ALEXANDRE VI, PAPE
2 BOSSUET
2 CAIN
2 CAZEAUX, DOMINIQUE
2 CHARLES I
2 CLEMENT XII
2 CLEMENT XIV
2 COQUEREL, ATHANASE
2 CROMWELL, OLIVIER
2 DUPANLOUP, FELIX
2 ELISABETH I D'ANGLETERRE
2 HENRI VIII
2 JOUBIN, L.
2 JUSTE-LIPSE
2 MICHEL, SAINT
2 PHILIPPE-EGALITE
2 PROUDHON, PIERRE-JOSEPH
2 SAINT-ALBIN DE
2 SALOMON
2 SGANARELLE
2 VEUILLOT, LOUIS
2 VIGUIE, JEAN-ARISTE
3 ANGLETERRE
3 BESANCON
3 BUENOS-AYRES
3 CHINE
3 GENEVE
3 HOLLANDE
3 INDE
3 ITALIE
3 LEYDE
3 ORIENT
3 POZNAN
3 ROME - 10 avril,
- Nîmes,
J’ai promis de prouver comment la conséquence rigoureuse des discours d’un ministre protestant, d’un proviseur de Lycée et de deux journaux révolutionnaires établissaient l’union intime entre la franc-maçonnerie et l’Université, de telle sorte qu’il est très exact de dire:
L’Université est le séminaire de la franc-maçonnerie.
La première: Le protestantisme, a, sinon créé, du moins puissamment développé la franc-maçonnerie.
La seconde: La franc-maçonnerie professe des doctrines destructives de toute religion révélée.
La troisième: D’après les discours et les articles précités, le but de l’Université est la mise en pratique des principes maçonniques.
Une fois ces trois propositions clairement établies, la conséquence se présentera d’elle-même.
Le propre du protestantisme a été de varier sans cesse, et ses doctrines ont perpétuellement changé; c’est là la grande argumentation de Bossuet: « Vous variez; mais la vérité est invariable; donc, vous ne possédez pas la vérité. » En effet, M. Viguié, qui félicite la Hollande des belles paroles qui y ont été récemment prononcées à propos d’un centenaire de l’Université de Leyde, semble oublier qu’un des fondateurs de cette Université a écrit en toutes lettres cette sentence: De religione curam principii esse, unam illi retinendam; puniendos, nisi aliter expediat, qui dissentiunt; falsam pacem esse tolerantismum; hunc esse divini numinis irrisionem, publicae felicitatis et legum destructoram (politicorum sive oivilie doctrinae libri sex). Nous avons cité le texte pour que M. Viguié ne nous accuse pas de mal traduire. Nous traduisons pourtant les paroles du professeur de l’Université de Leyde, pour ceux qui ne savent pas le latin: Quant à la religion, le prince n’en doit conserver qu’une; à moins d’un intérêt contraire, les dissidents doivent être punis; le tolérantisme est une fausse paix, une moquerie faite à Dieu, la destruction de la paix publique et des lois.
Qu’en pense monsieur le président du Consistoire? Est-ce pour ces propositions qu’il regrette de n’avoir pas en France l’Université de Leyde où elles étaient enseignées? Mais non; nous avons, comme Saganarelle, changé tout cela, c’est un débris impur du catholicisme subsistant encore dans la réforme non suffisamment réformée; autrement Henri VIII et Elisabeth, en Angleterre, n’eussent pas fait massacrer tant de catholiques, et quant à la Hollande, on n’eût pas pris des catholiques, on ne les eût pas enterrés vivants ne laissant apparaître que leur tête pour servir de but à des joueurs de boules. Voyons, monsieur le pasteur, quelle est la vraie doctrine de la Réforme? Est-ce celle de la doctrine de l’Université de Leyde formulée par un de ses plus illustres professeurs? Est-ce celle du Nolérantisme (traduisons tolérance), et que le professeur de Leyde, Juste Lipse, stigmatise, comme nous venons de le voir? Non, le protestantisme a varié et varie si bien qu’il varie aujourd’hui contre lui-même, témoin votre dernier synode, où, je dois le reconnaître, Monsieur, vous avez été du parti vraiment logique, il est vrai en devenant de moins en moins chrétien, de telle sorte que l’on peut vous demander: A vos yeux, le christianisme, qu’est-ce donc?
Un jour, en 1848, M. le pasteur Coquerel père raconta, dans les couloirs de l’Assemblée nationale, dont il faisait partie, une histoire où il venait d’être le principal acteur: « Figurez-vous, disait-il, qu’un jeune catholique, voulant épouser une juive, ni le curé, ni le rabbin, n’ont voulu les marier pour cause d’antipathie de culte; ils sone venus me trouver piteusement. Oh! leur ai-je dit, je n’ai pas de ces scrupules-là; au nom de la charité, venez que je vous bénisse. Et je les ai mariés. » Tout le protestantisme libéral est dans ce trait. Soyez catholique, protestant, juif, musulman, paien, pourvu que vous soyez un honnête homme et que vous ayez la charité, qu’importe le reste? Il y a bien quelque difficulté pour le juif, qui déteste Jésus- Christ; mais le catholique Coquerel, ayant arrangé tout cela avec le mariage bénit par lui, pourquoi plus de sévérité! Il faut être plus large; M. Caseaux l’affirmait; M. Viguié, dans son heureuse description du Jugement dernier, le confirme. M. le proviseur Joubin, censé catholique, avec sa couronne d’immortelles, ne viendra pas l’infirmer, et ce sera non seulement tolérance, mais justice au nom de l’égalité, parole du protestant Midi.
Est-ce bien cela? Et si ce n’est pas cela, qu’est-ce que c’est? Ce que c’est, c’est l’indifférence la plus éhontée, le mépris le plus profond pour tous les cultes. Qui les accepte tous, au fond, ne croit à aucun et avec des formes polies, les méprise tous. Les protestants orthodoxes n’en sont pas là, je le sais, mais l’honnêteté rend les orthodoxes inconséquents. La logique est pour les protestants libéraux, et la logique les pousse malgré eux, mais fatalement, à l’abîme du plus absolu scepticisme. Est- ce que le scepticisme qui les force à être tolérants? Est- ce le principe de la tolérance qui les précipite dans ce sceptisme? Grave sujet de méditation; mais qui se réduit à ces deux points: ils sont tolérants au moins en théorie; ils sont rigoureusement sceptiques en matière de foi. Ils en sont réduits à dire en face de toutes les religions qu’ils veulent respecter: Peut-être! Et avec ce doute, que leur reste-t-ils quelquefois de leurs propres croyances? Peut- être!
Et alors, entre le protestantisme et la maçonnerie, quel mur de séparation pourrait-on maintenir? Vraiment, je n’en vois aucun. J’ai donc raison de dire que la réforme rationaliste a, sinon créé, du moins développé les principes maçonniques.
Ma première proposition prouvée, je passe à la seconde.
La franc-maçonnerie professe des doctrines destructives de toute religion révélée. On sait que les francs-maçons prétendent remonter: les uns, au Père éternel; d’autres, à l’archange Michel; d’autres, à Cain; d’autres, à Adoniram, l’architecte duo temple de Salomon; d’autres, au manichéîsme; d’autres, aux Templiers. Peu nous importe; il y a toujours eu, dans le coeur corrumpu de l’homme, et l’amour du secret et l’instinct de la révolte contre l’ordre établi. Ces associations perverses ont fait invasion dans les sociétés affaiblies à toute les époques; les Romains les connurent, le moyen âge en vit de fréquentes explosions. Elles laissèrent peu de traces; mais soit qu’elles se soient transmises par l’Orient avec la dualisme manichéen et les Templiers, ce que je serais assez disposé à croire, soit qu’elles aient apparu, plus tard, comme un fruit spontané d’une dégradation morale, trouvant un intérêt à nier toute croyance accusatrice, jamais les libertins, comme on disait au XVIe siècle, n’eurent plus de facilité pour passer des négations de la foi à l’organisation d’une croisade contre l’Eglise que lorsque le protestantisme libéral les eut pris sous sa protection. Des auteurs francs-maçons ont raconté comment Cromwell avait préparé l’échafaud de Charles Ier, à l’aide d’une société secrète. Peu nous importe encore: un détail de plus ou de moins n’est pas grand’chose dans une question aussi grave, c’est pourquoi nous préférons dire que le protestantisme a sinon créé, du moins puissamment développé la franc-maçonnerie. En effet, son explosion eut lieu surtout vers le milieu des premières années du XVIIIe siècle, et c’est à cette époque que l’oeil vigilant des souverains Pontifes signala les francs-maçons à la réprobation du monde chrétien. Dès 1738, Clément XII foudroyait ces associations subversives de l’ordre religieux et social, et depuis, la voix pontificale n’a cessé de s’élever pour formuler les plus persévérants anathèmes. Le développement du protestantisme rationaliste, et le développement de la franc-maçonnerie sont, on ne peut trop le répéter, deux faits trop corrélatifs et trop semblables par une foule de points capitaux. Qu’est-ce, en effet, que le libéralisme protestant? C’est l’acceptation à sa communion de toutes les sectes, chrétiennes ou non, pourvu qu’elles respectent le Christ. Et qu’est-ce que le franc- maçonnerie? C’est sous prétexte de tolérance universelle, une vaste association contre toutes les religions s’appuyant sur la révélation et en particulier contre l’Eglise catholique. La tolérance est le masque; le but, c’est la destruction de l’Eglise. Le masque se garde tant qu’on le croit utile, et se lève dès qu’on croit pouvoir s’en passer. Les exemples de masques ainsi levés abondent. Ne citons que le dernier: les incendies et les massacres de Buenos-Ayres, avec leurs cris atroces, sont là pour prouver de quoi ces associations ténébreuses sont capables; et, chose étonnante! tandis que, dans une circulaire très secrète, mais qui ne l’a pas été assez pour qu’on ne pût s’en emparer, tandis que les chefs le plus hauts, parlant de faire servir la Papauté elle-même à la franc- maçonnerie, disaient que le Pape idéal n’était pas Alexandre VI, trop odieux pour être utile, mais Clément XIV, assez faible pour être capable, au nom de la tolérance, de toutes les concessions, la loge qui, à Buenos- Ayres, se formait pour détruire le collège San-Salvador, massacrer les Jésuites, piller l’archevêché et poursuivre l’archevêque, heureusement absent, prenait le titre de Loge de Clément XIV. Il est vrai que, comme tous les moyens sont bons, les même francs-maçons publiaient un pamphlet destiné à préparer ces monstruosités sous la signature de M. Louis Veuillot. Quand rien n’empêche, tous les moyens sont bons.
Toutefois, il faut distinguer, sur deux points essentiels, la hiérarchie pour les personnes, la manifestation des doctrines selon les degrés.
La hiérarchie comprend trois degrés: l’apprenti, le compagnon, le maître. Ce n’est bon que pour le vulgaire. A ceux-là, on prêche la tolérance, on leur dit que toutes les religions sont bonnes; qu’on peut être bon catholique, bon protestant, bon juif, bon musulman, bon paien (la franc-maçonnerie se vante d’avoir pénétré l’Inde et la Chine); pourvu qu’on soi humanitaire, tolérant, cela suffit. Pourtant, lorsque Proudhon se présenta à la Loge de Besançon et qu’on lui demanda ses devoirs envers Dieu, il répondit: Guerre à Dieu! et fut admis. Le bagage de ses croyances était loger. Ainsi, on peut être bon franc- maçon et déclarer la guerre à Dieu. Proudhon, avec son génie infernal, avait, du premier coup, percé ce que la tourbe imbécille des prétendus initiés ne comprenait pas.
Mais s’il y a trois degrés pour le vulgaire, il y en a trente- deux, trente-six, et même selon certains rituels, davantage, à mesure qu’on s’élève. Le voile se désépaissit, selon l’expression maçonnique. La doctrine est renfermée dans les rituels qu’on garde avec un certain mystère. Pour tant, du moment qu’un livre s’imprime, il est bien difficile que la police et l’indiscrétion n’en surprennent pas quelques exemplaires. Un adepte meurt; le remords le pousse à demander pardon à Dieu: il faut qu’il livre son rituel. C’est ce qui a eu lieu récemment en Angleterre, pour un des principaux chefs. Et qui voudra étudier le livre de M. de Saint-Albin, sur lequel la franc-maçonnerie a fait le plus grand silence, sera épouvanté de toutes les citations qu’il donne, de tous les faits qu’il apporte et qui sont exclusivement puisés dans les livres acceptés par les Grands-Orients des diverses nations. Je renvoie, pour les détails, à ce livre irréfutable, puisqu’on n’a pas songé à le réfuter, malgré ses écrasantes accusations.
Cependant, pour peu que le Midi désire des textes, nous sommes prêts à lui en fournir. Mais qu’il y réfléchisse!
Après avoir montré comment la tolérance est le lien doctrinal logique entre le protestantisme libéral et la franc- maçonnerie, comme les prémisses bien posées ont un lien rigoureux avec leurs conséquences pratiques, nous passerons de la franc-maçonnerie à l’Université, car c’est bien de l’Université qu’il s’agit; mais je reviens à ma proposition.
Quels que soient les degrés de l’initiation, l’essentiel est qu’on tient les adeptes par un secret. Il est si doux de posséder un secret! Seulement pour qu’ils ne soient pas exposés à le trahir, on ne le lève pas. L’important est qu’à mesure qu’on avance en grade, on soit poussé à une haine profonde de l’Eglise, toujours au nom de la tolérance. On conserve encore le procès-verbal de la réception de Philippe-Egalité, duc d’Orléans, à l’un des plus hauts degrés, et où on lui fit poignarder le mannequin d’un roi et d’un pape. Sous le poignard qu’on lui avait mis entre les mains, jaillit une liqueur rouge semblable à du sang: la maçonnerie a le don de joindre le ridicule à l’atroce.
Quant au but vrai, il faut être aveugle pour ne pas le voir à chaque page des rituels de la secte. On la ,trouve surtout dans les instruction données, il y a quarante ans environ, par le conseil de la haute Vente d’Italie. Depuis, bien d’autres découvertes ont été faites; si le Midi ne les connaissait pas, nous pourrions les lui indiquer.
Ou vous vous tairez comme vous faites depuis assez longtemps, et alors vous passerez condamnation sur ce que j’affirme, ou vous parlerez, et c’est ce que nous désirons vivement, pour vous fournir des preuves de détails surabondantes et peu agréables. Je penses que les termes du débat sont suffisamment établis.
Le secret de la franc-maçonnerie est l’indifférence absolue de toutes religions conduisant à la haine la plus profonde de l’Eglise catholique, témoins l’emprisonnement des évêques au Brésil, témons les incendies et les massacres de Buenos- Ayres, témoins ce que nous voyons à Genève, à Posen et à Rome, où la franc-maçonnerie, n’ayant plus à se cacher, accomplit au grand jour les actes de la plus incroyable sauvagerie.
Reste à montrer les liens qui, d’après les paroles de M. Viguié, de M. Joubin, de M. Sarcey et du Midi, unissent toujours par la tolérance la maçonnerie à l’Université.
(A suivre)
P.-S.-Au dernier moment, je trouve dans l’Univers l’annonce d’un ouvrage de Mgr d’Orléans sur la franc-maçonnerie. Quelle que soit la valeur d’une pareille publication, la suite de mon travail n’en paraîtra pas moins mardi.
E. d'Alzon.