Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.93

1 oct 1851 Lavagnac, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il voudrait partager ses embarras et ses peines. – Ses emprunts l’empêchent de l’aider pour le moment. – Mauvaise nouvelle de Soeur Marie-Gertrude. – Nécessité de s’en remettre à Dieu.

Informations générales
  • T1-093
  • 84
  • Touveneraud, LETTRES, Tome 1, p.93
  • Orig.ms. ACR, AD 789; D'A., T.D. 21, n. 46, p. 33.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU
    1 CAPITAUX EMPRUNTES
    1 CONTRARIETES
    1 CONTRAT DE VENTE
    1 CREANCES A PAYER
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 ESPERANCE
    1 MISSION DU CAP
    1 PENITENCES
    1 PENSIONS SCOLAIRES
    1 SOUFFRANCE
    2 DONOSO CORTES, JUAN-FRANCISCO
    2 DU LAC, JEAN-MELCHIOR
    2 FERDINAND VII D'ESPAGNE
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 GAUDE, MARIE-RODRIGUEZ
    2 HENNINGSEN, MARIE-GERTRUDE DE
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MARIE-CHRISTINE DE BOURBON-SICILE
    2 MERLE, FAMILLE
    2 VEUILLOT, LOUIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • 1er octobre 1851.
  • 1 oct 1851
  • Lavagnac,
La lettre

Eh bien! ma chère fille, Dieu veut que nous soyons dans les embarras, et, tout en cherchant à ne vouloir que ce qu’il veut et par conséquent les peines qu’il nous envoie, il faut nous efforcer d’en sortir de notre mieux. Vous serez donc, vous aussi, toujours souffrante et la gorge chez vous ne vaudra donc pas mieux que chez moi! Je vais à mon retour à Nîmes, vous trouver des grenades et je souhaite qu’elles vous fassent le même bien que l’an passé.

M. Merle m’a annoncé un fils pour M. Laurent, d’une manière positive, et deux filles pour vous, mais il ne m’a pas demandé de leur faire retenir un numéro. L’abbé Laurent, à qui il conduira son fils sous très peu de jours, vous donnera une réponse plus précise.

Je vous ai déjà répondu pour les 10.000 francs de Soeur Marie-Rodriguez. J’ai déjà assez tourné et retourné cette affaire, pour vous dire qu’il n’y a rien à espérer, si vous ne faites pas un sacrifice d’argent. Mais il me semble qu’il a moyen de s’arranger avec le prix des pensions des élèves, car en fin 60 élèves vous font bien de l’argent et il ne s’agit que de gagner du temps. Car je crois avoir un excellent aboutissant auprès de Marie-Christine[1]; c’est son ambassadeur M. Donoso Cortès[2], qui est très intimement lié avec du Lac[3] et Veuillot[4]. Je vais écrire à du Lac; écrivez-lui de votre côté. Je ne doute pas que M. Donoso Cortès, qui est un homme très religieux, ne fasse tout ce qu’il pourra en votre faveur; et si la créance est bonne, une fois la chose en train, nous découvrirons bien, s’il le faut, quelque autre aboutissant. Il est évident que si vous n’avez pas d’autre moyen de payer que de vendre la campagne, il faut la vendre, surtout si vous vous réserviez un droit d’achat pour montrer votre bonne volonté. J’entre dans toutes vos peines, ma chère fille, et je voudrais bien pouvoir vous rendre ce que vous avez fait pour moi, il y a deux ans. Malheureusement mes parents me talonnent un peu trop, et les embarras dont je ne sors pas toujours aisément m’avertissent que, si je ne veux pas perdre ici tout crédit, il faut que je ne fasse pas de nouveaux emprunts. Je ne puis croire que retarder la vente de la campagne, dans un but de charité et pour éviter bien des péchés de murmure, pût être un motif qui pût faire craindre que l’âme de M. de Fr[anchessin] soit retenue plus longtemps en purgatoire, si vous pensez d’ailleurs que ses dettes pourront être payées.

Ce que j’ai pu lire de la lettre de Soeur Marie-Gert[rude] m’a désolé[5]. Hélas! quelle leçon pour nous de n’envoyer qu’à coup sûr et après avoir bien tout pesé! Mais ce n’est pas une raison pour défaillir. Dieu nous fait fortement sentir que nous ne sommes rien que par lui, et il est très utile que nous soyons bien convaincus de cette vérité, qui me devient tous les jours plus claire. Ne vous préoccupez pas de ce que je vous ai dit au sujet de la tentation, dont je vous ai parlé. Il me semble que Dieu me fait la grâce de la surmonter, malgré les violents retours qui me reviennent par moment.

Que Notre-Seigneur, ma chère fille, vous relève lui-même peu à peu! Je le lui demande bien instamment, je vous assure, et s’il m’exauce, il vous fera trouver dans toutes vos peines, à côté d’un profond sentiment de votre faiblesse, une immense confiance en son amour. Aimez-le, croyez-moi, alors que vous vous sentez la plus sèche et la plus aride. Votre coeur subit une espèce d’hiver; bientôt le printemps reviendra, et vous pouvez en hâter le retour en vous jetant tout entière entre les bras de Dieu. Vous avez bien fait de quitter la planche, mais pour vous faire pratiquer l’obéissance, dans les trois jours qui suivront cette lettre, vous aurez la bonté de faire une fois le chemin de la croix. Je n’exige pas que vous le fassiez de suite.

Adieu, ma chère fille, et bien tout à vous.

E. D' ALZON
Notes et post-scriptum
1. Marie-Christine de Bourbon-Sicile, reine d'Espagne, (1806-1878) femme de Ferdinand VII, régente de 1833 à 1843, exilée après l'insurrection de 1854.
2. Orateur et homme politique espagnol (1809-1853). Son Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme (1851) témoigne d'un catholicisme intransigeant et autoritaire.
3. Jean Melchior du Lac de Montvert (1806-1872), ami de jeunesse du P. d'Alzon, aurait voulu se faire prêtre et religieux, notamment à Solesmes; il se consacra au journalisme auprès de Veuillot dans l'Univers
4. Louis Veuillot (1813-1882), rédacteur en chef de l'Univers depuis 1842.
5. Soeur Marie-Gertrude de Henningsen (1822-1904), supérieure de la mission du Cap et fondatrice des Soeurs Missionnaires de l'Assomption après la rupture d'avec les Religieuses de l'Assomption