- V3-271
- 0+534|DXXXIV
- Vailhé, LETTRES, vol.3, p.271
- 1 CHAPELLE
1 COLLEGE DE NIMES
1 CONFESSION SACRAMENTELLE
1 CORPS
1 LEVER
1 MALADIES
1 MORT
1 REGLEMENT SCOLAIRE
1 REPAS
1 REPOS
1 SANTE
1 SOINS AUX MALADES
1 SOLITUDE
1 SURVEILLANCE DES ELEVES
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 DARRALDE, JEAN-BAPTISTE
2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
2 HALEZ, MARIE-JOSEPH
2 SALINIS, ANTOINE DE
2 SCORBIAC, CASIMIR DE
3 EAUX-BONNES - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 14 juillet 1847].
- 14 jul 1847
- [Eaux-Bonnes,
Ma chère enfant,
Je reçois votre lettre du 7, où vous vous fâchez contre moi de mon peu de soin de mon pauvre corps. Il me semble que le lieu d’où je vous écris porte avec lui ma réponse. Vous voyez bien que je me soigne. Il faut maintenant que je vous avoue tout. Je suis ravi que vous me disiez, comme vous le faites, de qui vous teniez les détails sur ma santé et la source des réflexions de vos deux précédentes lettres. Je reconnaissais si bien, à travers votre style, des phrases ou des membres de phrases qui n’étaient pas de vous, qui n’étaient pas même de Mlle Anaïs, mais qu’elle avait fini par apprendre par coeur à force de les entendre répéter à son aînée, que j’aurais été bien aise que, du premier coup, vous ne les eussiez pas prises sous votre responsabilité. Votre intérêt à tout ce qui me concerne est quelque chose de si bon que je ne voudrais pour rien au monde le diminuer, même lorsqu’il s’étend à mon pauvre cadavre; mais je serais fâché de vous voir sur le point d’adopter les idées fixes de certaines gens.
Du reste, je vais vous donner quelques explications qui pourront vous rassurer. Tous les enfants ne peuvent pas venir me trouver; il faut que la permission ait été demandée par l’intermédiaire du surveillant. Je ne confesse pas tous les enfants; nous sommes cinq prêtres pour cela, mais j’en confesse comme les autres. Les professeurs le désirent dans certaines circonstances. Toutefois, je me suis, depuis quelque temps, débarrassé d^s plus petits. Quant aux plus grands, j’y vois une foule d’avantages, entre autres celui de préparer quelques vocations, ce que ne feraient pas des prêtres qui n’ont que peu de zèle pour l’Ordre. Il n’est pas exact que je donne aux petits garçons des heures que j’enlève aux religieux. Jamais cela ne s’est vu. Seulement, je tiens à ce que les uns et les autres aient leurs heures fixes, et lorsque un maître qui, sans se gêner, aurait pu venir deux heures plus tôt, vient se confesser tandis que j’ai un certain nombre d’enfants qui attendent, je ne suis pas content. A quoi se réduit la confession des enfants, après tout? A deux heures et demie par semaine. Y a-t-il là de quoi tant s’effrayer? Mais Mlle Isaure aurait voulu que je fusse à ses ordres pour l’heure et le moment où son caprice l’aurait poussée. Je lui avais assigné 3 heures moins 1/4; je n’ai presque jamais pu obtenir d’elle qu’elle fût exacte. Ses soeurs qui l’étaient se plaignaient par ricochet. Je ne puis voir quel grand inconvénient ce système peut avoir pour l’autorité des maîtres. Je ne crois pas qu’ils puissent se plaindre que je ne la respecte pas. Seulement, il y a deux choses à éviter: 1° que, pour ne pas les surveiller, les choses n’aillent fort mal, et c’est, je crois, ce qui a pu quelquefois les vexer, mais ceci n’a jamais atteint ceux qui étaient fervents; 2° quelques-uns n’entendaient pas agir pour moi, mais bien pour eux, ce que j’ai dû fortement empêcher.
Il y a très fort une règle dans la maison, mais il n’y a pas la règle que Mlle Isaure aurait voulu me faire établir. Quand elle me proposait certaines de ses idées que je n’acceptais pas, elle m’appelait un homme faible. Je la laissais dire et je faisais ce que je croyais le mieux. Mlle Anaïs entendant dire: il n’y a point de règle, répétait: il n’y a point de règle. Il n’est pas exact de dire que je fasse tous les emplois. Il n’est pas exact de dire que je me lève toutes les nuits pour la surveillance. Je ne me suis très littéralement pas levé dix fois pendant l’année qui finit, mais je suis bien aise qu’on croie que je me suis levé plus souvent. J’ai presque toujours dormi huit heures plutôt que sept. Maintenant, c’est à vous que je dis cela: si l’on croit que je dors moins, y a-t-il un grand mal? Je ne le pense pas.
Ce qui m’a brisé, le voici: c’était l’obligation d’aller après mes repas passer un quart d’heure dans la dépense, voir des figures d’une toise de long et les entendre faire des plaintes continuelles. Saint François de Sales défend l’oraison après les repas, de peur de troubler la digestion. Je ne sache rien qui la trouble comme ces perpétuelles irritations qu’il faut supporter en paix et en douceur, tandis que le sang bout dans les veines. Je ne sais pas si je me trompe, mais, l’année prochaine où je n’aurai pas un semblable assujettissement, je pourrai plus aisément faire mes digestions et éviter mes crampes d’estomac. Mon corps, dès lors, ne se brisera plus, s’il plaît à Dieu. Je ne me suis pas accordé, du temps de Mlle Isaure, ce qui m’était nécessaire, parce qu’elle le refusait aux autres; mais depuis je n’ai pas suivi la même marche et j’y vais plus bonnement. Ainsi, ma fille, je vous crois très fort sur ce que vous me dites et je me soignerai très certainement.
Du reste, encore une fois, je vous en donne la preuve par ma présence ici. J’y suis depuis hier matin; j’ai dit pour la première fois la messe à votre intention dans cette chapelle où vous avez prié, il y a quatre ans; j’ai prié beaucoup aussi pour Soeur Marie-Josèphe. J’irai prier pour elle sur sa tombe(2), si je la reconnais, car le curé a été changé, à ce qu’il m’a dit, et quant à M. Darralde, il est inabordable; je suis allé trois fois chez lui inutilement. Il m’a promis de venir me voir dans quelques heures, mais je ne crois pas qu’il vienne. Je tâche de vivre ici en solitude, tant que je puis, et, après avoir bien examiné, je crois que cela me sera encore assez facile. Je mangerai probablement avec l’abbé de Salinis, qui arrive avec la douleur dans l’âme d’une perte, dont il ne sera pas de longtemps consolé. Le souvenir de M. de Scorbiac l’absorbe encore d’une manière bien touchante. Je vais donc tâcher d’acquérir cette santé et les forces que vous exigez pour conserver cette place sûre, à laquelle vous avez tous les droits et que je veux faire tous les jours un peu plus grande.
Adieu, ma chère fille. Il me semble que j’ai bien répondu à votre lettre. Il me resterait, à mon tour, à vous demander si tout ce que je vous ai écrit dans ma dernière lettre vous a fait quelque bien. Il me semble que c’est bien ce qui vous va le mieux, parce que, si j’ai besoin de diminuer quelque chose de mes occupations, vous avez besoin, vous, de vous placer toujours sous l’oeil de Dieu et [de] finir par vous accoutumer à y être comme par nécessité.
Adieu, chère enfant. Vos bonnes gronderies me font toujours un grand plaisir. Vous savez si bien les faire que, même lorsque je n’en profite pas, je suis bien aise de les avoir reçues de vous.
2. La Soeur Marie-Josèphe, née Henriette Halez à Paris en 1819 entra à l'Assomption le 25 février 1840 et, déjà professe, mourut de la poitrine aux Eaux-Bonnes, le 29 juin 1843. Sur elle, voir *Les origines de l'Assomption*, t. Ier, p. 289 sq., t. III, p. 32 sq.1. D'après une copie. Voir *Notes et documents*, t. III, p. 645 sq.
2. La Soeur Marie-Josèphe, née Henriette Halez à Paris en 1819 entra à l'Assomption le 25 février 1840 et, déjà professe, mourut de la poitrine aux Eaux-Bonnes, le 29 juin 1843. Sur elle, voir *Les origines de l'Assomption*, t. Ier, p. 289 sq., t. III, p. 32 sq.