- V3-189
- 0+506|DVI
- Vailhé, LETTRES, vol.3, p.189
- 1 ALLEMANDS
1 BATIMENTS DES COLLEGES
1 COLERE
1 COLLEGE DE NIMES
1 COUVENT
1 EFFORT
1 ENSEIGNEMENT DU DESSIN
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 MALADIES
1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
1 PENITENCES
1 PENSIONS
1 REFORME DU CARACTERE
1 TRISTESSE
1 VENTES DE TERRAINS
1 VIE DE PRIERE
2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
2 CARDENNE, VICTOR
2 CHARPENTIER
2 DARCY, HUGUES-IENA
2 DUBORY, ABBE
2 FAUDRAS, MADEMOISELLE DE
2 GOURAUD, HENRI
2 GOURAUD, MADAME HENRI
2 HELYOT, PIERRE
2 MAC GAURAN, MISS
2 PRADEL, ABBE
2 RAIGECOURT, MADEMOISELLE DE
2 ROUX, MADAME
2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
2 RUAS
3 MONTPELLIER
3 PARIS - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 27 janvier 1847.
- 27 jan 1847
- Nîmes,
Quoique j’attende une lettre de vous aujourd’hui, ma chère enfant, je veux vous écrire un peu longuement sur une de vos lettres précédentes, à laquelle je crains de n’avoir pas donné assez d’attention. Il faut vous dire que je ne puis me mettre aux pieds de Notre-Seigneur, sans qu’il me presse de vous forcer à être toute sienne, et que réellement il y a chez moi quelque chose de plus en plus intime, qui est excessivement jaloux de votre sainteté.
Vous ne sauriez croire à quel point je vous plains des ennuis que vous causent certains caractères. Oh! que je connais cela! Vous ririez si vous m’aperceviez quelquefois tout seul, comme ce matin, me surprenant au milieu d’un accès de mauvaise humeur contre la mauvaise humeur des autres. Grâces à Dieu, ceci se passe le plus souvent sans témoin. Mais je n’en suis pas moins touché par ma propre expérience de ce que vous avez, par moments, à souffrir de certains caractères.
Vos grandes résolutions de Noël, sur lesquelles je ne me rappelle pas vous avoir rien écrit, me paraissent fort bonnes. Se tenir en dehors de ses sentiments est excellent. Hélas! Quand en serons-nous tellement sortis que nous n’y rentrions plus? La paix par rapport à vos petites fautes, par amour de l’abjection, c’est aussi très bon. Peut-être aussi ferez-vous bien de vous taire, comme vous dites. Il me semble que vous rentrez là dans une pensée que, je crois, je vous avais suggérée et sur laquelle je ne m’étais pas fait suffisamment comprendre. Je crois que vous devez vous taire assez sur ces dispositions, autant que vous apercevrez que le silence vous fait du bien. Autrement, à quoi bon? C’est à vous à en faire l’expérience pendant quelque temps, mais il sera bon, je crois, de la faire.
Vous ajoutez: « L’autre chose dont je vois le besoin pour moi, c’est de prier le plus possible. » Je crois que vous auriez dû commencer par là. Quoique, à ma honte, je ne vous prêche pas d’exemple sur cet article, il me paraît impossible qu’un supérieur fasse aller saintement sa maison, s’il ne la gouverne [pas] par la prière. Aussi, vous pousserai-je vers la prière, tant que je pourrai. C’est une grave responsabilité pour moi que de vous y maintenir, parce que je suis convaincu que, ce point obtenu, tous les autres le seront aussi fort aisément.
La mortification est une question que je veux réserver pour plus tard. La douceur de formes est bien essentielle. Vous ne vous faites pas une idée du bien que vous m’avez fait sous ce rapport. Je crois avoir gagné quelque chose de ce côté. Mais puisque Notre-Seigneur a voulu que je vous le dusse, il faut bien vous le dire pour vous encourager à faire encore mieux et acquérir un indicible ascendant sur les natures les plus rebelles. Prenez, tant que vous le voudrez, tout le temps que vous voudrez, mais faites et faites beaucoup par cette perpétuelle sérénité qui descendra de votre front et de votre coeur dans l’âme de toutes vos filles.
Je voudrais beaucoup que Mlle de Raigecourt entrât chez vous, mais je ne sais absolument par où le lui faire insinuer. Ce ne serait possible qu’autant que vous attireriez Miss Mac-Gouran. Je croyais, du reste, qu’il était établi qu’elle entrerait chez les Dames de Saint-Thomas de Villeneuve. M. Dubory, le confesseur de Mlle de Faudras, est connu de Mme Gouraud, mais je ne l’ai jamais vu. Je ne puis retrouver le passage où, dans une de vos précédentes lettres, vous me parliez d’une institutrice. On est pourtant venu me demander la réponse. Si elle sait, quoique Allemande, assez de français pour le bien enseigner, si elle est bonne musicienne, si elle n’a pas peur de la campagne et d’une campagne peu soignée, si elle n’est pas effrayée de trois petites filles, dont l’aînée a sept ans, envoyez-la-nous. Je voudrais qu’elle fût bien, afin que l’on pût parler avantageusement de votre choix.
Voilà votre lettre qui arrive. En effet, vous voyez que je ne m’étais pas trompé. Mme Roux est partie avec un mot de moi. J’étais, ce jour-là, avec une grippe si forte que je ne pus vous écrire longuement; aujourd’hui, je vais mieux. Quant à Mlle Roux, oui, je vous plains de tout mon coeur; j’ai fortement engagé la mère à amener sa fille à Montpellier. Figurez-vous qu’elle est allée dans une demi-douzaine de couvents pour pouvoir donner ensuite le choix à sa fille. Elle en a fait le panégyrique à sa façon, et je crains que cela n’ait un peu gâté les affaires pour Sainte-Ursule.
M. Pradel est venu me faire les excuses les plus humbles, et comme, en définitive, je n’ai pas de professeur de troisième, je le garde dans la maison; mais cela me gêne prodigieusement. Ruas est arrivé depuis peu de jours; il a failli périr sous la neige. M. Cardenne répondra au plus tôt à Soeur Marie-Aug[ustine]. Depuis que je ne vous ai écrit, la maison va assez bien, sauf quelques élèves, mais je les tiens serrés de près. Je vous remercie de l’idée que vous me donnez au sujet d’Héliot, j’en profiterai très positivement. Je ne veux point du jeune homme de seize ans, mais je voudrais très fort des hommes comme Ruas, qui, du reste, s’attend à être convers.
Que vous êtes bonne de me conter les misères de votre communauté! Vous ne sauriez croire le bien que cela me fait. Le bon Gouraud fait avec vous, comme me font ici mes meilleurs amis. Ce sont eux qui me donnent le plus aimablement les plus forts coups d’épingle sur une foule de petits riens.
Je partage tout à fait votre manière de voir sur le plan de M. Charpentier. Je suis à l’affût de ce que le préfet fera pour moi. Mais comme je sais qu’il meurt d’envie de mon terrain, qu’il y a une foule de membres du Conseil général disposés en ma faveur, je compte assez sur la réussite de l’affaire. Dès que j’aurai une garantie morale, je partirai pour Paris sans la moindre hésitation. Je vous garderai le secret pour ce que vous m’avez dit au sujet de M. Charpentier. Quant au prix de la pension, je crois qu’il faut prendre son parti de faire donner les leçons de dessin aux frais de l’établissement, parce que c’est une leçon pour une masse énorme. Ils sont près de 100 à la fois, et, par parenthèse, si vous aviez un jeune peintre dans votre manche, vous seriez bien bonne si vous ne le perdiez pas de vue.
Il faut vous quitter. Je vais bien prier pour vous, car je vous assure que je ne trouve pas de meilleur remède à cette tristesse, qui vous abat et que je voudrais pourtant bien guérir.
Adieu. Je vous conjure, à mon tour, de vous soigner. Tout vôtre en Notre-Seigneur.