- V3-156
- 0+496|CDXCVI
- Vailhé, LETTRES, vol.3, p.156
- 1 ARMEE
1 BUDGET ANNUEL
1 CORRECTION FRATERNELLE
1 DISCIPLINE SCOLAIRE
1 ORAISON
1 PAIX
1 SOINS AUX MALADES
1 VENTES DE TERRAINS
2 BERGERET DE FROUVILLE
2 BOSSUET
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 DARCY, HUGUES-IENA
2 DESHAYES, PHILIPPE
2 FALCONNIER, M.-LOUIS
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
2 KAJZIEWICZ, JEROME
2 ROUX, MARIE-MARGUERITE
2 SEMENENKO, PIERRE
3 GARD, DEPARTEMENT - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 17 novembre 1846.
- 17 nov 1846
- Nîmes,
Je n’ai pas répondu, ma chère enfant; à votre lettre que je reçus, il y a quelques jours, parce que je venais de vous en adresser trois ou quatre de suite. J’ai cru devoir en attendre une nouvelle de votre part, et vous savez déjà quelle différence d’impressions j’ai éprouvée à la lecture des sept premières pages et de la huitième. J’en reviens toujours à ce que je vous ai dit la dernière fois. Dilatons-nous en Jésus-Christ; laissons tomber dans son coeur ce qui sera, de part et d’autre, incompris dans nos paroles; appuyons- nous toujours un peu plus sur le fond où nous voulons appuyer notre édifice, et puisque nous voulons construire chacun le nôtre, côte à côte, ne nous faisons pas ce plaisir des procès pour les murs mitoyens. Si je ne craignais pas de poursuivre une comparaison de propriétaire, je vous assurerais que je vous laisserai sans difficulté prendre sur mon terrain tout le jour que vous pourrez désirer. Ainsi, ma chère enfant, restez tranquille et même, pour entrer dans ce que vous me dites à la fin de votre avant-dernière lettre, puisque me peindre tous vos troubles à mon égard les augmente quelquefois, ne vous gênez plus pour taire ce qui vous paraîtra bon de passer sous silence. Rappelez-vous seulement que, quelquefois, de votre aveu, il vous est bon de n’en pas parler, mais que d’autres fois aussi vous avez souffert de n’en parler pas. C’est pour cela qu’en dernière analyse je trouve que, seule, vous êtes l’arbitre des dispositions intimes de votre âme et du bien que peut vous faire le silence ou un épanchement.
Je lisais, l’autre jour, un mot dans Bossuet qui m’a beaucoup frappé. « Ne cessez, dit-il, d’aspirer aux plus grandes grâces, malgré vos infidélités. » Ces paroles m’ont fait un bien infini. Je veux que vous vous les appliquiez. C’est une de ces maximes qui semblent dignes d’être dans l’Evangile, tant elles en sont un beau commentaire.
Je vais essayer d’écrire de mon mieux à Soeur Marie-Marguerite. Maintenant, laissez-moi me fâcher un peu avec vous. Pourquoi ne m’avez-vous pas dit plus tôt votre franche opinion sur les dames C[arbonnel]? Figurez-vous que je croyais presque l’abbé Gabriel votre écho dans leur affaire; il n’était que celui de l’abbé Goubier. Comme votre manière de voir est absolument la mienne, je n’ai cédé que parce que je me croyais seul contre trois, tandis que, vous étant de mon avis et le bon abbé Gabriel n’étant qu’une doublure, il n’y avait plus pour moi à lutter que contre l’abbé Goubier, et j’en serais bien venu à bout. Du reste, elles ne me demanderont que parce que je crois ne devoir pas agir en enfant; car, déjà l’aînée m’a, depuis, remis trois ou quatre fois le marché en mains, mais vous comprenez qu’une fois le marché accepté par moi, je ne le romprai qu’en temps convenable. Je tâcherai d’en tirer quelques profits: 1° Une grande vigilance, pour ne pas me laisser surprendre par un choc d’irritabilité; 2° l’habitude de gouverner les plus mauvais caractères; 3° l’exercice de la présence de Dieu; 4° l’attention à prévenir les réclamations des maîtres qui auront grand besoin aussi de leur patience; 5° l’habitude de tenir ferme contre certaines exigences de leur part. Tout cela pourra avoir son avantage, et, à ce point de vue, je veux gagner quelque chose avec la grâce de Dieu. Peut-être ma santé en souffrira; mais j’apprendrai à connaître combien je suis mauvais et peu fait pour supporter certains contre-coups, malgré ma prétendue incapacité de sentir.
Il paraît qu’en ce moment s’agite une importante question pour moi. Le préfet du Gard voudrait de notre terrain, joint à un autre, pour y faire construire la préfecture. Ce serait, en effet, quelque chose de très beau pour lui; notre grand corps de bâtiment servirait à ses bureaux, et il aurait un superbe jardin. Malheureusement, il y a une Compagnie de banquiers qui se met entre deux et qui veut nous tirer aux jambes. Mais M. Goubier et moi sommes résolus à tenir ferme, et, dans ce cas, nous aurions la possibilité de vendre de telle sorte que nous rentrerions dans tous nos frais et que même nous aurions un assez joli bénéfice. Il faudrait traiter cette affaire assez promptement, parce qu’il y a dans ce moment, tout auprès de chez nous, une maison en vente et qu’il nous faudrait acheter pour exploiter un jour notre terrain, si nous ne vendons pas aux banquiers ou au préfet.
Le P. Semenenko est ici, et franchement il nous dérange un peu. Je l’ai fait visiter par un médecin très bon, qui ne lui trouve qu’un principe d’affection phtisique. Il prétend que le séjour d’un climat plus chaud lui serait utile. Et pourtant, je n’ose dire oui, de peur que l’on ne pût penser que je veux me débarrasser de ce saint homme, qui, à lui seul, occupe un domestique presque tout entier par les petits soins continuels qu’il faut lui donner. Si pourtant vous trouviez quelque moyen pour le faire aller plus loin, vous me rendriez un fort grand service. Je le regrette cependant, car le P. Jérôme(2) est un homme à qui je voudrais être agréable. Toutefois, rien ne presse; mais je tremble de le garder pendant l’hiver.
Le bon abbé Gabriel croit-il que je doive lui écrire le premier? J’y suis tout disposé, mais j’attends une lettre de lui. C’est, en général, à celui qui part à donner de ses nouvelles. Vous comprenez qu’ici je ne fais que demander ses intentions, et je lui écrirai bien vite, s’il attend une lettre de moi.
J’ai grande envie de l’artilleur de M. Falconnier, s’il est bien. Un militaire doit faire un bon maître d’étude pour l’exactitude de la discipline. Soyez assez bonne pour lui en parler. Il paraît que, décidément, M. Bergeret ne viendra pas; quant à M. Philippe, je n’en ai plus si grande envie, puisqu’il se fait tant attendre. Que devient le petit Frère des Ecoles chrétiennes, dont vous me parliez de la part de M. Gabriel?
Vous me disiez, il y a quelque temps, que vous songiez à me renvoyer l’argent que je vous ai procuré. Je ne suis pas pressé. Si pourtant je me mets à bâtir, pourriez-vous le rendre, d’ici à quelque temps? Ce n’est qu’une question, car, pour le quart d’heure, je préfère que vous le gardiez. En faisant le budget estimatif pour l’année qui commence, nous trouvons que, tout payé, nous aurons huit à dix mille francs de bénéfices.
Je voudrais revenir sur votre lettre d’hier, et pourtant je préfère n’en plus parler, puisque la paix vous est revenue. Je vais répondre à votre rendement de compte et vous dire vite adieu, parce que je suis dérangé. Voici ma réponse à votre rendement de compte. Efforcez-vous de prendre un sujet, en commençant l’oraison; choisissez-en un parmi ceux qui vous vont le plus. Si cependant vous n’y trouvez pas profit et que vous vous sentiez attirée vers un autre, laissez-vous mener; mais surtout lorsque vous êtes aride, maintenez-vous dans une grande disposition d’abaissement et d’abandon devant Dieu.
Tout vôtre, ma fille, et plus que jamais, en Notre-Seigneur.
2. Le P. Jérôme Kajziéwicz, religieux Résurrectioniste comme le P. Semenenko.