- V3-149
- 0+493|CDXCIII
- Vailhé, LETTRES, vol.3, p.149
- 1 COLLEGE DE NIMES
1 CONNAISSANCE DE SOI
1 CUISINIER
1 ECONOMAT
1 EMPLOIS
1 INSPECTION SCOLAIRE
1 MAITRES
1 PERSEVERANCE
1 REFECTOIRE
1 REGIME ALIMENTAIRE
1 REGLEMENTS
1 SURVEILLANTS
1 UNITE DE L'EGLISE
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 CHERUEL, PIERRE-PAUL
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
2 KAJZIEWICZ, JEROME
2 MAC GAURAN, MISS
2 MESNARD, MADAME DE
2 PRADEL, ABBE
2 TESSAN, JEAN-CHARLES DE
3 CONSTANTINOPLE
3 OCCIDENT
3 ORIENT
3 ROME
3 RUSSIE - A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- le 2 novembre 1846.
- 2 nov 1846
- Nîmes,
Je vous remercie mille fois, ma chère fille, des deux excellentes lettres que vous m’avez adressées le 26 et le 27 octobre. La première vous montre bien tout entière, et, je vous l’assure, bien meilleure que vous ne prétendez être; mais ceci ne vous regarde pas et je me réserve d’en penser ce que bon me semble. Il faut bien pourtant vous dire que le bien que vous vouliez me faire a été produit, et je vous en remercie du fond de l’âme. Je suis enchanté que tous les détails, que vous porte M. Gabriel, vous aient intéressée. Seulement, il faut dire après toutes ses citations, sous quelque impression qu’il les donne: ni si haut ni si bas. J’ai été aussi bon pour lui que je l’ai pu. Mais il faut dire que, en même temps qu’il critiquait, il approuvait aussi quelquefois, ou plutôt il remarquait bien des choses qui n’étaient que dans son imagination, comme aussi il s’enflait certaines choses qu’il semblait ne vouloir envisager qu’avec un télescope.
Mais j’en viens à vos observations. L’obéissance, telle que vous me l’expliquez, subsistait déjà; seulement, il faut la maintenir un peu plus ferme. Mais que voulez-vous faire avec des filles, qui vous signifient qu’elles ne présideront plus à la distribution de la soupe, à la cuisine, tant qu’on laissera présider, au réfectoire, un homme qui a le malheur de dire aux domestiques de servir un peu promptement? Je le changeai, en effet, et j’eus soin, la première fois, de présider moi-même. Pendant deux jours, elles s’absentèrent en effet au moment du dîner et du souper, et quand à la troisième fois, elles consentirent à revenir, elles trouvèrent très mauvais que je ne fusse pas allé m’assurer qu’elles étaient revenues, en effet. Ce sont ces observations, devant lesquelles il faut se demander si les préventions de mes religieux ne sont pas fondées.
Quant à une idée qu’avait eue l’abbé Gabriel de faire tout passer par mes mains entre les maîtres et ces dames, la chose n’est pas faisable. Parce que, je suppose, au réfectoire, on se plaindra d’un plat trop exigu pour les élèves, faudra-t-il venir me chercher au réfectoire des religieux? Voilà le grand cheval de bataille pourtant. L’observation que fait M. Gabriel sur mon peu de persistance au sujet des avis que je donne a son côté vrai. C’est là un vrai défaut, que je tâche de corriger. Vous dirai-je que, depuis que je l’ai remarqué, je m’efforce de m’en défaire et que l’on s’en est déjà aperçu? Aussi suis-je dans une disposition assez sévère; mais je crois que cela ne fait pas mal, du moins jusqu’à aujourd’hui. Celui qui m’y aide le plus -vous le dirai-je?- c’est M. Pradel, parce que je le sais disposé à tout faire en fait de pratiques religieuses. Ainsi il a demandé à dîner au réfectoire à genoux, mais il ne fait rien sans demander la permission, et il a un esprit d’obéissance très grand, quoi qu’en dise M. Gabriel, qui a pris tout de travers certains mots de lui qui n’étaient que l’effet d’un peu de mauvais ton.
Du reste, pour ma part, je m’efforce de profiter de votre conseil et de donner le ton le moins mauvais que je pourrai. Il me semble que j’ai un bon moyen de montrer ma fermeté, dans les instances que me font plusieurs des miens de leur donner des règles. Je commence à leur en dicter quelques-unes, toujours en les prévenant que nous voulons attendre pour une rédaction définitive. Je crois vous avoir dit que j’avais pris pour mes religieux, tous les jours, une heure dans la matinée, et je vous assure que je ne les épargne pas. Je vous assure que je fais déjà sentir de la ténacité dans ma volonté, mais dérangé comme je le suis, je crains de finir par rabâcher. Cependant, moi aussi, j’ai beaucoup à vous dire.
Vous croyez que je dois tenir au silence, et je vous assure que je crois y tenir assez. Etait-il observé, quand l’abbé Gabriel était ici? Non, parce que nous étions dans le tumulte d’une rentrée; oui, à présent. Je deviens de plus en plus sévère pour les autorisations, et chaque chapitre me fournit l’occasion de promulguer quelque nouvelle restriction à la liberté de mon peuple. La défense d’aller les uns chez les autres est difficile à observer, parce que plusieurs sont logés dans la même chambre et se préparent soit au baccalauréat, soit à la licence, par des travaux communs. La question de la nourriture est maintenant tranchée. Les maîtres ne se plaignent pas, pour ce qui les concerne; ils ne se plaignent plus que de celle des élèves et ils n’ont pas toujours tort. Croiriez-vous que je n’ai pas pu obtenir que Mlle C[arbonnel] envoyât du dessert à une table de six élèves qui dut s’en passer?
Quant à l’homme que je voudrais, vous avez parfaitement saisi ma pensée, beaucoup mieux que M. Gabriel, et je ne lui en fais pas un reproche. Il y a quelque temps, je pensais comme lui. L’abbé Kayziéwicz, qui est venu passer deux jours ici et qui est reparti ce soir pour Rome, est tout à fait de votre avis, qui est absolument le mien. Il m’a promis de parler à M. Chéruel, qui est à Rome dans l’intention de se faire religieux, et qui viendra chez nous, supposé qu’il n’entre pas chez les Pères de la Résurrection. A ce propos, connaissez-vous le but d’activité de ces religieux? Ils veulent travailler à la pacification de l’Eglise d’Orient avec l’Eglise d’Occident. Ce projet, qui me paraît magnifique, me semble offrir le plus bel avenir à ces Messieurs, qui se proposent de prendre pour un de leurs foyers Constantinople et qui aussi se dévoueront, quand le Pape le voudra, à aller travailler en Russie.
M. Goubier a fort peu d’influence sur les maîtres, qui, pour la plupart, le détestent ou du moins l’aiment fort peu. Son air glacial, depuis quelque temps surtout, repousse. Quant à l’abbé de Tessan, j’ai pris le parti de le supposer arrivé, et toutefois il me semble qu’il se laisse, depuis quelque temps, merveilleusement traîner à la remorque. Ce qu’il me faut, c’est un bon sous-directeur pour pouvoir me remplacer auprès des élèves. Quant aux religieux, je crois que, jusqu’à nouvel ordre, c’est à moi qu’ils doivent s’adresser.
Je vous remercie, chère enfant, de votre désir de vous dédoubler. Il me semble que vous êtes pour rester sans aucun changement, tout à fait dans vos autres idées; c’est pour cela que je n’y réponds pas. Maintenant, je réponds à votre lettre, que j’ai reçue trop tard pour y répondre par le courrier d’aujourd’hui. J’ai un assez bon maître d’anglais. Je ne pourrais prendre le jeune homme que vous me proposez que comme surveillant; et des surveillants, j’en ai à cent écus dans la maison, à 900 francs, logés et nourris chez eux. J’ai des jeunes gens de cette sorte plus que je n’en veux, surtout si vous m’envoyez le jeune Alsacien dont vous m’avez parlé.
Mme de Mesnard pourrait-elle vous dire quelque chose de définitif sur Mlle Mac-Gouran? Vous comprenez que je voudrais pouvoir lui dire un oui ou un non positif. Ce que je voudrais en ce moment, ce serait un bon instituteur primaire et un bon dépensier ou sous-économe. Si les dames C[arbonnel] me quittent, comme elles m’en menacent, je ne voudrais pas me trouver sur les bras tout le matériel de la maison. Quant à l’instituteur primaire, j’y attache une très grande importance. Je suis chargé, à mon tour, de vous demander une gouvernante; elle aurait trois jeunes enfants à élever. On voudrait qu’elle sût la musique, -la mère est musicienne de première force. On ne lui donnerait que de 600 à 800 francs; elle vivrait presque toujours à la campagne. La mère est une femme d’esprit et de bon sens; le mari, qui approche de la cinquantaine, a beaucoup d’esprit pour les calembours et le bon sens de se laisser à présent mener par sa femme.
J’attends, d’une minute à l’autre, les inspecteurs de l’Université qui doivent arriver ce matin, m’a-t-on dit. Je vous laisse. Les demoiselles C[arbonnel] s’en vont décidément. C’est un grabuge incroyable. Adieu, priez pour nous.