Vailhé, LETTRES, vol.2, p.422

30 dec 1845 Nîmes, MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il lui envoie ses voeux pour elle et pour ses filles. -Son voyage à Paris pendant le Carême est compromis. -Triste état moral des enfants. -Il songe à former un petit collège et peut-être une Congrégation de femmes qui s’en occuperait, mais le but en serait trop restreint. -Nouvelles diverses. -Les dames sont bien bonnes de se déguiser en se parlant.

Informations générales
  • V2-422
  • 0+444|CDXLIV
  • Vailhé, LETTRES, vol.2, p.422
Informations détaillées
  • 1 ADOLESCENTS
    1 BONTE
    1 CALOMNIE
    1 CAREME
    1 CELEBRATION DE LA MESSE PAR LE PRETRE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COLLEGIENS
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 ORGUEIL
    1 PAIX DE L'AME
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 VOYAGES
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
    2 CARBONNEL, ANTOINETTE
    2 CARBONNEL, ISAURE
    2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 CROY DE, ENFANTS
    2 CROY, MADAME DE
    2 ETIENNE, SAINT
    2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
    2 GOURAUD, HENRI
    2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
    3 LAVAGNAC
    3 PARIS
  • A LA R. MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS (1).
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • le 30 décembre 1845.
  • 30 dec 1845
  • Nîmes,
La lettre

Je viens de vous offrir mes étrennes ma chère enfant, en disant la messe pour vous. J’ai demandé à notre divin Sauveur que pour vous apparût sa bénignité afin que vous trouvassiez en lui tout ce qui apaise, console et assouplit, au milieu des tempêtes ou des raideurs de notre pauvre humanité. Je compte sur vous pour faire agréer mes voeux de bonne année à toutes nos filles. Veuillez dire, en particulier, à Soeur Marie-Cécile que j’ai dit la messe à son intention hier lundi(2); je l’avais dite à l’intention de Soeur Marie-Louise le jour de Saint-Etienne.

Il me semble que Soeur Marie-Louise a été bien inspirée en craignant que je ne vinsse pas au Carême, car mon voyage à Paris à cette époque devient tous les jours plus problématique. Il y a une grande raison pour que je ne le fasse pas. Monseigneur m’a dit qu’ayant envoyé quatre de mes pénitentes à Paris, il craignait qu’on ne répandit le bruit que je n’y allais que pour les suivre. J’ai eu un moment envie de chercher, dans ce que de pareilles paroles peuvent révéler de soupçons, la matière d’un sacrifice d’humiliation; j’avoue qu’il m’a été impossible d’en éprouver assez d’émotion pour trouver le sujet d’une offrande à Dieu, sinon un commencement de mépris, qui par la grâce de Dieu s’est transformé en une compassion assez miséricordieuse. Je vous dis ceci, pour que vous soyez au courant de l’état dans lequel j’essaye de faire entrer ma fière et dédaigneuse nature.

Puis, j’ai bien d’autres chats à fouetter. Les tristes révélations qui tous les jours me sont faites sur l’état moral des enfants que l’on nous confie, me glacent d’effroi. Je ne crois pas qu’ils apprennent le mal chez nous. On prend assez de précautions pour préserver le petit nombre arrivé pur dans la maison. Mais en quel état nous arrivent-ils? Et qu’est donc la surveillance des parents? Ces tristes découvertes et l’arrivée des petits de Croy m’ont déterminé à m’occuper sérieusement de former un petit collège. Ce sera, pour moi, un moyen d’organiser quelque chose pour les demoiselles Carbonnel, de manière à les éliminer peu à peu de la maison, où malheureusement elles n’ont pas su s’attirer toujours la bienveillance de tous, par la raideur de leurs paroles et certaines formes un peu cassantes. Je ne saurais en vouloir à ces pauvres filles, qui réellement mettent à mon oeuvre un grand dévouement, mais qui le mettent un peu trop personnel; ce que je combats tant que je puis, sans trop en venir à bout. C’est pour moi quelque chose de très pénible et auquel je ne vois pas d’autre remède que de les séparer de la maison, en leur donnant un établissement à part.

Mme de Croy me conjure de lui donner place parmi les futures directrices, et je suis, je vous l’avoue, fort embarrassé pour savoir ce que j’ai à faire. Ma pensée serait, je l’avoue, de former une espèce de Congrégation pour les personnes qui voudraient se vouer à cette oeuvre. Mais le but en est si restreint que je ne sais si l’on pourrait trouver des sujets en assez grand nombre pour remplir les fonctions nécessaires.

Mlle Anaïs Carbonnel, la plus jeune des trois, s’offre bien toujours avec un admirable dévouement. Mais pour moi, je ne trouve pas que je doive trop abuser de ses dispositions, et il me paraît qu’elle est faite pour quelque chose de mieux que de devenir bonne de petits polissons. Priez le bon Dieu pour qu’il m’éclaire à cet égard et m’inspire ce que nous devons faire.

Ce n’est ni M. Gouraud ni M. Gabriel qui ont parlé à ma mère de mes relations avec vous, mais moi-même qui, à mon dernier voyage à Lavagnac, en ai parlé à mes soeurs, et, je crois, à ma mère aussi. Mais je vous avoue qu’il faut que vous vous soyez produit un singulier effet, Mme de Puységur et vous, pour que vous l’ayez trouvée cérémonieuse [et qu’]elle vous a[it] trouvée un peu guindée. Et certes, moi qui vous connais l’une et l’autre, Mesdames, je puis vous assurer que vous êtes bien bonnes de vous déguiser ainsi.

Je m’arrête, pour profiter d’une occasion qui s’offre à moi. Adieu donc. J’attends toujours votre grande lettre promise.

Notes et post-scriptum
1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 396, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 118 sq., 302.1. D'après une copie. Voir des extraits dans *Les origines de l'Assomption*, t. II, p. 396, et dans *Notes et Documents*, t. III, p. 118 sq., 302.
2. C'est-à-dire le 29 décembre.