- V2-293
- 0+399|CCCXCIX
- Vailhé, LETTRES, vol.2, p.293
- 1 COLLEGE DE NIMES
1 CORPS ENSEIGNANT
1 DILIGENCE
1 EMBARRAS FINANCIERS
1 LEGISLATION
1 MALADIES
1 MATIERES SCOLAIRES
1 PERSEVERANCE
1 PLEIN EXERCICE
1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
1 UNIVERSITES D'ETAT
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 CARDENNE, VICTOR
2 DELOCHE, DOMINIQUE
2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
2 LOUPOT, CLAUDE
2 MONNIER, JULES
2 SALVANDY, NARCISSE DE
3 COLOMBIE - A MONSIEUR EUGENE GERMER-DURAND(1).
- GERMER_DURAND_EUGENE
- le 31 août 1845.
- 31 aug 1845
- Paris,
Mon cher ami,
Mille remerciements de votre excellent dialogue. C’est une chose très curieuse que les désirs catholiques de notre cher proviseur. Je pense qu’il a dû être très peu satisfait de vous; mais, pour le moment, votre intention n’était pas de lui plaire. Ainsi, vous n’avez pas à vous trop affliger. Pour moi, je suis ravi de connaître ces sentiments; ils sont néanmoins très universitaires, s’ils ne sont pas autre chose.
Je vous assure que des discours de l’espèce de ceux de Del[oche] font un singulier effet sur mon esprit et me prouvent, bien mieux que tous les excès que l’on reproche a l’Université, où en est la notion du christianisme. Tâchez, autant que vous le pourrez, d’entretenir des relations semblables; elles ne peuvent que faire connaître plus sûrement le terrain sur lequel nous avons à marcher.
J’ai passé une partie de la matinée avec un jeune homme, que j’ai définitivement retenu. Il est tout dévouement. Il voulait se consacrer à l’enseignement du droit; il y renonce, après avoir passé sa thèse d’une manière très satisfaisante. Il s’astreint à une vie régulière, que je lui ai annoncée; M. Goubier vous en a parlé sans doute(2). Je suis fort embarrassé, car il m’a parlé de deux autres jeunes gens dans les mêmes dispositions que lui et qui peut-être viendraient aussi, si j’avais une place à leur offrir. L’un d’eux va partir pour la Colombie comme professeur de sciences physiques, avec un traitement de 5 000 francs. Je crois qu’il se contenterait d’un peu moins, si nous voulions le prendre avec nous. Mais aurons-nous des élèves pour l’occuper? Et si nous n’en avons pas, faut-il faire des avances considérables, lorsque nous en avons tant à faire d’autre part? D’un autre côté, à prendre l’oeuvre comme je l’envisage, je crois qu’il faudra dans le commencement ne pas craindre de faire des sacrifices qui se retrouveront plus tard.
Vous eussiez pu répondre à Del[oche], lorsqu’il vous parlait de la haine future que notre pensionnat exciterait entre catholiques et protestants, que l’Université préparait et semait les germes de cette haine par les refus qu’elle nous fait et qui ne nous disposeront guère à lui faire bon marché des différences de croyance et de foi.
Mais tout cela n’est rien, à mon gré, et je ne suis aucunement épouvanté de leurs menaces, encore moins de leurs voeux. Il leur faut, je crois, un autre caractère pour être exaucé. Vous le dirai-je? Après tout, il m’est impossible de beaucoup m’affliger du refus qui m’est fait(3). Nous grandirons graduellement, et lorsque la loi, si elle est présentée, nous aura accordé ce que nous demandons, nous nous trouverons ne rien devoir à personne qu’à Dieu. Aussi, tout ce que je conclus et des obstacles que l’on nous suscite, et des prophéties que l’on nous adresse, et de la haine des uns, et des rebuts des autres, c’est que nous avons à faire peu fond sur autre chose que sur Dieu et notre persévérance. Mes idées, sous ce rapport, acquièrent tous les jours un degré de calme intensité, dont je suis étonné moi-même. Je ne suis pas fâché d’avoir pu les durcir dans la réflexion de la solitude, afin de les rendre plus fortes contre le choc qu’elles auront à subir. Il me semble que Dieu soulève pour moi le coin d’un voile longtemps baissé devant mes yeux et que, derrière les nuages dissipés d’un horizon obscur pour moi depuis dix ans, je commence à découvrir et ma lumière et ma route: lucerna pedibus meis eloquium tuum et lumen semitis meis(4). L’essentiel est de comprendre tout ce que Dieu attend de fidélité à ses impulsions et de générosité à ses ordres.
J’ai vu M. Loupot. J’avais espéré pouvoir être utile à sa nièce, mais la chère enfant est sourde depuis trois ans d’une oreille et n’entend presque pas de l’autre. Il n’y a pas moyen d’en faire une sous-maîtresse de pensionnat, mais j’espère la faire soigner pour les oreilles par un très bon médecin à la nièce de qui j’ai pu rendre service. On la fera probablement placer comme directrice d’un établissement de couture; car c’est là sa spécialité. Quant à vos papiers, je n’ai pas pu en faire usage, puisque mes rapports avec Salvandy étaient terminés. Cependant, je verrai si nous pouvons obtenir le titre d’institution, avec les conditions que nous remplissons.
Que devient Monnier? Lui et vous aurez un peu plus de besogne dans le courant de l’année qui s’ouvre, mais j’espère que votre santé plus forte vous permettra de supporter un travail plus suivi. Il faut absolument que nous obtenions une position par la supériorité de nos études, autant que par notre bonne éducation. Encore quelques jours, du reste, et nous pourrons causer plus à l’aise. Dès que j’aurai trouvé un professeur de mathématiques et terminé une affaire d’argent, qui, j’espère, sera finie dans trois ou quatre jours, je prendrai ma place à la diligence et je vous arriverai.
Adieu, cher ami. Je ne vous dis qu’à regret: « Ne m’écrivez plus », parce que j’aime tant vos lettres; mais je vous le dis aussi avec un plaisir que, j’espère, vous partagerez. A bientôt!
E. d'Alz.3. Le refus du plein exercice pour la maison de l'Assomption.4. *Ps*. CXVIII 105.