Vailhé, LETTRES, vol.1, p.599

5 jul 1834 Rome, LAMENNAIS
Informations générales
  • V1-599
  • 0+189|CLXXXIX
  • Vailhé, LETTRES, vol.1, p.599
Informations détaillées
  • 1 ADVERSAIRES
    1 AMITIE
    1 CARDINAL
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 CRAINTE
    1 ENCYCLIQUE
    1 LIVRES
    1 PENSEE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 POLITIQUE
    1 PRESSE
    1 RELIGIEUX
    1 SOUFFRANCE
    1 THEOLOGIENS
    1 VERITE
    2 CAIPHE
    2 DUDON, PAUL
    2 FERDINAND II DE DEUX-SICILES
    2 FORGUES, EUGENE
    2 GALEFFI, PIER-FRANCESCO
    2 GREGOIRE XVI
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 LAMBRUSCHINI, LUIGI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MAC CARTHY, CHARLES
    2 MICARA, LODOVICO
    2 MIGUEL DON, DU PORTUGAL
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 OLIVIERI, MAURIZIO
    2 PEDRO I, EMPEREUR DU BRESIL
    2 POLIDORI, PAOLO
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    2 ZURLA, PLACIDO
    3 NAPLES
    3 PALERME
    3 ROME
  • A MONSIEUR L'ABBE FELICITE DE LAMENNAIS (1).
  • LAMENNAIS
  • le 5 juillet 1834.
  • 5 jul 1834
  • Rome,
La lettre

Monsieur l’abbé,

Mac-Carthy s’était chargé de vous écrire aujourd’hui. Je viens d’apprendre qu’il ne pouvait pas tenir sa promesse. Je pense que vous serez bien aise de savoir quelques détails sur l’Encyclique. Je vais vous les donner à la hâte. Si je ne vous ai pas prévenu de son apparition, c’est que personne, à la lettre, ne s’en doutait(2). Un rédacteur de l’Ami de la religion en donna connaissance au P. Ventura quatre jours après qu’elle fut signée. Le P. Olivieri, qui, par sa charge, préside à trois Congrégations, ne la connut que le sixième jour. Le P. Ventura lui en dit le contenu devant moi. Cet excellent Ventura me conduisit, le même soir, chez un religieux, membre de quatre Congrégations; il n’en avait pas entendu parler et n’en avait connaissance que parce qu’il l’avait vue chez l’imprimeur. Aussi, disait-il, le Pape peut dire qu’il a consulté quelques cardinaux, mais je le défie de dire qu’il a consulté quelques théologiens(3). Le P. Ventura vit le lendemain plusieurs théologiens, tous dans la même surprise, tous dans le même effroi, car ils tremblent pour les conséquences.

Mac-Carthy a vu hier un religieux qui l’a assuré qu’un grand nombre de théologiens considéraient l’Encyclique comme l’opinion personnelle de Mauro Capellari(4), et rien de plus. Quant au blâme versé sur votre système, on ne pense pas qu’il faille en tenir compte. Le cardinal Micara l’applique à la philosophie politique. Le P. Olivieri m’a dit ce soir: « L’abbé de la Mennais n’étant pas désigné, je ne puis croire qu’on doive faire l’application. Le Pape dit toujours vrai, quoiqu’il ne le sache pas toujours lui-même. C’est Caïphe qui prophétise sans le savoir. Le blâme, à mon gré, s’applique plus aux ennemis de M. de la Mennais qu’à lui-même. » Il m’a parlé avec mépris de l’ouvrage de Lacordaire(5). Le cardinal Micara me disait que, s’il tenait l’auteur, il le ferait voler par la fenêtre ; et cependant, un religieux bien instruit prétend que cet ouvrage a décidé en grande partie Grégoire XVI à parler de votre système de philosophie.

Vous jugez par tous ces faits que vous pouvez encore prendre une position aux yeux de qui que ce soit. Ventura me charge encore une fois de vous conjurer de garder un silence absolu. Vous pouvez par ce moyen vous faire beaucoup de bien. Je ne dois pas vous dissimuler que le cardinal

Micara est bien effrayé et bien affligé. Cet homme, qui vous aime bien chaudement, tremble que vous ne fassiez un faux pas.

On parle d’une lettre que vous auriez écrite au Pape depuis la publication de votre dernier ouvrage; mais l’on dit que l’on ne se fie plus à vous. Ceci n’est qu’un on-dit. Le Pape, en condamnant votre livre, n’a pas voulu en empêcher la lecture à cause du nombre prodigieux d’exemplaires répandus dans le public.

Un se dispose à excommunier Don Pedro. Le roi de Naples est à Palerme, où il est sifflé, hué par les Siciliens. Il se dispose à constituer cette île. On n’a pas voulu recevoir Don Miguel à Rome.

J’oubliais de vous dire que l’on désigne, comme ayant servi de conseil au Pape pour l’Encyclique, les cardinaux Lambruschini, Galeffi, Polidori et Zurla(6).

Adieu, Monsieur l’abbé, etc.

Notes et post-scriptum
1. Cette lettre d'Emmanuel à l'abbé de la Mennais est reproduite par ce dernier dans sa réponse à Montalembert, du 26 juillet, et a été publiée par Forgues, *Op. cit.*, p. 307-309. La Mennais l'annonçait ainsi à son disciple: "Je m'empresse, mon Charles, de t'envoyer copie d'une lettre que j'ai reçue de d'Alzon; tu la liras avec intérêt." Voir à l'Appendice la réponse de l'abbé Féli à cette lettre, en date du 22 juillet.
2. D'après l'historique que le P. Dudon a donné de cette affaire, *Op. cit.*, p. 323-329, ce serait un rapport du cardinal Lambruschini, remis le 11 juin, qui aurait décidé le Pape à condamner l'ouvrage de l'abbé de la Mennais; mais le cardinal se serait contenté d'un Bref aux évêques de France, alors que Grégoire XVI préféra signer, quelques jours après, l'Encyclique *Singulari vos*, sans que l'on sache encore qui avait préparé cette Encyclique. Tout ce qui concerne la rédaction et la publication de ce document pontifical reste encore pour nous bien mystérieux, et les hypothèses de l'abbé d'Alzon ne sont pas dénuées de fondement. Le P. Dudon lui-même convient que les thélogiens ne furent pas consultés.
3. De fait, le Pape se contente de dire: *Quare auditis nonnuliis ex venerabilibus fratribus nostris S. R. E. cardinalibus*. (Dudon, *Op. cit.*, p. 429.)
5. Les *Considérations philosophiques sur le système de M. de Lamennais*.1. Cette lettre d'Emmanuel à l'abbé de la Mennais est reproduite par ce dernier dans sa réponse à Montalembert, du 26 juillet, et a été publiée par Forgues, *Op. cit.*, p. 307-309. La Mennais l'annonçait ainsi à son disciple: "Je m'empresse, mon Charles, de t'envoyer copie d'une lettre que j'ai reçue de d'Alzon; tu la liras avec intérêt." Voir à l'Appendice la réponse de l'abbé Féli à cette lettre, en date du 22 juillet.
2. D'après l'historique que le P. Dudon a donné de cette affaire, *Op. cit.*, p. 323-329, ce serait un rapport du cardinal Lambruschini, remis le 11 juin, qui aurait décidé le Pape à condamner l'ouvrage de l'abbé de la Mennais; mais le cardinal se serait contenté d'un Bref aux évêques de France, alors que Grégoire XVI préféra signer, quelques jours après, l'Encyclique *Singulari vos*, sans que l'on sache encore qui avait préparé cette Encyclique. Tout ce qui concerne la rédaction et la publication de ce document pontifical reste encore pour nous bien mystérieux, et les hypothèses de l'abbé d'Alzon ne sont pas dénuées de fondement. Le P. Dudon lui-même convient que les thélogiens ne furent pas consultés.
3. De fait, le Pape se contente de dire: *Quare auditis nonnuliis ex venerabilibus fratribus nostris S. R. E. cardinalibus*. (Dudon, *Op. cit.*, p. 429.)
4.Nom de Grégoire XVI, religieux Camaldule, avant de devenir pape.
5. Les *Considérations philosophiques sur le système de M. de Lamennais*.
6. Galeffi cardinal depuis 1803, était alors sous-doyen du Sacré Collège et évêque de Porto et Sainte-Rufine. Zurla, religieux Camaldule comme le Pape était cardinal depuis 1823, et vicaire du diocèse de Rome en 1834. Polidori avait été fait cardinal le 23 juin 1834, l'avant veille du jour où Grégoire XVI signa l'Encyclique.