- V1-578
- 0+181|CLXXXI
- Vailhé, LETTRES, vol.1, p.578
- 1 ADMINISTRATION PUBLIQUE
1 AMITIE
1 ANARCHISTES
1 BANQUES
1 BASILIQUE
1 CRAINTE
1 CULPABILITE
1 DESPOTISME
1 DIEU
1 DIPLOMATIE
1 ERREURS MENAISIENNES
1 GOUVERNEMENT
1 JARDINS
1 JUSTICE
1 LIBERTE
1 LIVRES
1 MARIAGE
1 MEMOIRE
1 MISSIONNAIRES
1 MONARCHIE
1 PARTIE D'EDIFICE DU CULTE
1 PEUPLE
1 PLANTES
1 POUVOIR
1 PRESSE
1 PROCESSIONS
1 SOUCIS D'ARGENT
1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
1 SOUVERAIN PROFANE
1 SPECTACLES
1 TURCS
1 VERITE
2 ALZON, AUGUSTINE D'
2 ALZON, MADAME HENRI D'
2 DELAROCHE, PAUL
2 DELAROCHE, PHILIPPE
2 DREUX-BREZE, PIERRE-SIMON DE
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 GREGOIRE XVI
2 JULIEN, BANQUIER
2 LA GOURNERIE, EUGENE DE
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 LAMENNAIS, JEAN-MARIE DE
2 LATOUR-MAUBOURG, JUST-PONS DE
2 LESQUEN, CHARLES-LOUIS DE
2 LOURBON, MESSIEURS
2 MAHMOUD KHAN II
2 MICARA, LODOVICO
2 NERON
2 OLIVIERI, MAURIZIO
2 ROZAVEN, JEAN-LOUIS DE
2 TORLONIA, BANQUIERS
2 TORQUATO TASSO
2 VERNET, HORACE
3 ALBANO
3 ALLEMAGNE
3 EUROPE
3 FRANCE
3 LAVAGNAC
3 MONTS SABINS
3 ROME
3 ROME, BASILIQUE SAINT-PIERRE
3 ROME, JANICULE
3 ROME, VATICAN
3 TIBRE
3 TURQUIE - A SON PERE (1).
- ALZON_VICOMTE
- le 5 juin 1834.
- 5 jun 1834
- Rome,
Je réponds, mon cher petit père, non pas à une lettre de vous, mais à une de maman, dans laquelle j’ai appris son départ pour Lavagnac. Comme il est possible que mon épître l’y précède, je trouve beaucoup plus simple de vous écrire directement. La première fois que je recevrai de vos nouvelles, ce sera à maman que je répondrai. La dernière fois que je vous ai écrit, je vous disais, je crois, que le temps était très chaud. Les pluies l’ont rafraîchi et, quoique les chaleurs reprennent, le temps est maintenant assez passable. Ma mère m’écrit que l’affaire Pr. est manquée. Les frayeurs dont était saisie Augustine me la font moins regretter; cependant, il me semble que l’on trouvera difficilement beaucoup mieux et même aussi bien.
Le livre de l’abbé de la Mennais fait ici grand bruit. Ses amis eux-mêmes en sont effrayés. Cependant, ils n’en peuvent pas parler, car ils ne l’ont pas encore reçu. C’est seulement par les extraits des journaux qu’ils en jugent. La police l’a fait consigner à la poste et à la douane, en sorte qu’on n’en a que très peu d’exemplaires. Mais ma mère m’a promis de me le faire parvenir par une autre voie. Je ne puis encore vous dire ce que je pense, parce que je suis bien embarrassé. Le livre contient-il des erreurs? Je me demanderais encore si c’est un mal qu’il paraisse, puisque ce serait l’occasion de décider certaines questions. Ce que j’en connais me fait regretter qu’il n’attaque que les rois. Les peuples ne sont pas moins coupables, et c’est peut-être à cause d’eux que les rois sont mauvais.
J’écrivais, il y a quelques jours, à l’abbé Gabriel que, de tous les princes de l’Europe, le plus chrétien en politique c’est le Grand-Turc; ce qui n’est pas difficile à prouver. Le Pape envoyant tout dernièrement deux missionnaires, l’un en Turquie, l’autre en Allemagne, ne dit que quelques mots au premier et ne tarissait pas en donnant des conseils au second sur les dangers auxquels il était exposé. Cet exemple entre mille me persuade que le tort de l’abbé de la Mennais n’est pas d’avoir crié contre les rois d’aujourd’hui, mais contre la monarchie, qui est une forme de gouvernement bonne en elle-même, et contre le pouvoir en général.
Le P. Olivieri, qui vient d’être nommé général des Dominicains, me disait l’autre jour encore que cet ouvrage lui semblait une terrible prophétie, dont nous verrions l’accomplissement, comme nous avions vu l’accomplissement de tout ce qu’il a prédit jusqu’à aujourd’hui. Enfin lui-même m’a écrit et m’a dit qu’en publiant cet ouvrage, son but était de flétrir le despotisme et l’anarchie, et de prouver qu’on ne pouvait revenir à la liberté qu’en revenant à Dieu et en se soumettant de coeur aux deux grandes lois de la justice et de la vérité(2). S’il avait rempli son but, je crois qu’on n’aurait pu rien désirer de mieux.
Il me semble que je vous ai écrit, il y a peu de jours, une foule de choses. C’est ce qui m’empêche de vous les répéter. Ma mauvaise mémoire m’empêche de me rappeler si c’est à Augustine ou à vous que je les ai écrites. Quoique je n’aie pas le projet de vous demander de l’argent avant deux mois d’ici, permettez-moi, puisque j’y pense, de vous faire une observation. Puisque les MM. Lourbon(?) communiquent avec M. Julien, qui est banquier ici, vous ne feriez pas mal de m’envoyer par eux l’argent qui est nécessaire. Vous savez que Torlonia prend 40 francs par 1000, ce qui à la fin forme une petite somme. J’ai perdu ainsi environ 200 francs, et ce n’est pas agréable.
J’ai joui hier d’un des plus beaux spectacles que j’ai jamais vus. Vous savez sans doute par maman que La Gournerie est ici depuis quelques jours. Nous allâmes visiter le chêne du Tasse, placé au haut du Janicule. Le soleil se couchait derrière nous et jetait ses rayons d’or sur le dôme de Saint-Pierre, qui se présentait entièrement séparé du reste de la ville. En face de nous Rome, toute brillante des dernières clartés du jour; plus loin, les montagnes de la Sabine ct celles d’Albano qui commençaient à s’envelopper de vapeurs. C’était ravissant. C’est après de pareils spectacles que l’on peut bien comprendre ce qu’est Rome. On la voit dans toute la majesté de ses ruines et de ses monuments nouveaux; on comprend tout ce qui sépare les débris du palais de Néron des voûtes du Vatican. Voilà, j’espère, du poétique, mais je ne sais pourquoi je n’ose pas en faire avec vous. Je vous fais donc grâce de tout ce que j’aurais pu ajouter sur les coupoles et sur les bosquets d’orangers, sur les fontaines et sur les palais, sur ce vieux Tibre dont les flots sont toujours jaunes, sur ces pins qui présentent leur parasol si merveilleux à l’horizon. Je vous en prie, plantez des pins sur la garrigue.
7 juin.
Je fus avant-hier interrompu et je ne pus continuer ma lettre. Aujourd’hui, j’espère pouvoir la continuer. J’ai appris que l’ambassadeur de France faisait ce qu’il pouvait pour empêcher que Rome s’occupât du livre de l’abbé de la M[ennais]. Il paraît qu’on aimerait mieux le laisser tomber. Il paraîtrait encore que la lettre de l’abbé Jean de la M[ennais] est une parfaite mystification(3). Je vais me promener ce soir avec le cardinal Micara; je verrai ce qu’il me dira. Pour mon compte, je suis toujours en suspens et je désire bien que Paul Delaroche arrive bientôt à Rome, puisqu’il doit me le porter(4). Je sais qu’il n’en est arrivé ici que deux exemplaires pour des particuliers: l’un au P. Rozaven et l’autre à l’abbé de Brézé. Celui-ci ne me l’a point offert, et comme je sais qu’il l’a positivement, mais toutefois par voie indirecte, je ne le lui ai pas demandé. Seulement, quand j’aurai reçu mon exemplaire, la première personne à qui j’irai le porter après l’avoir lu, ce sera lui. C’est, je crois, la meilleure manière de lui fermer la bouche sur certaines plaintes qu’il porte contre moi.
Depuis que La Gournerie est ici, je le vois tous les jours. Avant-hier soir, nous allâmes voir la procession de Saint-Pierre. C’était un très beau coup d’oeil. Toutes les confréries y étaient réunies. Le Pape suivait à pied, portant une torche. Nous nous étions placés de façon à voir la procession descendre le perron de Saint-Pierre. C’était la meilleure place. Je pense que, quand vous recevrez ma lettre, maman et Mesdemoiselles mes soeurs seront arrivées. Vous serez réunis. Il n’y aura que moi qui manquerai à l’appel. C’est triste.
Adieu, cher petit père. Je vous embrasse de tout mon coeur.
Emmanuel.
J’ai peur qu’une lettre que j’adressai à Augustine, et dans laquelle s’en trouvait une pour M. de la Mennais, ne soit arrivée trop tard. Si elle vous arrive à Lavagnac, je vous prie de l’expédier le plus tôt possible à son adresse.
E.D'ALZON2. Voir en Appendice sa lettre, du 8 mai, à Emmanuel d'Alzon.2. Voir en Appendice sa lettre, du 8 mai, à Emmanuel d'Alzon.
3. Lettre du 10 mai 1834 à l'évêque de Rennes, qui la lui avait demandée et la laissa imprimer dans les journaux alors qu'elle aurait dû rester secrète.
4. Paul Delaroche gendre d'Horace Vernet et son successeur à la direction de la Villa Médicis, peintre célèbre et ami de la famille d'Alzon; son fils fut élevé au collège de l'Assomption à Nîmes.