- V1-545
- 0+171|CLXXI
- Vailhé, LETTRES, vol.1, p.545
- 1 ACTION DE DIEU
1 APPETIT
1 BONHEUR
1 CARDINAL
1 COMMERCE
1 CONGREGATION DE LA PROPAGANDE
1 COURS PUBLICS
1 CULTURES
1 DEPENSES
1 DILIGENCE
1 ECONOMIES
1 ENTERREMENT
1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
1 FETE
1 GUERISON
1 LIVRES
1 MALADIES
1 MINISTERE
1 MONARCHIE
1 PAUVRE
1 PROVIDENCE
1 RENONCEMENT
1 REPAS
1 RESIDENCES
1 REVOLUTION
1 ROYALISTES
1 SANTE
1 SOLITUDE
1 VACANCES
1 VIN
2 ALZON, AUGUSTINE D'
2 ALZON, MADAME HENRI D'
2 COMBALOT, FAMILLE
2 COMBALOT, THEODORE
2 FANNY
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 LAMBRUSCHINI, LUIGI
2 MICARA, LODOVICO
2 OLIVIERI, MAURIZIO
2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
2 RODIER, MADAME JEAN-ANTOINE
2 RUBICHON, MAURICE
2 VENTURA, GIOACCHINO
3 ANGLETERRE
3 FRANCE
3 ISRAEL
3 ITALIE
3 JUDA, ROYAUME
3 LYON
3 LYON, PONT DE LA GUILLOTIERE
3 PARIS
3 PARIS, PONT-NEUF
3 PARIS, RUE TRANSNONAIN
3 ROME, COLLEGE DE LA MINERVE
3 ROME, COLLEGE ROMAIN
3 ROME, VATICAN
3 SICILE - A SON PERE (1).
- ALZON_VICOMTE
- le 28 avril 1834.
- 28 apr 1834
- Rome,
- Monsieur
Monsieur le Vicomte Henry d'Alzon,
au château de Lavagnac, par Montagnac.
département de l'Hérault.
France. Par Antibes.
J’ai reçu ce matin, mon cher petit père, votre lettre du 17 avril. Puisque vous me prêchez l’économie, je vais me permettre une petite observation. J’ai reçu de ma tante Rodier une lettre qui était plus grande que la vôtre, et elle ne m’a coûté que 22 sous; la vôtre m’en a coûté 33. C’est que le papier de ma tante est beaucoup plus fin. Je sais bien que quelquefois les maîtres de poste ne font pas grande attention, surtout quand il faut doubler le prix. Cependant, en ayant la précaution d’avoir du papier fin, on s’évite une dépense qui pour moi est considérable(2). Il n’est pas de semaine que je ne donne cinq ou six francs à la poste, et je suis sûr qu’à la fin de l’année j’y serai pour plus de cent écus. Certes, je ne regrette pas cet argent. Seul surtout comme je suis à présent, vous ne sauriez croire quel bonheur c’est pour moi de recevoir des lettres de France. Pour en recevoir, il faut que j’en écrive. Or, je n’en puis faire partir aucune sans payer cinq et quelquefois douze sous. Vous voyez que cela va loin.
Quant à mes dépenses, je puis vous assurer que j’en fais fort peu. J’ai acheté des livres, parce que les bibliothèques publiques ne sont ouvertes que quelques heures dans la journée, qu’elles ne sont ouvertes que cinq fois la semaine et qu’il faut retrancher encore les autres jours de fêtes d’anniversaires, d’enterrements, [si bien] que l’on ne sait sur quoi compter. Puis on a, sans qu’on s’y attende, de longues vacances de huit jours. Enfin, j’ai été une douzaine de fois à la bibliothèque de la Minerve ou [à celle] des Augustins, et j’ai trouvé la porte fermée. Je ne parle pas de la bibliothèque du Vatican, qui est à trois quarts d’heure d’ici; il faut ou prendre un fiacre ou perdre une heure et demie à aller ou revenir. J’ai la bibliothèque du couvent que j’habite et j’en profite. J’ai, dans ce moment, dans ma chambre, une douzaine au moins de volumes que j’y ai pris. Ces volumes, qui ne sont que pour consulter, je les renouvelle quand j’en veux d’autres. Mais il est quelques ouvrages dont je me sers habituellement et que j’ai dû acheter. De ces ouvrages je n’ai à me reprocher qu’un seul, dont je ne me serve pas et qui soit un peu cher. Encore l’ai-je acheté parce que je savais qu’on ne le trouverait que chez le libraire de la Propagande et qu’on en devait augmenter très considérablement le prix. C’est, en effet, ce qui est arrivé. Du reste, depuis longtemps je ne fais absolument aucune dépense. Je ne crois pas avoir rien à vous demander avant le 1er septembre; mais il est possible que je me trompe dans mes calculs. C’est ce que je verrai.
Quant au voyage en Sicile, j’y renoncerais volontiers, si je n’avais pris des engagements qu’une lettre que vous m’avez écrite dans le temps m’avait engagé à prendre. Cependant, s’il faut absolument y renoncer, j’en prendrai mon parti. Seulement, je vous prie de me dire ce sur quoi je dois compter, afin que je songe à retirer ma promesse. Vous m’engagez à revenir aux vacances. Est-ce pour ne plus retourner à Rome? Si c’est pour cela, je n’ai rien à dire: si c’est dans un autre motif et pour que j’y revienne plus tard, le voyage de Sicile ne me coûtera pas plus que les frais d’aller et de revenir. Vous savez ce que je vous ai dit que mon projet était de ne pas rester plus de deux ans en Italie. Ce projet se confirme pour moi.
J’ai causé longuement de mes études avec le P. Ventura, et il m’a fortement engagé à suspendre d’aller aux cours et à travailler en particulier, sauf, pour les difficultés, à aller le consulter. Vous pensez que cette proposition était trop dans ma manière de voir pour que je ne la suivisse pas. Lorsque je vais voir soit le P. Olivieri, soit le cardinal Micara, soit d’autres de ce genre, j’ai toujours soin de préparer mes cas, et je me [les] fais résoudre. Je consulte différentes personnes sur le même [cas], de façon que j’aie le plus de lumière, et je puis avancer plus rapidement. J’ai pensé qu’un homme comme le P. Ventura devait connaître les cours de Rome. Dans le commencement, il me fit dire par l’abbé Gabriel que je perdais mon temps à aller au Collège Romain, ce que j’ai fini par trouver bien vrai. Le cardinal Micara m’a engagé à rester seul et m’a seulement engagé à aller le voir souvent; c’est ce que je ne manque pas de faire.
Voilà, mon cher petit père, où j’en suis et pour mes finances et pour mes études. Je crois pouvoir dire que je ne perds pas mon temps, et je doute que je puisse mieux l’employer. Puisque vous voulez savoir le bulletin de ma santé, vous saurez -vous le dirai-je? mais au moins n’allez pas vous effrayer, parce qu’une autre fois je ne vous dirai plus rien; eh bien! je me porte -ne vous troublez pas,- je me porte comme le Pont-Neuf. Quand l’abbé Gabriel fut parti, j’éprouvai quelques maux d’estomac. J’ai vu depuis, dans Rubichon, qu’une personne qui mangeait seule, après avoir longtemps mangé en compagnie, perdait quelquefois l’appétit. C’est ce qui m’arriva. Manger était pour moi un supplice. Mais vous pouvez penser que je n’avais pas envie que cela dure. Je me suis procuré une bouteille de bon vin stomachique, et ce spécifique unique, comme dirait Fanny, m’a guéri si bien que je suis obligé de retenir mon estomac qui veut réparer le temps perdu. Jamais je ne me suis mieux porté en France qu’ici dans ce moment. Mon rhume a passé et, comme je me ménage, j’attends l’été de pied ferme.
Puisque je vous ai parlé de Rubichon, je dois vous recommander son ouvrage(3). Je crois que vous l’approuverez sur beaucoup de points. Quoique je ne sois pas de son avis en tout, je ne balance pas à dire que c’est un des ouvrages les plus remarquables qui aient paru depuis longtemps. Il est écrit avec une certaine amertume de style qui le fait lire, malgré la sécheresse du sujet. Il révèle une plaie, que je ne crois pas l’unique, de la France et de l’Angleterre. Il y démontre assez clairement les avantages de la grande culture et la nécessité d’arrêter les progrès excessifs du commerce, si l’on veut que le pauvre est un morceau de pain à [se] mettre sous la dent. Certains faits y sont présentés sous une forme un peu sophistique. Beaucoup de royalistes ont crié contre son livre, mais je ne crois pas que vous soyez de ces royalistes.
Je vous avais, je crois, appris la nomination de Lambruschini au ministère. L’affaire a manqué par l’opposition des Puissances. On prétend qu’il sera ministre et qu’un indifférent aura la signature.
Je suis bien heureux de penser que ma mère et mes soeurs étaient hors de Paris, lors des derniers troubles. Les parents de M. Combalot ont dû beaucoup souffrir. A Lyon, son oncle avait cinq ou six maisons les plus rapprochées du pont de la Guillotière, et son frère y avait une brasserie de bière(4). Je ne puis considérer l’histoire contemporaine sans y voir une action terrible de la Providence. Tout ce qui se passe dans ce moment rappelle d’une manière bien frappante la conduite de Dieu sous les anciens rois d’Israël et de Juda, qui ne faisaient pas mieux que les rois modernes, mais qui ne faisaient pas pire.
Adieu, mon cher petit père. Il est tard. Je vous souhaite une bonne nuit et vous embrasse de tout mon coeur.
3. *Du mécanisme de la société en France et en Angleterre*. Paris, 1834.2. A cette époque, c'était celui qui recevait la lettre qui payait les frais de port. L'abbé de la Mennais s'y ruina en bonne partie. Pour le seul mois de juillet 1834, il dut payer onze cents francs.
3. *Du mécanisme de la société en France et en Angleterre*. Paris, 1834.
4. L'insurrection de Lyon, fomentée par les républicains et les anarchistes, commença le 9 avril et dura six jours; en même temps il y eut, à Paris, des troubles qui sont connus sous le nom de massacre de la rue Transnonain.