Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 487.

26 feb 1849 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Elle peut lui dire en toute tranquillité ce qu’elle pense de lui – Nouveaux détails sur l’emprunt garanti par les terrains – Il consent à ce qu’elle soit son conseil en matière d’argent – Au sujet de deux vocations religieuses – La mission du Cap – Privation de carême – Nouvelles.

Informations générales
  • PM_XIV_487
  • 0+607|DCVII
  • Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 487.
  • Orig.ms. ACR, AD 629; V. *Lettres* III, pp. 415-418 et D'A., T.D. 20, p. 69.
Informations détaillées
  • 1 AMITIE
    1 AUTEURS SPIRITUELS
    1 CAPITAUX EMPRUNTES
    1 CAREME
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CRAINTE
    1 CREANCES A PAYER
    1 CRITIQUES
    1 DEPENSES EXTRAORDINAIRES
    1 EMBARRAS FINANCIERS
    1 FORTUNE
    1 FRANCHISE
    1 JOIE
    1 MISSION DU CAP
    1 MISSIONS ETRANGERES
    1 PAGANISME
    1 PAUVRETE
    1 PENITENCES
    1 PROPRIETES FONCIERES
    1 RECONNAISSANCE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SAINTETE
    1 SERMONS
    1 SOEURS CONVERSES
    1 SOUFFRANCE
    1 TENTATION
    1 VENTES DE TERRAINS
    1 VOCATION
    2 ACHARD
    2 ACHARD, MARIE-MADELEINE
    2 ALZON, HENRI D'
    2 ALZON, MADAME HENRI D'
    2 BAILLY, EMMANUEL SENIOR
    2 BEILING, MARIE-LOUISE
    2 BLONAY, MARIE-AGNES DE
    2 BOYER, MADAME EDOUARD
    2 FAYATIER
    2 FRANCHESSIN, ERNEST DE
    2 GAUDE, MARIE-RODRIGUEZ
    2 HENNINGSEN, MARIE-GERTRUDE DE
    2 VIEFVILLE
    3 AVIGNON
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 MARSEILLE
    3 NIMES
    3 PARIS, HOTEL DE CLERMONT-TONNERRE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, le 26 février 1849.
  • 26 feb 1849
  • Nîmes
  • Institution de l'Assomption
  • *Madame*
    *Madame la Supérieure de l'Assomption*
    *rue de Chaillot n° 94*
    *Paris.*
La lettre

Ma chère fille,

Je vous dois trois réponses, puisque j’ai reçu trois lettres de vous, avant-hier, hier et aujourd’hui. Voulez-vous que je vous parle franchement? Ne craignez plus de me faire de la peine, et si vous plaindre à moi de moi-même peut vous faire du bien, usez-en largement; car vous me montrez tous les jours une amitié trop parfaite pour que je ne me trouve pas très heureux de la payer par quelques petits reproches. Mais, de plus, il y a chez moi un trop grand désir de vous être bon pour que, dans vos lettres pénibles ou peinées, je cherche autre chose que l’indication du moyen de vous faire du bien. Une fois cela bien établi, vous comprendrez, je pense, que je ne me préoccupe plus de ce que vous me montrez de vos souffrances que par la peine que j’ai à vous voir souffrir. Mais, pour ce qui me concerne, je n’ai plus à m’en inquiéter, je suis trop sûr et de vous et de moi.

L’affaire de M. Bailly me paraît, en effet, prendre une très bonne tournure. Cependant, je ne m’y fierai que lorsque je verrai ou la caution levée ou la dette payée. Voici quelques renseignements qui peuvent, au besoin, vous être utiles. Il est très vrai que les terrains, à droite et à gauche de l’hôtel Clermont-Tonnerre, n’ont été vendus qu’après le prêt par lequel je me suis engagé. Il est très vrai que M. Bailly me donnait à entendre que ces ventes m’étaient avantageuses. Du côté droit, les terrains ont été vendus au moins 525 francs la toise, et, de l’autre côté, c’est-à-dire du côté de la maison de M. Fayatier, plus cher encore, -je ne sais pas si l’on ne m’a pas parlé de 1.000 francs, il avait été question une fois au moins de 600.

Il est très vrai que M. Viefville m’a assuré que M. Bailly lui avait fait la proposition de vendre du terrain, pourvu qu’il en laissât suffisamment pour représenter le prix que représentaient ses propriétés, quand le contrat fut passé; elles avaient augmenté depuis. Je déclarai à M. Viefville que je ne m’opposais à rien de semblable. Mais M. Bailly, en vendant, ne se sera-t-il pas fait donner quelques sommes, de la main à la main? Je l’en crois très capable.

Il n’est pas vrai que M. Viefville m’avait dit que je serais probablement obligé de payer; il me dit, au contra[re, que les terrains représentaient la valeur pour laquelle je m’engageais. Depuis, l’année suivante, il me l’a répété. Enfin, la première fois qu’il m’a écrit, il m’a dit encore -et j’ai sa lettre- que les terrains ne se vendant pas trop mal je n’aurais rien à perdre.

Quant à consulter, je m’en rapporte à vous complètement et je vous remercie de vouloir être mon conseil. Je vous assure que je suis tout disposé à ne plus faire de nouvelles dépenses, sans vous prévenir; j’y suis parfaitement disposé. Je crois que, cette année, nous n’aurons pas à faire beaucoup de dépenses extraordinaires; cela ne dépassera pas quelques centaines de francs, tout au plus. Ainsi, si vous le jugez à propos, adressez-vous à tel avocat que vous voudrez. Seulement, je désire que le secret soit gardé le plus longtemps possible, à cause de mes parents. Veuillez être assez bonne pour remercier M. de Franch[essin] de la peine que vous lui donnez pour moi. Je lui suis réellement très reconnaissant de tout le soin qu’il y met; mais, je ne sais pourquoi, je me figure qu’il tient fort peu à ma reconnaissance. J’ai trois ou quatre lettres de M. Viefville, j’en ai aussi de M. Bailly, mais, sauf celle que je vous ai envoyée, il n’y en a aucune de lui qui parle d’affaires.

Je crois, avec l’aide de Dieu, que je vais commencer à sortir de l’embarras financier pour la maison. Mais je vous en parlerai plus au long une autre fois.

Soeur Marie-Madeleine me préoccupe. Je crains bien que tout ce qu’elle vous dit ne soit un peu l’effet de la peur de ne savoir où aller. Son oncle, un homme très raisonnable, est venu me parler. Il désire que sa nièce soit religieuse. Il m’a répété lui-même que sa fortune lui appartiendrait un jour; sous ce rapport, il est parfaitement disposé. Je verrai d’obtenir un trousseau. Quant à Mlle Gaude(1) dont vous avez reçu une lettre, je ne comprends pas trop sa sortie du Sacré-Coeur, sinon parce qu’elle n’en avait pas l’esprit. L’idée d’aller en mission la ravit, et elle s’offre pour Soeur converse, si vous ne la voulez pas autrement. Il me paraît que ce serait un bon choix. Elle trouvait le Sacré-Coeur trop peu pauvre. Elle ne se plaindra pas sur ce chapitre avec vous. Soeur Marie-Gertrude me semble très propre pour cette mission. Il me paraît que, séparée de l’Europe, elle aura beaucoup moins de ses tentations. L’idée de votre expédition au Cap me transporte; je ne cesse d’y penser. Vous verrez que les deux Assomption travailleront côte à côte chez les païens, avant de pouvoir s’unir en France dans une même ville. Que de choses à vous dire là-dessus! Je regrette bien de ne pouvoir disposer de quinze jours et de 500 francs. Je vous arriverais pour vous seule et je repartirais, après nous être repris sur une foule de points que les lettres ne font qu’embrouiller. Si vos filles partent au mois de septembre, arrangez-vous donc pour qu’elles s’embarquent à Marseille et pour pouvoir les accompagner jusque-là; j’irais vous attendre à Avignon et vous pourriez vous arrêter quelques jours à Nîmes, au retour.

Je vais tâcher de trouver un moment pour écrire à Soeur Marie-Louise. Si vous n’êtes pas trop souffrante, il me semble qu’en carême vous ferez bien de vous priver de ses gâteaux. Je ne suis pas d’avis que vous n’aimez pas. Je doute qu’on puisse aimer davantage, je ne crois pas qu’on puisse aimer mieux ou même aussi bien. A cet égard vos doutes ne détruiront pas ma certitude. J’ai passé, hier, un bien bon moment. Après mon sermon, j’allai me reposer quelques instants chez Mme Boyer. J’étais heureux de l’entendre parler de vous, comme elle le faisait, et j’avoue que je faisais un peu chorus. Vous êtes bien heureuse, ma fille, d’avoir des gens qui vous conservent une affection aussi immuable. Je voudrais que vous puissiez lire la Vie de la Mère de Blonay. Je viens de la lire avec transport. J’y ai mis un peu de mon sommeil, mais je n’en ai pas de regret.

Adieu, bonne et chère fille. Ecrivez-moi sur le ton que vous voudrez, pourvu que Dieu n’en souffre pas. Croyez bien que, pour moi, je ne chercherai dans vos lettres que ce qui m’aidera à faire de vous une sainte, si j’y puis quelque chose, car c’est mon suprême désir. Tout vôtre en Notre-Seigneur.

E.D'ALZ[ON].
Notes et post-scriptum
1. Elle entra à l'Assomption sous le nom de Soeur Marie-Rodrigue.