- PM_XIV_315
- 0+516 b|DXVI b
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 315.
- Orig.ms. ACR, AD 503; D'A., T.D. 19, pp. 182-186.
- 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
1 AMITIE
1 AMOUR-PROPRE
1 BATIMENTS DES COLLEGES
1 CAPITAUX
1 COLERE
1 COLLEGE DE NIMES
1 CONFESSION SACRAMENTELLE
1 CONNAISSANCE DE SOI
1 CONTRARIETES
1 CRITIQUES
1 DEFAUTS
1 DEPENSES
1 HUMILITE
1 MAITRES
1 PAQUES
1 PIETE
1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
1 SEMAINE SAINTE
1 VENTES DE TERRAINS
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 BOYER, MADAME EDOUARD
2 CARBONNEL, ISAURE
2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 GOUBIER, VITAL-GUSTAVE
2 GOURAUD, HENRI
2 HENNINGSEN, MARIE-GERTRUDE
2 ROUX, JENNY - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le 28 mars 1847.
- 28 mar 1847
- Nîmes
- Institution de l'Assomption
- *Madame*
*Madame la Supérieure de l'Assomption*
*n° 76, rue de Chaillot*
*Paris.*
J’aurais dû vous écrire ce matin, ma chère enfant, mais j’étais tellement ennuyé que je ne me suis senti la force que de dire mieux mon office et de me tenir le mieux possible sous la main de Dieu. D’abord, l’état violent où se trouvent les demoiselles C[arbonnel] et qui leur fait voir un sujet d’irritation, dans toutes les plus légères démarches des maîtres ou des élèves, leur résolution bien arrêtée de partir le lundi de Pâques, puis aujourd’hui, puis demain; puis, maintenant, que je les laisse aller, j’ai bien peur qu’elles ne veuillent rester pour me faire pièce. Les deux aînées sont furieuses que Mlle Anaïs leur ait signifié qu’elle ne quitterait pas la maison. C’est une colère, dans laquelle j’ai dû entendre les paroles les plus extravagantes. Mlle Anaïs est coupable, après avoir promis qu’elle resterait ici un an à condition que ses soeurs resteraient dans la maison, d’avoir signifié que si celles-ci se retiraient avant cette époque, elle se croirait libre de ses actions, et d’avoir déclaré qu’elle ne voulait pas dire ce qu’elle ferait. En effet, ses deux soeurs voudraient laisser croire que si elles se retirent, c’est parce que j’ai engagé leur soeur à aller chez vous; et Mlle Anaïs ne veut point accepter cette position et se borne à déclarer qu’elle tiendra sa promesse dans la limite où elle l’a faite, mais que, ses soeurs se retirant, elle considère ses engagements comme rompus. Elle sent que si ses soeurs, en partant, l’entraînent avec elle, elle est captive pour toujours, et c’est précisément ce qu’elle veut éviter. Aussi est-il bien possible qu’elle ira vous trouver avant un mois.
On lui fait un grand reproche de ce que quand on lui parle un peu durement, elle répond sur le même ton, ou bien se retire dans sa chambre pour ne pas engager de discussion; mais si elle sent l’impatience la prendre, que peut-elle faire de mieux que de se retirer? Or les occasions ne lui manquent pas. Ainsi hier matin, tout le temps de leur déjeuner se passa en une diatribe contre les dévotes, dont les défauts faisaient damner leurs parents. Elle ne dit pas un mot, mais elle sortit, à peine le déjeuner fini, pour dévorer ses larmes toute seule. Sa soeur aînée m’a signifié, du reste, qu’elle ne l’aimait plus, qu’elle était bien aise de la voir partir, et, de fait, je crois que pour Mlle Isaure il y a plus qu’une peine de coeur, il y a la blessure d’une défaite d’amour-propre. Comme toutes ces luttes viennent jusqu’à moi, que dans ce moment je suis censé avoir outragé M. Goubier, qu’il y a, de la part des maîtres, quelques plaintes sur la nourriture, plus ridicules certainement que celles de M. Gouraud pour votre maison, vous comprenez que je suis un peu fatigué.
Lundi, 29.
Il faut bien vous dire aussi, ma chère enfant, que j’ai eu le tort d’accepter un certain nombre d’hommes à confesse, à cause de la presse du jubilé. Mais j’ai besoin de ne pas en prendre un plus grand nombre, et, comme j’en ai entendu de 240 à 250 nouveaux, je trouve que c’est assez raisonnable pour ma part. Mais voyez donc ma préoccupation: je ne vous parle que de moi. Il faut pourtant que je vous donne encore une de mes réflexions. Dieu permit qu’après avoir souffert assez longtemps de toutes les douleurs que je vous ai causées, je retombe dans de nouveaux ennuis, quoique d’une autre espèce. Le refroidissement de M. Goubier, les scènes des demoiselles Carbonnel, tout cela est peu attrayant; enfin, s’il plaît à Dieu de me purifier par cette voie, il faut bien l’accepter. Que sa volonté soit faite! Il est inutile de vous faire observer que je n’en suis pas précisément découragé, mais que j’aperçois en moi tous les jours une foule de défauts, dont un certain nombre, il est vrai, sont involontaires, mais qui n’en blessent pas moins ceux avec qui j’ai des rapports. Je me reconnais par ce côté très désagréable et je comprends que vous, pauvre fille, vous ayez eu beaucoup à souffrir de moi. Toutes ces découvertes sont très humiliantes. J’espère par ce côté, me les rendre en même temps très profitables.
Avec la meilleure volonté du monde, je ne puis vous promettre les 20.000 francs pour le 20 avril, comme vous me le demandez. Après avoir consenti à me laisser vendre une terre, mon père a fait quelques difficultés. J’ai surmonté ses terreurs, mais il en est résulté un retard assez considérable dans la conclusion de l’affaire. J’espère avoir de cette terre, 380.000 francs. Les modifications que vous proposez au sujet du chapitre sont extrêmement faciles à faire; je ne sais s’il en sera de même pour celles qui concernent la lingerie. Figurez-vous quel avantage il y a à ne pas permettre que les parents puissent, sous aucun prétexte, pénétrer dans l’intérieur de la maison; et puis, pour entrer dans le détail, quel local ne faut-il pas pour le linge, les couvertures, etc., de 300 personnes? La pièce que vous voyez notée comme seconde lingerie aurait servi pour les souliers et les habits. Si nous allons à la campagne, il faudra de toute nécessité des magasins. Puisque vous voulez bien entrer dans tous ces détails, j’aurai à vous demander votre opinion sur les calorifères. Pensez-vous qu’ils soient réellement utiles, au point de vue de l’économie? Peut-on, en faisant moins de feu, chauffer un moins grand nombre d’appartements, alors que l’appareil est destiné au double de pièces?
Ce que vous me dites de Mme Boyer, a été pour moi l’occasion de lui faire beaucoup de bien; cette pauvre femme vous aime tant! Je ne lui ai pas lu le passage de votre lettre, parce qu’il y avait des notes qui eussent effrayé son imagination, mais je lui ai parlé de votre affection, et ces paroles lui ont fait plus que bien des remèdes.
Jenny Roux n’est guère plus raisonnable, mais elle ne fait que dire du bien pour votre maison. On voudrait lui en faire dire les défauts, et elle n’en peut dire que du bien. Je redouterai un peu plus la mère, mais cette pauvre femme est connue. Jenny vient se confesser très régulièrement. Je doute qu’elle puisse entrer dans une autre maison, au moins de quelque temps: elle a le coeur trop plein de la vôtre.
Que sont donc ces atroces calomnies, dont la famille de Soeur Marie-Gertrude vous gratifie? Je vous plains, mais il faut s’attendre à ces choses. C’est la reconnaissance de certaines gens.
Pour en revenir au plan, je ne vois pas un grand inconvénient à supprimer la porte de la chapelle derrière le choeur. On peut sans grande difficulté venir par les portes latérales, je n’y vois pas de grand inconvénient: on gagnerait un passage de quatre mètres, que l’on ajouterait au besoin au réfectoire, si l’on ne voulait pas en faire un escalier pour les cuisines. Sur ce point, il n’y aura pas de grandes difficultés. Quant à la forme de la chapelle, je n’ai fait que l’indiquer. Si on en veut une autre, je ne m’y oppose point, surtout si on la fait un peu rentrer dans la cour intérieure, ce qui peut avoir lieu dans l’hypothèse où l’on supprimerait les bas-côtés tournant autour du choeur. Mais la question n’est pas encore pressante. Pourvu que nous laissions la place, nous aurons du temps pour l’étudier.
Adieu, ma chère fille. Priez pour moi. Nos jeunes gens sont très bien disposés pour la Semaine sainte, et nos religieux me paraissent en veine de ferveur. Tout à vous mille fois en Notre-Seigneur.
E.D’ALZON.
Si vous avez quelque bon professeur pour moi, ne le laissez pas aller.
E.D'ALZON