- PM_XIV_222
- 0+475 b|CDLXXV b
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 222.
- Orig.ms. ACR, AD 441; D'A;, T.D. 19, pp. 102-105.
- 1 AMITIE
1 AMOUR-PROPRE
1 ASSOMPTION
1 BONTE
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 COLERE
1 COLLEGE DE NIMES
1 CONNAISSANCE DE SOI
1 EPREUVES
1 GENEROSITE
1 HUMILITE
1 JOIE SPIRITUELLE
1 OUBLI DE SOI
1 PAIX DE L'AME
1 PATERNITE SPIRITUELLE
1 PURETE D'INTENTION
1 REPOS SPIRITUEL
1 UNION DES COEURS
1 VERTU D'OBEISSANCE
1 VICTOIRE SUR SOI-MEME
1 VOCATION RELIGIEUSE
2 BERGERET DE FROUVILLE
2 CARBONNEL, ISAURE
2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
2 GUYHOMAT, ABBE
2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le 27 juillet 1846.
- 27 jul 1846
- Nîmes
- Institution de l'Assomption
Votre lettre du 23 qui m’arrive à l’instant, ma chère fille, veut une prompte réponse, et je me hâte de la commencer au moins. Que vous ayez été un peu peinée des quelques lignes de la lettre où je vous parlais de M. Guyomat, c’est bien possible, car je le craignis un moment après avoir écrit. Je voulais donner une autre expression à ma pensée, qui elle-même était différente de ce que présentait au premier abord sa vilaine enveloppe. Hélas, mon enfant, moi aussi, je me mettrai à vos pieds et sous vos pieds sans la moindre peine, ce me semble, parce que quelque superbe que soit mon amour-propre avec les autres, avec vous il me semble que je n’en ai point. Si vous l’apercevez jamais, faites-le moi remarquer, je vous en conjure; j’espère bien le faire disparaître. Non, je vous le répète bien sûr, avec vous pas d’amour-propre.
Maintenant que vous voilà redevenue ce que vous vouliez par un effort violent probablement, tâchez si vous le pouvez, de rester dans la paix. Dieu, me dites-vous en finissant, vous a récompensé de votre sacrifice; je n’en suis pas surpris, et maintenant je vous avouerai que j’ai besoin de vous donner une explication. Les théologiens ne disent-ils pas qu’il y a dans l’amour de Dieu quelque chose qui est supérieur au plaisir que l’on éprouve à l’aimer, et que ce quelque chose consiste à l’aimer parce que c’est lui, sans tenir compte de la peine ou du plaisir, des souffrances et du bonheur que cause à l’âme cet amour? Et ne peut-on pas dire que, dans les affections humaines, il y a quelque chose de semblable à ce qu’il y a dans l’amour de Dieu, quand cette affection se fortifie en se sanctifiant par une vue plus directe vers Dieu, en qui toute affection doit trouver son principe? Et quand cette affection devient par l’habitude comme une seconde nature, ne peut-on pas dire qu’on y tient comme à son être, sans s’inquiéter de la joie ou de la tristesse qu’elle procure, parce qu’elle devient plus désintéressée, à mesure qu’elle devient plus intense? Ne peut-on pas dire enfin qu’elle devient aussi plus paisible, à mesure qu’elle se fortifie, en sorte que le calme s’augmente au milieu des tempêtes, parce qu’elle y apprend surtout à moins douter d’elle-même dans les épreuves qu’elle subit?
C’est la pax in virtute. Je ne sais pas où vous en êtes, mais voilà où j’en suis. Dès lors, ma chère enfant, il me paraît que vous devez peu vous inquiéter de la peine que vous me faites, non plus parce que ceci est affaire d’obéissance, mais parce qu’après tout, j’accepterai tout ce qui me viendra de vous avec d’autant plus de calme que je douterai moins de mes dispositions à votre égard. Or, sur ce point il me semble que j’en suis à la claire vue ou vision, comme il vous plaira.
Vous êtes vraiment terrible. Non seulement vous êtes la personne la plus analysante que je connaisse, mais encore vous forcez les gens à se scalper le plus cruellement du monde. Heureusement pour moi que je n’ai pas à craindre de regarder au plus profond du coeur, et que je retire une certaine joie de tout ce que j’y découvre. Voulez-vous donc que nous soyons une bonne fois amis paisibles? Sacrifions, s’il y a lieu, l’un et l’autre, l’amour-propre; et puis, ayez foi en votre père, comme votre père a foi en vous et en lui pour ce qui vous concerne, et ne parlez plus de vous rendre votre obéissance, afin que vous ne soyez plus forcée de dire des choses désagréables; elles disparaîtront assez d’elles-mêmes.
Toutefois, ceci aura eu quelque chose de très bon pour vous. C’est de vous mettre bien sous les pieds de Dieu et de vous montrer à quoi vous deviez vous porter pour lui plaire. Il me semble que le sacrifice fait avec la générosité que vous me manifestez aujourd’hui mérite une récompense, et, pour prix de vos efforts, l’apaisement de toutes vos angoisses.
Mais il faut vous dire: 1° Que si M. Saugrain ne vient pas tout de suite, lui et M. Bergeret feront bien de n’arriver que vers le 12 septembre.
La pauvre Mlle Anaïs Carb[onnel] a eu hier une des scènes les plus épouvantables qu’il soit possible de voir: sa soeur l’a maudite et lui déclara que son départ lui ôtait la croyance en Dieu, qu’elle se jetterait à l’eau, etc. En attendant, Mlle Isaure se roulait par terre, jetant les tapis, les chaises, tout ce qui se trouvait sous sa main. La pauvre enfant a cru devoir promettre de ne pas partir tout de suite, mais je crois qu’une tempête l’a retenue pour un moment et qu’une prochaine tempête lui rendra sa liberté.
Jusqu’à présent tous les prêtres qui étaient à l’Assomption me restent; je ne suis pas embarrassé sous ce rapport. Vous me dites, chère enfant, des choses charmantes sur vos bonnes intentions à m’aider dans l’oeuvre, mais quoique cela fasse toujours plaisir à entendre, pouvez-vous croire que j’en aie jamais douté. Souvenez-vous donc que je crois en vous, non, quoi que vous en disiez, par le sentiment vaniteux de ce qui m’est dû, mais par la conviction que j’ai que vous êtes bonne. Mais je veux faire partir cette lettre. Mille choses à Soeur Th[érèse]-Em[manuel].
Tout à vous en Notre-Seigneur.
E.D'ALZON.