- PM_XIV_173
- 0+451 b|CDLI b
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 173 et p. 176.
- Lettre du 28 janvier-Orig.ms. ACR, AD 409; D'A., T.D. 19, pp. 55-60.|Lettre du 27 janvier-Cop.ms. faite sur l'original perdu depuis, ACR, AQ 15; D'A., T.D. 19, pp. 60-62.
- 1 AMITIE
1 ASSOMPTION
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 COLERE
1 CORPS ENSEIGNANT
1 DEGOUTS
1 ECONOME DU COLLEGE
1 EFFORT
1 EMBARRAS FINANCIERS
1 FRERES CONVERS
1 LACHETE
1 MALADIES
1 MENSONGE
1 ORGUEIL
1 PATERNITE SPIRITUELLE
1 PATIENCE
1 PREDICATION
1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
1 RELATIONS DU PERE D'ALZON AVEC LES ASSOMPTIADES
1 SERMONS
1 VANITE
1 ZELE APOSTOLIQUE
2 BEILING, ADOLPHE
2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
2 CARBONNEL, MARIE-VINCENT
2 CARBONNEL, MESDEMOISELLES
2 CART, JEAN-FRANCOIS
2 CROY, DE
2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
2 GIRARD, GR.
2 GOURAUD, HENRI
2 GRATRY, ALPHONSE
2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
3 ALES
3 PARIS
3 PARIS, EGLISE NOTRE-DAME DES VICTOIRES - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- [Nîmes], le 28 janvier 1846.
- 28 jan 1846
- Nîmes
Je commence par la troisième page de ma lettre, car vous allez trouver en tournant la feuille, la date du 27, ma chère en fant. Je voulais brûler ce commencement. J’étais bien vexé hier soir. C’était un état nerveux et je crains que mes paroles ne s’en soient ressenties. Je les aurais supprimées, si je ne savais que vous vous fâchez toutes les fois que je fais des suppressions semblables. Je dois dire cependant qu’en prenant quelque chose de plus doux, je n’en maintiens pas moins mes observations à la petite religieuse.
Vous trouverez ci-incluse une lettre de Mlle Anaïs Carbonnel, qui m’a demandé la permission de vous écrire. Je ne l’ai pas lue, mais je pense, d’après ce que je connais de cette bonne fille, que vous serez contente; il y a chez elle un fonds d’amour de Dieu qui ne peut qu’amener de bons fruits si on cultive bien la plante. Sa soeur aînée se livre de plus en plus aux emportements de son caractère, et je crains quelquefois qu’elle finisse par devenir folle. La lettre de Mlle Anaïs est écrite depuis plusieurs jours, mais hier soir sa soeur aînée lui fit une scène telle que je ne sais comment elle peut y tenir. Or, c’est toujours à recommencer. Je renvoie à mon voyage à Paris les détails.
Je suis en ce moment assez embarrassé à cause de Decker; j’ignore s’il partira ou restera. J’avoue que je voudrais assez qu’il partît, surtout si je pouvais le remplacer par quelqu’un qui parlât mieux français que lui. Vous ai-je dit que M. Tissot, qui fait maintenant la 5ème, demande à faire la 8ème? Il s’est pris d’un beau zèle pour le P. Girard, qu’il lit et qu’il relit et dont il brûle de faire l’application. Mais il me faudrait un professeur de 5ème et de 6ème, peut-être aussi un professeur de rhétorique ou de 4ème, dans le cas où les trois plus anciens professeurs viendraient à monter d’un cran. Voyez d’avance si vous pourriez me trouver quelqu’un, vous me rendriez un grand service. On ne se fait pas une idée de la fermeté nécessaire avec tous ces petits morveux. Un maître d’étude très bien sous tous les rapports mais trop faible, vient de me désorganiser la 1ère division; pour la remettre en train il faudra un temps très long.
Je suis allé prêcher un sermon à Alais. Ne vous fâchez pas. Il y avait des motifs qui se rapportaient à la maison. Ainsi j’y ai retenu pour l’année prochaine un charmant petit frère convers, qui, s’il donne autant que son directeur promet pour lui, sera un petit saint. Il a vingt et un ans, est commis de magasin, communie tous les huit jours, est un peu au courant de la tenue des livres et va se faire un peu mieux instruire par les frères qui lui donnent des leçons. Voilà un dépensier tout trouvé, qui me fera de la besogne sous l’économe, et pourra me remplacer, j’en suis sûr, les demoiselles Carbonnel. J’attends également le frère d’une pauvre fille, qui est entrée ici chez les Carmélites comme Soeur converse et qui mourut au bout de trois mois en odeur de sainteté. Le frère est garde-champêtre, et a renoncé à se marier, de peur que s’il avait des enfants, il ne pût les élever assez chrétiennement. Depuis longtemps il voulait essayer de la Trappe. Je pense que j’en ferai un portier. Si vous connaissez quelque brave homme vous pouvez me l’indiquer, mais notez que c’est un frère ou des frères convers que je veux.
Avez-vous parlé depuis quelque temps avec M. Gouraud de nos projets? Je vous avoue que plus j’y réfléchis, et plus je me crois obligé d’agir en ceci avec une extrême prudence. On m’accuse tant de prendre sur mes bras plus que je ne puis porter, et, de fait, je sens que j’ai tant à faire pour pouvoir venir à bout de tout ce que j’ai entrepris! Priez beaucoup pour que je puisse voir clair là-dedans. Mais plus je vais, plus il me semble que la lenteur est une des conditions essentielles du succès. Si l’abbé Gratry se retire, vous verrez que celui qui le remplacera ne tiendra pas longtemps, non plus, et que nous arriverons au moment où nous serons réellement prêts. Or, il est très nécessaire que nous nous préparions, et je vous avoue que si je suis convaincu d’une chose, c’est que pour faire mieux que les autres il nous faut des conditions que nous n’avons pas plus qu’eux. Nous espérons bien les acquérir un jour, mais de l’espoir à la réalisation, la distance est encore assez grande. Quoi qu’il en soit, voyez, examinez, si vous le pouvez, ce que pensent et ce que disent M. Gouraud et M. Gratry, puis nous verrons aussi ce qu’il y a à leur répondre.
Avez-vous quelque idée des points que je ferai mieux de toucher à Notre-Dame des Victoires? Vous connaissez à présent un peu ma manière de faire. Donnez-moi un peu vos idées sur ce que je puis corriger et modifier dans ma manière de prêcher. Quels sujets pensez-vous les meilleurs pour mon auditoire? Dois-je toujours être moi? Je dois vous prévenir que mon moi est devenu un peu plus grave, plus triste, mais aussi un peu moins facile dans l’élocution, à ce qu’on dit. Puis je ne sais comment il se fait que ce que je ne prépare pas produit en général plus d’effet que ce que je prépare. Il me semble que je voudrais beaucoup conduire les gens au bon Dieu, puis j’y trouve toujours des difficultés dans le peu d’ordre et de clarté que j’apporte à mes instructions.
Adieu, bien chère enfant. Que Dieu vous donne un peu de patience avec votre pauvre père! Supportez-le tel qu’il est avec ses défauts. Je ne vous dis rien du petit collège tenu par vos filles. C’est un projet à beaucoup mûrir.
Tout vôtre en Notre-Seigneur.
E.D’ALZON.
Nîmes, le 27 janvier 1846.(1)
J’ai trouvé votre lettre ici, ma chère enfant, à mon retour d’Alais, où j’étais allé passer trente-six heures. Elle était très attendue, non pas celle-là plus qu’une autre, mais enfin, j’en attendais une. J’ai plusieurs choses à vous dire. Voyons si j’aurai plus de temps que vous.
1° Adolphe part, il paraît, lundi prochain, 2 février. Où ira-t-il? Je n’en sais rien. Il s’est aujourd’hui disputé avec son ami Decker, de façon qu’ils se quitteront brouillés. Je ne vous dissimulerai pas que Decker le joue sous la jambe et le veut voir dehors pour obtenir une augmentation de traitement. Decker depuis deux heures est redevenu charmant. Il paraît que Beiling comptait l’emmener avec lui et maintenant il semble que le pauvre garçon partira seul. Si c’eût été un autre caractère, je crois que je lui eusse fait quelques avances, mais à la manière dont il se conduit, je le laisse aller. Vous me disiez qu’il acceptait avec une grande naïveté ce que vous lui appreniez sur la piété. Je crois qu’il laissait passer vos paroles et pas davantage. L’influence de sa mère lui a-t-elle été nuisible? Je n’en sais rien. Il est malheureusement sûr qu’il n’y a ici qu’une voix sur son caractère: vaniteux, menteur et susceptible. Je vous dis ceci, afin que tout en lui rendant service vous vous teniez sur vos gardes.
Tous les détails que vous me donnez sur les impressions de votre pauvre nature me font une vive peine, puisque je vois que vous êtes toujours la même et toujours aussi peu généreuse. La petite religieuse, si disposée à se moquer de mon autorité en faisant tout ce qui lui est commandé et en se réfugiant dans son orgueil, en sera-t-elle beaucoup plus avancée, lorsqu’elle paraîtra au tribunal de Dieu? Est-il donc bien possible, chère enfant, que ce soit vous qui pensiez ces choses-là et que votre orgueil accepte la pensée de compromettre votre éternité ? Je sais bien que vous ne le voulez pas, que vous voulez, au contraire, passer pardessus vos répugnances, mais je ne puis vous dissimuler que je trouve fort humiliant de vous en savoir de semblables.
Nous parlerons, en effet, si vous voulez, de nos projets, à mon arrivée à Paris.
Je ne puis vous dire combien je suis dérangé ces jours-ci et combien j’ai eu peu de temps à moi; puis, je suis un peu excité par mille petits coups d’épingles. Hier, par exemple, Monseigneur, à ce qu’on m’a assuré, a fait une sortie contre mon départ à Paris, affirmant que je n’y allais que pour vous, que c’était incroyable, qu’il m’en avait prévenu (ce qui est faux), que ma maison croulerait par l’argent, que je comptais sur mes maîtres et que je serais trompé! Je crois bien qu’on m’a un peu exagéré la chose, mais je crois qu’il y a quelque chose de vrai.
Je veux ajouter que mes fils vont de mieux en mieux. Je ne les pousse pas; je les empêche seulement de reculer, quand une fois ils ont pris une nouvelle résolution ou pratique. Je m’en rapporte à leur zèle pour les progrès. Cela me donne un grand empire sur eux, parce que cela me permet d’exiger ce qu’une fois ils ont eux-mêmes demandé.
M. de Croÿ est toujours ici. Il dit qu’il part et ne part jamais. Il me tarde de lui voir les talons. Quand Soeur Marie-Augustine m’écrira-t-elle? Ma lettre à Soeur Thérèse-Emmanuel était-elle ce qu’il fallait?
E.D'ALZON