- PM_XIV_146
- 0+423|CDXXIII
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 146.
- Cop.ms. ACR, AD 384; V. *Lettres* II, pp. 361-364 et D'A., T.D. 19, pp. 36-37.
- 1 ATTENTION
1 BILLET A ORDRE
1 CLERGE NIMOIS
1 CREANCES A PAYER
1 DESOBEISSANCE
1 DIEU
1 DIRECTION SPIRITUELLE
1 EMBARRAS FINANCIERS
1 EXPULSION
1 FONDATEUR
1 FONDATRICE
1 LECTURE DE LA VIE DES SAINTS
1 LIVRES
1 MUSIQUE RELIGIEUSE
1 NOTRE-SEIGNEUR
1 ORGUEIL
1 PREDICATION DE RETRAITES
1 RECHERCHE DE DIEU
1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
1 REVOLTE
1 TIERS-ORDRE DE L'ASSOMPTION
1 VENTES DE TERRAINS
1 VERTU D'OBEISSANCE
1 VOLONTE DE DIEU
2 ALLIES, THOMAS
2 BEILING, ADOLPHE
2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
2 DOMINIQUE, SAINT
2 EVERLANGE-BEILING, MADAME D'
2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 LACORDAIRE, HENRI
2 MILLERET, MARIE-EUGENIE
2 OLIER, JEAN-JACQUES
2 PUYSEGUR, MADAME ANATOLE DE
2 PUYSEGUR, MARIE-THERESE DE
2 SAULOT
3 LAUNTON
3 NIMES
3 PARIS - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- [Nîmes, le 10 novembre 1845](1).
- 10 nov 1845
- Nîmes
- *Madame la Supérieure de l'Assomption*
*76 rue de Chaillot à*
*Paris.*
Vous savez mieux que moi, ma chère enfant, ce qui convient à vos filles; aussi suis-je tout disposé à être votre instrument dans le bien que vous êtes chargée de leur faire. Voici quelques mots pour Soeur Marie-Augustine. Il me semble que je les ai médités aux pieds de Notre-Seigneur, en priant pour elle. N’ai-je pas été trop rude en lui parlant de ses défauts? Ne suis-je pas trop bon par opposition à votre prétendue méchanceté? Lisez et jugez. Vous autres, Mesdames, avez pour ces choses-là un tact qui manque à notre grossièreté masculine. Ce que je veux que vous sachiez seulement, c’est mon désir de vous aider à porter le poids de vos âmes. Je sais, par celui des miennes, combien il est quelquefois lourd et écrasant. Mais ces mots, les vôtres et les miennes, doivent-ils subsister entre nous? Ne m’avez-vous pas fait le père de vos filles? Et, en me poussant à l’oeuvre que j’essaye, n’avez-vous pas consenti à être la mère de mes enfants? Enfin, vous êtes devenue sévère. Les expulsions font toujours du bien, je vous assure. Ne les redoutez pas; et puis, avec le peu de local que vous avez, tenez toujours à faire un choix de vos sujets; les places seront assez tôt garnies.
Vous me parlez de votre disposition à l’indépendance. Voici ce que j’ai cru que Notre-Seigneur m’ordonnait pour vous, pendant qu’à la messe, je récitais, il y a un moment, au Pater: Et ne nos inducas in tentationem. Il me paraissait que cette opposition d’inertie, dans laquelle, vous avez, dites-vous, une si grande facilité à faire réfugier votre indépendance, est quelque chose de bien vain. Car enfin, si vous ne voulez pas m’obéir, qu’est-ce que cela peut me faire? Si un sentiment naturel de fierté vous éloigne de mon autorité, un sentiment de fierté tout analogue peut fort bien m’éloigner de vous. Vous faites fi d’un directeur tel que moi, je fais fi d’une fille que son indépendance rend aussi sotte; et alors nous voilà l’un et l’autre bien avancés! Qu’en pensez-vous? Allons, ma fille, convenez que ces bouderies seraient ridicules de mon côté. Et, du vôtre, que seraient vos superbes dédains?
Puisque vous voulez du sérieux dans mes rapports avec Soeur Marie-A[ugustine], dites-moi donc si vous trouvez votre indépendance bien sérieuse! Pour moi, je la trouve souverainement vaine aux yeux de la foi, et dussiez-vous vous récrier contre mon intolérance, il faut absolument qu’elle ait un terme. Vous dirai-je que je le veux? Nullement, parce que ce n’est pas moi qui dois le vouloir. C’est Notre-Seigneur, ma chère fille, et vous le savez bien. Laissez-moi [donc] de côté, puisque vous le savez aussi je ne suis qu’un moyen extérieur, indispensable pour détruire en vous votre épouvantable fond de révolte. Mais à qui sacrifiez-vous, en moi, votre volonté, votre fierté, votre esprit satanique de mépris pour l’autorité? N’est-ce pas à Dieu? Il vous en coûte de voir en moi l’organe de Dieu. Vous voudriez voir Dieu lui-même se poser directement en rapport avec vous. Cela irait bien à votre dignité, et votre inertie d’opposition consentirait à s’incliner devant un pareil maître. Mais devant un être aussi vil qu’un de vos semblables, un de vos frères dans le péché originel, un être aussi méprisable, et, s’il est possible, plus méprisable que vous, oh! il y a de quoi soulever le coeur, n’est-ce pas? Entrerons-nous ou plutôt resterons-nous longtemps dans cette voie? Allons, ma bonne fille, un peu d’effort. Brisons aux pieds de Jésus-Christ l’idole à laquelle nous avons élevé un autel dans le plus intime de notre âme. Cherchons uniquement ce que Dieu veut de nous, et, parce qu’il veut la perfection, acceptons-la avec les conditions nécessaires pour l’acquérir.
Vous ai-je assez parlé de vous? Trop peut-être. Et vous devez trouver que je pousse aujourd’hui bien loin mon humeur interrogeante. Non, puisque vous voulez que je sois le maître et que je représente pour vous la volonté de Dieu, les répugnances seront abattues, la foi vous rendra bonne fille, souple, patiente même envers moi.
J’admire votre talent pour faire dire aux gens ce que vous voulez d’eux. Voilà le P. Lacordaire qui s’imagine vous diriger. Et pourtant, après de sérieuses réflexions, je pense qu’il vaut mieux que ces relations durent ainsi.
Toute la longue histoire de Soeur Marie-A[ugustine] est une bonne leçon pour moi, et je vous remercie de me la donner. J’en veux faire mon profit, autant que j’en suis capable. Mon Dieu! Que je suis neuf dans la science de vos replis et de vos nuances! Mais vos leçons me formeront. Je tâcherai de ne pas être un élève trop obtus.
Je tâcherai de procurer une retraite à l’abbé Gabriel. Si cela lui fait plaisir, cela m’en fera aussi. Mais il faut qu’il s’attende à trouver à Nîmes un clergé peu philosophique, et, s’il compte se perdre dans des abstractions, il lui arrivera plus d’une fois de parler à des endormis.
Et à propos d’endormis, savez-vous à quoi j’ai été obligé pour forcer mon monde du Tiers-Ordre à m’écouter aux réunions du soir? J’ai été forcé de leur donner du café. Moyennant ce, ils m’ont favorisé hier de l’attention la plus soutenue et ont trouvé ce que je leur disais beaucoup plus beau que la dernière fois, quoique à mon gré ce fût tout le contraire(2). Hier, nous avons fait un progrès; un de nos professeurs, qui logeait en ville, m’a demandé de venir coucher à la maison pour avoir part aux exercices de piété de tous les jours. J’ai vanté sa ferveur, afin d’en donner un peu à Beiling, qui continue à se lever sur la petite pointe de 6 h. 1/2.
J’ai écrit déjà à Mme de Puységur; elle part demain ou après-demain pour Paris. Elle ira vous voir. Je voudrais qu’un jour elle vous donnât sa petite fille. Si elle ne la garde pas auprès d’elle, j’espère bien qu’elle n’ira pas ailleurs. En attendant, elle pourra peut-être s’accommoder de la soeur de Beiling(3).
On me presse de finir, et pourtant je voudrais vous dire deux mots sur vos affaires d’argent. Je ne vois pas avec quoi vous payerez, le 9 décembre, le billet de 5 000 francs à M. Saulot(4). Vous faut-il de l’argent? Vous auriez 2 000 francs à moi. Peut-être pourriez-vous trouver les 3 000. Car, fin janvier, je vous en donnerai tant que vous voudrez, c’est-à-dire de 20 000 à 30 000 francs, en attendant la vente de la terre de mon père. Adieu, ma fille. Un mot d’éclaircissement sur cette dernière question.
N’oubliez pas l’harmonium, le cachet ou plutôt les cachets. Vous ai-je priée de faire parvenir, pour moi, à M. Allies, Launton, Bixerter Oxon: 1° La Vie de M. Olier, en 4 volumes; 2° La Vie de saint Dominique; 3° La Vie de saint François d’Assise; 4° La Vie de sainte Catherine de Sienne, si elle a paru?
Adieu, ma chère enfant. Mille fois tout vôtre en Notre-Seigneur. Vous ne me parlez plus de Soeur Marie-Gonzague.
2. Cette réunion du 9 novembre n'est pas signalée dans les procès-verbaux.
3. Cette demoiselle Beiling épousa plus tard d'Everlange, frère de la Soeur Marie-Emmanuel, et mourut du choléra en 1853.