- DR13_392
- 7033
- DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 392
- Orig.ms. ACR, AN 226; D'A., T.D. 39, n. 15, pp. 160-161.
- 2 LAMBERT, TRISTAN
- AU VICOMTE DE CHAULNES
- CHAULNES Vicomte
- Nîmes, 4 sept[embre] 1880.
- 4 sep 1880
- Nîmes
Mon bien cher ami,
Je vous remercie de la communication que vous me faites. Il faut distinguer entre les devoirs des religieux en face d’une indication positive du Saint-Père et d’un désir de sa part que les religieux signent, et le devoir des autres catholiques. Deux cardinaux mettant leur signature au bas d’une pièce où ils déclarent que tel est le désir de la plus haute autorité, on peut se débattre, mais il faut finir par obéir. La pièce était tellement venue de Rome que le coadjuteur de Paris(1) en gémissant a avoué qu’il avait fallu en enlever certains italianismes. Il la trouvait très dure, mais répétait: « Que voulez-vous? C’est le Pape qui le demande », et il a accordé qu’on pût dire que la pièce venait de Rome.
Que Freycinet l’ait connue avant la publication, c’est très certain, d’après la lettre des cardinaux que j’ai lue. Le coup était monté depuis six semaines. Lavigerie y avait échoué, (entre nous, grâce au P. Picard, car avant qu’il ne parlât, presque tout le monde, il y a six semaines, penchait pour la signature). Si Bonnechose seul eût signé, j’eusse été peu ému. Je sais ce que je dois penser de ce cardinal, qui accepta le secret du gouvernement français(2) au dernier Conclave; mais le cardinal Guibert, si raide jusqu’à ce moment-là!
Du reste, devant le désir exprès du Pape, il n’y avait qu’à obéir. Si nous sommes les régiments d’une armée dont le chef est le Pape, les colonels, quand le chef parle, n’ont qu’à exécuter la manoeuvre. Mais pour les laïques, c’est différent. Par un heureux hasard, Chesnelong, Baragnon, Belcastel, Tristan Lambert étaient à Biarritz, quand Bocher arriva avec une lettre de Bonnechose lui découvrant le pot aux roses et le priant de le faire valoir. Bocher a répondu avec de l’encre. A Montauban Baragnon, sans parler de la déclaration qu’il connaissait pourtant, l’a réfutée de la façon la plus triomphante à propos du discours Freycinet prononcé quelques jours auparavant. Chesnelong et Belcastel sont dans un état d’exaspération très grand. Baragnon, qui vint me demander à déjeuner mardi, m’avait promis une note pour le Pape; il a préféré la mettre dans Paris-Journal. Cela me prouve qu’il est revenu sur l’idée que, pour longtemps, les catholiques avaient bras et jambes coupés par la déclaration. Les religieux doivent se taire; les catholiques, selon moi, doivent au contraire parler pour examiner l’affaire in se.
Adieu, cher ami. Vous voyez que j’ajoute aux détails que vous me donnez. Si vous savez quelque autre chose, mandez-le moi. Bien tendrement vôtre en N.-S.
E. D'ALZON2. L'exclusive (v. *Lettre* 6231).