DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 61

17 mar 1879 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Une bonne pensée non praticable – Je ne suis nullement pressé pour le développement de ma congrégation – Suivre la volonté de Dieu – Plus un sou vaillant – Les Chartreux.

Informations générales
  • DR13_061
  • 6634
  • DERAEDT, Lettres, vol.13 , p. 61
  • Orig.ms. ACR, AD 1784; D'A., T.D. 24, n. 1328, p. 93-94-
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ALUMNATS
    1 ERECTION DE MAISON
    1 PROVIDENCE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 VOEU DE PAUVRETE
    2 ABRAHAM
    2 BALP, JEAN-FULCRAN
    2 BOUSSINET, ROCH-MARIE
    2 BRUN, HENRI
    2 BRUNIAUX, ANSELME
    2 CABRIERES, ANATOLE DE
    2 DEFRANCE, THEODORE
    2 DUMAZER, ALEXIS
    2 GUERANGER, PROSPER
    2 VAULCHIER, LOUIS-JOSEPH DE
    2 VIGOUREL, CHARLES
    3 ALES
    3 MIDI
    3 MONTPELLIER
    3 SOLESMES
    3 VALBONNE
    3 VIGAN, LE
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 17 mars [18]79.
  • 17 mar 1879
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Je vous remercie mille fois de votre bonne pensée, seulement elle n’est pas praticable. Les missionnaires sont une oeuvre qui, M. Vigourel mort, prendra un bon développement sous M. Balp. L’union de ces Messieurs avec les Soeurs garde-malades nous mettrait dans une situation impossible de dépendance que je n’accepterai jamais. Leur maison est dix fois trop étroite pour un alumnat, et si le P. Alexis allait à Montpellier, l’alumnat tomberait par cela même qu’il devrait s’occuper d’autre chose(1). Pour un noviciat, ce serait différent, mais je vous avoue (ce qui est bien contraire à mon caractère) que je ne suis nullement pressé pour le développement de ma Congrégation.

Figurez-vous que je me compare à Abraham, qui n’eut qu’un fils, lequel n’en eut que deux, dont un fut écarté, et pourtant il a été le père du peuple de Dieu. Tant que Dom Guéranger(2) a vécu, il n’y avait presque pas de novices à Solesmes. Depuis qu’il est mort, il s’est présenté près de 80 sujets, et les dettes de près d’un million sont presque entièrement payées. Ma plus grande application est de suivre la volonté de Dieu, qui s’est manifestée peu à peu d’une manière si prodigieuse à sa façon. Nos alumnats du Midi nous coûtent 30.000 francs par an, et nous les trouvons au jour le jour. C’est pour moi un miracle perpétuel, qui nous fait pratiquer la pauvreté en nous forçant à sacrifier une foule de fantaisies à la nécessité d’amasser sou à sou pour ces chers enfants.

Voilà six semaines que je n’ai plus à moi un sou vaillant dans ma bourse. Si je veux aller faire une course, je demande comme un simple écolier le prix du wagon. Avec cela Dieu épure admirablement notre petite famille. Nous avons d’admirables religieux, et un pareil noyau doit donner des résultats féconds plus tard. Nous aurons dans six mois le noviciat du Midi. Si je pouvais le mettre à Montpellier, je ne dirais pas non; mais autrement, je verrais de graves inconvénients à succéder aux missionnaires diocésains.

J’étais l’ami intime du général des Chartreux qui vient de mourir, nous étions liés depuis 1833. Quant à Dom Anselme, je ne le connais en aucune façon; mais si, comme c’est probable, le P. de Vaulchier passe de Rome, où il est prieur, à Valbonne, je pourrai lui communiquer votre idée. Mais si vous saviez combien les vocations de Chartreux ou Trappistes sont, pour les neuf dixièmes, différentes des nôtres(3)!

Bien vôtre, ma chère fille, en Notre-Seigneur.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Le P. d'A. répond à Mère M.-Eugénie qui a écrit le 15 mars: "Est-ce que l'évêque de Montpellier ne peut pas profiter de la situation pour faire entrer votre Assomption dans l'établissement des Missionnaires? Le personnel se réduit presque à rien [...] et dussiez-vous laisser le Vigan inhabité, vous pourriez mettre à Montpellier le P. Alexis et ses jeunes gens, et porter à Alais le P. Brun et ses enfants. Si vous avez pensé que pour nous, Montpellier fût une position à prendre, combien plus pour vous..."
2. L'abbé de Solesmes, Dom Guéranger (1825-1875), était décédé le 30 janvier 1875.
3. Dom Anselme Bruniaux succède à Dom Roch-Marie Boussinet, ancien compagnon de séminaire du P. d'Alzon à Montpellier. Le P. de Vaulchier passera en effet de Rome à Valbonne. Quant à Mère M.-Eugénie, préoccupée du recrutement de la congrégation des hommes, elle avait écrit au P. d'Alzon: "Sans cesse il entre chez les Chartreux des jeunes gens de bonne famille qui ne peuvent pas se faire à cette vie [...]. Si le P. Général pouvait désigner votre congrégation à quelques-uns de ceux qui les quittent avant la profession, je crois que vous pourriez y trouver de bons sujets. Vous avez l'Office du choeur et la vie de prière jointe aux oeuvres, ne serait-ce pas un motif?" (15 mars). - Au début de l'année suivante, la Chartreuse offrira au P. d'Alzon une excellente vocation, le P. Théodore Defrance (v. *Lettre* 6877).