DERAEDT, Lettres, vol.11 , p. 387

Bien cher ami,

Les détails que vous me donnez sur la situation de la Bulgarie sont du plus haut intérêt(1). Je vous conjure de me les continuer. Ici nous marchons au galop vers la persécution religieuse. Où s’arrêtera-t-on? Dieu le sait. Le Chapitre général se tiendra vers le 8 ou 10 septembre; vous pouvez y venir quand vous voudrez.

Le P. Picard vous a-t-il écrit qu’à la Propagande on a la plus grande confiance en vous(2)? Par conséquent, le meilleur est d’attendre qu’on vous consulte et de vous tenir en dehors. Faisons notre oeuvre à nous et ne nous occupons du reste que par obéissance(3).

Amenez avec vous les jeunes novices dont vous me parlez, je présume que parmi elles se trouve Mlle Badetti(4). Les deux Grecques qui sont ici sont d’une santé bien faible, et l’on craint que le climat de Bulgarie ne les tue bientôt. Enfin, nous verrons au moment voulu. Nous allons faire ordonner diacres quatre de nos religieux. Voilà une pépinière, dont quelques-uns voudront aller en Mission.

Adieu, et tout à vous en N.-S.

E.D'ALZON.

1. Dans ses lettres du 13 et du 20 mai, le P. Galabert a décrit la situation créée en Bulgarie par le déclenchement d'une insurrection dans les environs de Philippopoli et par sa répression par les bachi-bouzouks. Le 27, il la dit étouffée. Il voit dans ce mouvement la main de la Russie.
2. S'il l'a fait, la lettre est perdue, mais en rentrant de Rome, où il a conduit le pèlerinage de N.D.S., le P. Picard est passé à Nîmes et il a pu dire au P. d'Alzon l'estime dont le P. Galabert jouit à la Propagande.
Cette estime n'a d'ailleurs pas empêché cette dernière de lui enlever la pension qui lui était servie comme théologien de Mgr Popov. En communiquant cette nouvelle au P. Galabert, le délégué apostolique de Constantinople lui dit qu'il a attiré l'attention de la Propagande sur l'importance des services qu'il rendait en ce moment et qu'il l'a priée de continuer la pension. "Cela me prouve une fois de plus, commente le P. Galabert, combien la Propagande connaît le véritable état de choses. Car si jamais j'ai gagné les cent francs par mois que l'on me passait, c'est bien dans ces derniers temps. Cette mesure, conclut-il, aura l'avantage de faciliter le voyage en Europe à l'époque de notre chapitre."
3. "Je vais me tenir sur une grande réserve, et au lieu d'offrir mes services, j'attendrai désormais qu'on me les demande; me montrant toujours prêt à me rendre utile aux autres, je m'abstiendrai de tout ce qui aurait un caractère un peu officiel", avait écrit le P. Galabert (27 mai). Le P. d'Alzon abonde dans son sens.
4. Les deux jeunes novices sont les Soeurs Eugénie et Joséphine, toutes deux venues de l'orthodoxie. Mlle Badetti (Sr Marie-Euphrasie) n'est encore que postulante (Galabert, 22 juin).