DERAEDT, Lettres, vol.9 , p. 337

Ma chère fille,

J’avais pensé que les vacances de Pâques finissaient à Saint-Dizier comme partout, mais puisqu’elles se prolongent indéfiniment, à mon immense regret, je cède à une bronchite qui m’obsède et je vais vite demander au soleil de notre Midi de la guérir. Ce m’est un gros chagrin de ne pas vous voir. Tirez les oreilles au petit O’Neill(2), qui m’a révélé le retard du retour des professeurs de votre petit séminaire, et demandez à Dieu que je ne sois pas assez pris à la gorge pour être forcé de m’arrêter en route.

Bien vôtre, ma fille, avec mille tendres regrets.

E. D'ALZON.

1. A la date du 14 avril dans sa *Chronologie du P. V. de P. Bailly*, le P. A. PEPIN écrit : "Le P. Bailly prend part à un déjeuner auquel le P. d'Alzon a invité l'abbé Combalot, MM. Veuillot, du Lac et Charette". Nous n'avons pas réussi à trouver la source de cette affirmation et nous nous demandons même s'il n'y a pas eu contamination avec un autre déjeuner, celui du 13 mars (v. *Lettre* 4562, n.3). Mais si vraiment ce déjeuner eut lieu, quand Veuillot rencontra le P. d'Alzon, il avait peut-être déjà pris connaissance des paroles, dures à entendre pour lui et ses amis, prononcées la veille par le pape au cours d'une audience (le P. Vailhé pour sa part pense que Veuillot était au courant dès le soir du 13 avril : *Vie*, II, p.490). "Il est un parti, avait dit Pie IX, qui redoute trop l'influence du Pape. Ce parti doit pourtant reconnaître que sans l'humilité il n'y a pas de parti juste. Il y a un autre parti, opposé, lequel oublie *totalement* les lois de la charité, or, sans la charité on ne peut être véritablement catholique..." (traduction du texte publié le soir du 13 avril par la *Voce della Verita* : E.VEUILLOT, *Louis Veuillot*, IV, p.326). Libéraux et ultramontains étaient renvoyés dos à dos, mais c'était la première fois que le pape tançait si durement ses défenseurs... Le biographe de Mgr Dupanloup écrit (mais il ne retient que ce qui concerne les adversaires des catholiques libéraux) : "Le Pape, enfin, imposa silence à ces clameurs en rappelant à la charité chrétienne ceux qui l'oubliaient si tristement. Je rappelle, leur disait par voie d'allusion le Saint-Père, que sans la charité on n'est pas catholique" (LAGRANGE, *Dupanloup*, III, pp.252-253).
2. Charley O'Neill, neveu de Sr Thérèse-Emmanuel. Il était élève au collège de Saint-Dizier, après l'avoir été au collège de l'Assomption à Nîmes.