DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 157

28 jan 1870 Rome MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

La poste – Presque rien n’est à attendre sur les réguliers – L’infaillibilité sera-t-elle traitée sur le fond? – L’Espagne – Mon évêque – Philosophie – Maladie de l’évêque de Tarbes et mort du colonel d’Argy.

Informations générales
  • DR08_157
  • 3861
  • DERAEDT, Lettres, vol.8 , p. 157
  • Orig.ms. ACR, AD 1541; D'A., T.D.24, n.1048, pp.89-90.
Informations détaillées
  • 1 ARMEE PONTIFICALE
    1 CHANOINES
    1 CLERGE REGULIER
    1 CRUCIFIX
    1 DIPLOMATIE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
    1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
    1 EXTREME ONCTION
    1 FRANCAIS
    1 GALLICANISME
    1 ILLUSIONS
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INTEMPERIES
    1 LIVRES
    1 MALADES
    1 MEDECIN
    1 MORT
    1 NOVICE
    1 PAQUES
    1 POLITIQUE
    1 PRESSE
    1 PRIEURE DE NIMES
    1 REFORME DU CLERGE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 REVOLUTION
    1 SANTE
    1 SYMPTOMES
    1 VISITE DES MALADES
    2 ARGY, CHARLES D'
    2 BRYAN Y LIVERMORE, TOMAS
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 ISABELLE II
    2 MARET, HENRI
    2 MASCAROU-LAURENCE, BERTRAND
    2 PIE IX
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 SAN SEVERINO, GAETANO
    2 VEUILLOT, LOUIS
    3 AVILA
    3 CARTHAGENE
    3 ESPAGNE
    3 FRANCE
    3 MALAGA
    3 NAPLES
    3 NIMES
    3 ORLEANS
    3 ROME
    3 SURA
    3 TARBES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Rome, 28 janvier [18]70.
  • 28 jan 1870
  • Rome
La lettre

Votre lettre m’est arrivée hier, ma chère fille, et je vous assure que je ne sais plus comment faire avec une poste, dont les inexactitudes sont phénoménales. J’ai peu de renseignements sur la question des réguliers, mais tout ce que j’en sais, c’est que pour le moment peu de choses sont prêtes, et que sur cette matière on ne fera rien ou presque rien. Ce que l’on pourra donner en matière de décret sera absolument insignifiant.

Il ne faut pas se faire illusion, Rome est tout étonnée de la manière dont les choses se passent. J’écrivais hier que les gallicans avaient présenté leur postulatum. Eh bien, à l’instant on m’affirme qu’on ne l’a pas encore présenté, et l’on a des raisons de supposer que l’on n’ira pas plus avant. Pour moi, je crois qu’on y ira. Mais voici ce qui est plus fort. Hier on m’affirmait que l’on ne permettrait pas de traiter la question de fond à propos de l’infaillibilité. Aujourd’ hui l’on m’assure que l’on ne traitera que celle-là. Où est le vrai? Moi, j’avais trouvé que poser la question d’opportunité était absurde, mais on m’avait tellement assuré que le Pape le voulait ainsi que je m’étais incliné. Au fond, on veut traîner en longueur, afin de laisser épuiser tout le venin. Mais je crois que dans un mois les choses seront bien avancées. Le mois de février sera gros de bien étonnantes choses.

Que vous dire de l’Espagne? Je présume que tout est possible(1), mais je sais bien que, d’ici à quelques mois, un attaché à l’ambassade de France compte acheter une maison à Avila, tant il est peu effrayé de la situation. Après tout, c’est un Français, un homme et un laïc. Mgr Brijan(2) m’a toujours peint l’Espagne sous les couleurs les plus sombres.

Mon évêque m’a donné les plus graves inquiétudes. Hier ne s’était-il pas avisé de sortir avec une faiblesse telle qu’il perd la mémoire, et avec une gelée très peu agréable? Avec cela le médecin est peu rassuré. A la garde de Dieu!

Je me demande quelquefois si vous ne feriez pas bien de faire un peu de philosophie à vos plus intelligentes novices. Ce serait quelque chose de contradictoire à l’enseignement universitaire. On donne comme excellente une Philosophie abrégée de San-Severino(3), un chanoine napolitain qui était un saint, et qui a renouvelé le clergé de Naples et même la jeunesse de cette ville. Je lis en ce moment sa grande Philosophie qui est très belle, mais qui a neuf volumes. Quand je les aurai finis, je vous en donnerai mon avis.

L’évêque d’Orléans et l’évêque de Sura sont venus porter leurs cartes à Mgr de Nîmes, quand ils ont su qu’il avait été malade. La visite du Pape lui a causé une grande émotion. Nous avons encore un évêque très dangereusement malade, celui de Tarbes; il a été administré. Les journaux vous ont appris la mort de M. d’Argy, le colonel de la légion(4). Un quart d’heure avant de mourir, il a baisé le portrait du Pape et béni tous les officiers présents avec son crucifix.

Encore une fois, nous espérons être libres pour Pâques. Notez que je vous écris le 28, pour voir quel temps mettra ma lettre à vous arriver. Avec le prieuré de Nîmes j’étais en retard sans m’en douter.

Adieu, ma chère fille. Mille fois à vous.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
Nous avons un temps glacial.1. En septembre 1868, Isabelle II a été renversée par une révolution. Sa succession se fera-t-elle pacifiquement? C'est la question que se pose Mère M.-Eugénie qui craint pour les soeurs de Malaga.
2. L'édition a lu erronément *Brijan*. - Mgr Tomas Bryan y Livermore (+1902), prélat espagnol d'origine irlandaise, que le P. d'Alzon semble bien connaître, était professeur au séminaire de Malaga. C'était un ami des Religieuses de l'Assomption. Il deviendra évêque de Carthagène en 1885. Il se fit surtout remarquer par sa lutte contre les erreurs modernes (S. Ruiz dans DHGE). - Note ajoutée en novembre 2000 sur les indications de J.P. Périer-Muzet.
3. Gaetano San Severino (1811-1865), philosophe néo-scolastique, fondateur de la revue *Scienza e fide* et auteur d'une *Philosophia christiana cum antiqua et nova comparata* dont 5 volumes parurent en 1862 et le 6e après sa mort.
4. Sur la légion romaine: *Lettre* 3244, n.2. Le colonel Charles d'Argy était son commandant. Veuillot consacra deux articles à sa mémoire dans l'*Univers* (*Rome pendant le concile*, I, p.151 et 166).