DERAEDT, Lettres, vol.7 , p. 1

Mon bien cher ami,

Bonne et excellente année! Je n’ai pas de lettre de vous depuis quinze jours, mais je veux commencer l’an de grâce 1868 avec vous. Je ne crois pas avoir le temps d’écrire au P. Alexandre; chargez-vous de mes voeux pour lui, ainsi que pour M. de Courtois. Il m’est impossible de vous donner des Soeurs avant la fin d’avril(1). J’en suis désolé, mais je préfère attendre et vous en envoyer d’assez instruites. Les trois que vous aurez sont excellentes; quant à la quatrième, nous verrons.

Le P. Vincent de Paul est à Rome, où il prend une excellente position. Je ne serais pas fâché de l’y voir s’y établir, au moins tant que nous y aurons des zouaves; il peut y trouver de bonnes vocations. Les journaux sont pleins des projets de la Russie sur les provinces danubiennes. Qu’en dit-on chez les Bulgares(2)?

Adieu, bien cher ami. On vous aime énormément et on vous souhaite d’être un saint.

E.D'ALZON.

Père Barthélemy, en homme d'esprit, en demandant son passage gratuit, n'avait pas donné son nom de famille. On réparera cela demain ou après-demain.1. Le P. Galabert est impatient de voir les Oblates prendre en main le pensionnat que la communauté catholique d'Andrinople le presse d'ouvrir. "Je vous prie de faire partir les religieuses au plus tard le samedi avant le bon Pasteur... nos Oblates en sauront toujours plus que les personnes les plus instruites du pays... que la supérieure soit d'un certain âge pour inspirer une plus grande confiance, c'est l'essentiel. Quant à l'instruction elles se formeront en enseignant." (au P. d'Alzon, le 19 décembre). Le 5 janvier, Mgr Brunoni approuvera le nouvel établissement "à condition toutefois que vous pensiez à bien assurer l'avenir des Soeurs". Il ajoutera: "Je prie Dieu de répandre ses abondantes bénédictions sur cette oeuvre destinée à sa plus grande gloire et au salut des âmes."
2. Voici ce que, le 16 janvier, répondit le P. Galabert: "Les Bulgares ne se doutent pas encore qu'ils doivent se soulever le printemps prochain, quoique la Russie envoie des espions et émissaires secrets dans les moindres villages pour préparer les esprits à la révolte. Le gouvernement turc y met aussi par trop de complaisance. Il a autorisé une mission soi-disant scientifique russe de dresser la carte géographique des Balkans et d'en étudier la géologie et la botanique. Or cette mission se compose d'un général russe et de quatre officiers d'état-major qui s'occupent de la levée des plans et cherchent à faire des partisans à la Russie. Néanmoins malgré ces suppositions, il n'y aura pas d'insurrection bulgare et les Bulgares seront les premiers à prêter main forte aux autorités locales..."