DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 171

19 nov 1866 Nîmes MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse

Il y a un maître au-dessus de M. Véron. – C’est un coup contre les amis de Rome. – On veut vous déshonorer et vous forcer à quitter Paris. – Quelques Soeurs devront rester à Auteuil. – Soeur Thérèse-Emmanuel devra exiger une ordonnance. – Que les Soeurs compromises sachent qu’elles n’ont été qu’un prétexte. – Venez ici quelques jours. – Ne pas agir *ab irato*.

Informations générales
  • DR06_171
  • 2911
  • DERAEDT, Lettres, vol.6 , p. 171
  • Orig.ms. ACR, AD 1428; D'A., T.D. 23, n. 905, pp. 234-235.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPREUVES
    1 GOUVERNEMENT
    1 HUMILITE
    1 INJURES
    1 POLEMIQUE
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SOUVERAIN PROFANE
    1 SUPERIEUR ECCLESIASTIQUE
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 DARBOY, GEORGES
    2 EUGENIE, IMPERATRICE
    2 LAGARDE, ERNEST-JOSEPH
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PICARD, FRANCOIS
    2 VERON, PAUL
    3 AUTEUIL
    3 FLORENCE
    3 ITALIE
    3 LYON
    3 NIMES
    3 PARIS
    3 POITIERS
    3 ROME
    3 VERSAILLES
  • A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
  • MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
  • Nîmes, 19 nov[embre 18]66.
  • 19 nov 1866
  • Nîmes
La lettre

Ma chère fille,

Dans la lettre de M. V[éron] je ne vois que des injures, et les plus grosses injures ne sont pas des raisons(1). M. V[éron] est le maître, parce qu’il est le maître; mais enfin il y a un maître au-dessus de lui. Je vois avec bonheur que le P. V[incent] de P[aul] est parti(2). J’avais peur que vous ne crussiez devoir le retenir. Je comprends que vous eussiez désiré un télégramme immédiat, mais je vous avoue que quelques heures m’ont paru nécessaires(3). C’est un coup contre Poitiers, contre Nîmes, contre tout. Evidemment on voulait en finir avec vous ou vous aplatir entièrement. Je trouve préférable que vous ne vous soyez pas laissée aplatir.

Nous touchons à des temps très graves. Personne n’aime Rome comme nous. Il est tout naturel que nous soyons les premiers persécutés. Le tour des autres viendra, mais nous aurons devant Dieu le mérite d’avoir ouvert la marche. Ecrire à M. Lag[arde](4) ou à qui que ce soit est parfaitement inutile. Virginie est là tout entier. On veut se venger, on veut vous déshonorer. Voilà la seule condition de vivre pour vous à Paris, tant que l’administration présente subsistera. Des prudents croiront peut-être que c’est trop tôt commencer la guerre, en attendant qu’ils viennent dire: Il est trop tard. Ma conviction est que puisque vous avez cru devoir aller à Rome, un peu trop tôt selon moi, il faut en accepter les conséquences et lutter avec un avantage évident. Votre position est magnifique, quoique douloureuse. On veut vous forcer à quitter Paris. Il sera indispensable que quelques Soeurs restent à Auteuil, parce que si Rome vous donne raison, il sera absolument nécessaire que la maison d’Auteuil ait continué à subsister.

Il faut aussi que Soeur Thérèse-Emmanuel demande une ordonnance signée ou devant témoins fasse constater le refus de l’ordonnance. Ne pourriez-vous pas faire demander une audience à l’impératrice? Vous avez assez d’amis du gouvernement parmi vos amis à vous pour l’obtenir. Il me semble important que les Soeurs compromises sachent qu’on ne leur en veut [pas], qu’elles n’ont été qu’un prétexte et que les coups passent à présent par-dessus leurs têtes.

Lenoir comprendra peut-être un jour les bénédictions que lui doivent les députés de Florence pour faire à Paris ce qu’eux font en Italie en détruisant les couvents. Enfin, si vous n’êtes pas indispensable à Paris pour transporter votre pensionnat à Versailles, venez à Nîmes, et, croyez-moi, prenez votre temps. Venez ici quelques jours(5). Il ne faut pas agir ab irato, la lutte est très grave et il faut avoir dix fois raison à Rome.

Je n’ai pas le temps de me relire.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. "...nous sommes fatigués de votre esprit d'intrigue et des sentiments tout humains qui vous dirigent [...]. Vous avez été suffisamment prévenue de nos intentions, vous n'en avez tenu aucun compte..." (17 novembre).
2. Le P. Bailly, arrivé à Lyon le 18 novembre au soir tombant, a tenu conférence [avec Mère M.-Eugénie et le P. Picard] jusque tard dans la nuit, et a quitté Lyon pour Rome le 19 de très bon matin (lettre aux religieux de Nîmes du 23 novembre). Il a donc pu être tenu au courant de la menace d'interdit lancée par Véron.
3. "Je voulais réfléchir et prier" (*Lettre* 2910).
4. Mère M.-Eugénie l'a fait le 18 novembre.
5. Mère M.-Eugénie préféra regagner Auteuil au plus tôt.