- DR05_433
- 2673
- DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 433
- Orig.ms. ACR, AP 1; D'A., T.D. 40, pp. 107-108.
- 1 ANTIPATHIES
1 BONTE
1 CATHOLIQUE
1 CAUSE DE L'EGLISE
1 CHOIX
1 COLERE
1 COMPORTEMENT
1 CONTRAINTE
1 CRITIQUES
1 DROITS DE DIEU
1 ELECTION
1 MONARCHIE
1 OPINION PUBLIQUE
1 PENSEE
1 POLITIQUE
1 POPULATION
1 PUBLICATIONS
1 RECONNAISSANCE
1 REPUBLICAINS
1 ROYALISTES
1 SEVERITE
1 TOMBEAU
2 BECHARD, FERDINAND
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 FRESNE, MARCELLIN DE
2 LARCY, ROGER DE
2 PERIER-MUZET, JEAN-PAUL
2 REBOUL, JEAN
2 SEGUIN, AINE
3 AVIGNON
3 NIMES - A MONSIEUR POUJOULAT
- POUJOULAT
- Nîmes, le 29 octobre 1865.
- 29 oct 1865
- Nîmes
- Evêché de Nîmes
Monsieur,
C’est avant-hier soir seulement qu’on m’a remis le volume des lettres de Reboul que vous avez bien voulu m’adresser(1). Je viens vous en offrir un demi remerciement, car j’avoue qu’après les choses aimables que vous avez bien voulu dire de moi dans l’Union, j’ai peine à comprendre que vous n’ayez pas cru devoir supprimer le jugement que Reboul porte sur moi dans l’intimité. Ce qu’il dit à M. de Fresne, Reboul me l’a souvent dit, et je l’ai entendu me manifester cette opinion dans le tête-à-tête sans aucune peine. Mais j’affirme que Reboul aurait considéré comme une insulte personnelle qu’on se fût permis de publier une appréciation qui ne devait pas sortir de l’intimité(2).
Que dirait M. de Fresne, car M. de Cabrières(3) m’assure que vous avez eu la main forcée par lui, si m’emparant de la dernière feuille écrite par Reboul, je publiais les jugements bien autrement sévères portés sur son compte, ses plaintes d’avoir été exploité? Mais je blâme trop le procédé dont il use à mon égard pour en employer un semblable, même lorsqu’il serait autorisé comme de justes représailles. On me propose de faire photographier cette page et de la lui envoyer. J’examinerai. Dans tous les cas, tous ceux qui ont entouré Reboul savent l’antipathie que lui avait inspirée M.de Fresne, dans les derniers temps de sa vie, et comment il faisait jeter ses lettres au feu sans vouloir les lire. Je n’abuserai point de pareils avantages, ce serait rapetisser Reboul et me rapetisser moi-même.
Une fois cela dit à l’adresse de M. de Fresne, permettez-moi d’ajouter, Monsieur, que je suis loin de me plaindre d’une excellente occasion qui m’est fournie par ce qu’on dit au public sur mon compte; en rapprochant cette lettre d’une autre où Reboul parle de la direction que l’on veut, à sa grande douleur, imprimer à la population, on me fait la partie belle, et il est possible que j’en profite pour dire toute ma pensée sur le mouvement qui vient de s’accomplir et qui, aux élections municipales, nous a donné un succès auquel MM. Béchard et de Larcy ont pris part, mais que Reboul eût déploré, comme le déplorent les partisans de l’abstention(4).
Oui, il est très vrai, la population catholique à Nîmes nous revient; elle lutte, parce qu’elle trouve des chefs; elle triomphe, parce qu’elle est à la fois intelligente et forte, et qu’elle finit par comprendre la différence qu’il y a entre les droits de Dieu et de l’Eglise et ceux d’une dynastie, quelque respectable qu’elle puisse être.
Je vous demande pardon, Monsieur, de ce que pourrait avoir de trop vif la forme de ma pensée et je vous prie de recevoir l’expression de ma reconnaissance pour vos anciens procédés pour moi. Je m’y reporte avec bonheur pour oublier celui dont vous avez cru devoir user sur la tombe d’un ami commun(5).
E.D'ALZON.2. Voici le texte de la seule lettre où le P. d'Alzon soit explicitement nommé:
Nîmes, 29 mai 1851,
"Vous me parlez de M. d'Alzon. C'est, mon cher ami, un bon et digne ecclésiastique, instruit, plein de distinction dans les manières, charitable jusqu'à la profusion, ardent dans l'apostolat; c'est un de ces esprits tels qu'en a enfantés *l'Univers*, et qui, comme ce journal, sacrifierait peut-être les garanties les plus nécessaires à la société pour conserver la liberté de l'Eglise. Je sais bien que nous ne guérirons que par le Christ; mais je sais aussi qu'il y a un ordre temporel qui ne peut se passer du *droit* et qu'il est et qu'il sera toujours peu catholique de professer l'indifférence pour un principe qui n'est, en définitive, que la copie du type religieux. Grâce au ciel, les enseignements n'ont pas manqué aux deux ordres; l'Etat a vu ce qu'il avait à gagner à la servitude de l'Eglise, et celle-ci aux carresses qu'elle a pu avoir faites à la révolution." (Lettre LX, o.c., p.144).
Le légitimiste qu'était Reboul n'avait pas apprécié l'Eglise bénissant les arbres de la liberté et faisant des professions de foi républicaine en 1848. "Catholique avant tout", le P. d'Alzon lui, n'avait jamais été un légitimiste inconditionnel. Bien qu'à conditions égales il réservât sa préférence au prince légitime, il était disposé à admettre tout régime qui préservât les droits de la religion et de l'Eglise. Telle était sa position et il ne s'en était jamais caché. Pourquoi donc a-t-il été tellement vexé de voir la chose imprimée ? Ce sont sans doute les "caresses faites à la révolution" qui fournissent l'explication. Qualifier sa position de "peu catholique" et l'assimiler à un flirt avec la révolution, cette révolution dont il dénonçait sans relâche l'oeuvre destructrice, c'était tout ce qu'il fallait pour le blesser profondément.
3. L'abbé de Cabrières avait donné en préface aux dernières poésies de Jean Reboul qu'il venait de publier une longue *Notice biographique* sur le poète (Seguin aîné, Avignon, 1865).
4. La liste d'opposition n'aurait pas connu un tel succès aux élections municipales des 22 et 23 juillet précédent si tous les légitimistes s'étaient abstenus. - MM. Béchard et de Larcy sont des hommes politiques légitimistes du Midi. - Sur l'abstention, voir les *Lettres* 2003, n.1 et 2108, n.2.
4. La réponse de M. Poujoulat est datée du 2 novembre. Retenons-en ces quelques lignes: "C'est par erreur que la lettre de Reboul dont vous vous plaignez a été insérée dans l'édition [...] Votre nom n'a pas été prononcé une seule fois entre M. de Fresne et moi [...] Aucune puissance humaine n'aurait pu me contraindre à un acte qui aurait pu vous être désagréable."