DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 287

22 apr 1865 Le Vigan REGIS Eulalie

Description de la maison destinée aux Oblates au Vigan. – Perspectives de recrutement. – Nous avons déjà deux institutrices. – Ne viendrez-vous pas visiter notre petit établissements? – Sa pensée sur l’oeuvre. – De pauvres filles bien décidées, de grandes demoiselles trop prudentes. – Priez pour les Cévennes, pour la Bulgarie et pour moi.

Informations générales
  • DR05_287
  • 2494
  • DERAEDT, Lettres, vol.5 , p. 287
  • Orig.ms. ACR, AM 283; D'A., T.D. 37, n. 35, pp. 261-264.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 ANGLAIS
    1 AUMONIER
    1 BOURGEOISIE
    1 CHAPELLE
    1 CONTRAT DE LOCATION
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CREANCES A PAYER
    1 CUISINIER
    1 D'ALZON FONDATEUR DES OBLATES
    1 DILIGENCE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 FOURRAGE
    1 FRANCHISE
    1 FRUITS
    1 HOPITAUX
    1 IMMEUBLES
    1 LEGUMES
    1 LOYERS
    1 MAGNANERIE
    1 MAITRESSES
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MOBILIER
    1 MOIS DE MARIE
    1 NOVICIAT DES ASSOMPTIONNISTES
    1 OBLATES
    1 ORAISON
    1 OUVRIER
    1 PARLOIR
    1 PLANTES
    1 PREDICATION
    1 PRES ET PRAIRIES
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PRUDENCE
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 REVENUS DE PROPRIETES
    1 SACRISTAIN
    1 SALUT DES AMES
    1 SATAN
    1 SCHISME
    1 SIMPLICITE
    1 SOEURS CONVERSES
    1 SUPERIEURE
    1 TIERS-ORDRE FEMININ
    1 TONNEAUX
    1 TRAVAIL
    1 VERS A SOIE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIN
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOYAGES
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    2 GROUSSET, JEAN-BAPTISTE
    2 JOURDAN, RAPHAEL
    2 MERIGNARGUES, ISABELLE DE
    2 MERIGNARGUES, MADAME DE
    2 SAUGRAIN, HIPPOLYTE
    2 VAILHE, SIMEON
    3 ALZON, GARD
    3 BULGARIE
    3 CEVENNES
    3 NIMES
    3 NIMES, HOTEL DU COMMERCE
    3 ROCHEBELLE, FAUBOURG DU VIGAN
    3 SAINT-AMBROIX
    3 VIGAN, LE
  • A MADEMOISELLE EULALIE DE REGIS
  • REGIS Eulalie
  • Le Vigan, le 22 avril 1865.
  • 22 apr 1865
  • Le Vigan
  • *Mademoiselle*
    *Mademoiselle Eulalie de Régis*
    *rue du Chapitre*
    *Nîmes*
La lettre

A mes chères filles, Soeur Marie-Eulalie, Soeur Marie des Anges et Marie Correnson(1).

Mes chères enfants,

L’homme avait proposé de commencer l’oeuvre des Oblates à Nîmes(2) et Dieu semble vouloir qu’elle se prépare au Vigan. La maison est à peu près louée. Ce sera fini probablement lundi ou mardi. C’est du côté opposé à celui que nous habitons. Une maison longtemps louée par les Anglais, quand les Anglais venaient au Vigan, sur une hauteur; une colline charmante, un point de vue ravissant, de l’eau, des fruits, des légumes, une prairie et des mûriers. Le tout de 12.000 à 15.000 francs, 12.000 francs probablement. Mais déjà on a vendu pour 1.000 francs de feuille. Il y a pour 300 francs de fourrage, quatre tonneaux de vin, ce qui fait que le loyer reviendrait, somme toute, à 400 ou 500 francs, tout au plus.

La personne, qui nous procure cette bonne affaire, est à chercher pourquoi on nous l’a faite si bonne et si avantageuse, et craint quelque dessous de cartes qu’elle cherche à découvrir. La maison a quatre étages. Au rez-de-chaussée: un vestibule, vaste cuisine avec dépendances, vaste salle à manger, caves et remises. Au premier, sur une terrasse, deux très belles pièces, d’un côté, une antichambre pouvant servir de parloir, une vaste chambre pouvant servir de chapelle, avec une petite pièce pour la sacristie, et un petit cabinet pour la supérieure et l’aumônier. Au second, des chambres très vastes, dont on ferait des dortoirs. Au troisième, des chambres et des greniers.

Nous pouvons entrer de suite. Nous ne payerions qu’à partir du 1er juillet, et on défalquerait pour les six premiers mois le prix de la feuille vendue et du fourrage. Nous garderions le vin, les légumes et les fruits. Le P. Hippolyte prétend que, d’ici à deux mois, il aurait au moins 20 filles. Dans ce cas, la maison serait trop étroite, mais nous aurions la ressource d’en faire filer quelques-unes sur Nîmes.

Notez que nous avons deux institutrices, qui vont vendre les bancs de leurs écoles, ramasser leurs petites créances et nous apporter quelques centaines de francs, plus leur mobilier et leur batterie de cuisine. Nous prétendons que cette oeuvre ne nous coûte pas un sou, sauf pour l’établissement de la chapelle, et ce sera peu de chose. De plus, je compte bien sur le bon vouloir de quelques dames du Vigan.

N’avez-vous pas envie de venir visiter notre petit établissement? Je serai ici, toute la semaine prochaine. En partant à 6 heures du matin, par le courrier ou la diligence du Commerce, vous êtes ici vers 1 ou 2 heures – sept ou huit heures de diligence -; puis, vous retournerez, après avoir vu par vous-mêmes. Un voyage à trois dans le coupé, mais c’est ravissant! Et vous venez mettre votre bénédiction dans les fondements de l’oeuvre.

Quant [à] l’oeuvre, voici la pensée: travail, pénitence, oraison. Travail pour vivre, pénitence pour expier les péchés des hérétiques et obtenir leur conversion, oraison pour adorer le Saint-Sacrement. De là des retraites, où les filles de nos montagnes viennent examiner si elles doivent se faire Soeurs converses ou aller en Bulgarie. La mission que le P. Raphaël et le P. Jean-Baptiste viennent de donner à Alzon a converti tous les hommes, moins quinze, ressuscité les Pénitents, révélé une vocation pour nous et sept à huit vocations de filles, sans parler de celles du Vigan et des environs. Si nous réussissons, nous louons une grande magnanerie et nous y établissons 200 lits, avec un fourneau économique, pour garder les ouvrières des filatures, comme l’on a fait à Saint-Ambroix. En attendant, le P. Hippolyte va leur prêcher (aux fileuses) trois fois par semaine le mois de Marie, à l’hôpital. Vous voyez bien l’urgence que vous veniez au Vigan pour surveiller tout cela, donner votre avis, plus votre bénédiction.

La conclusion est que de pauvres filles, quand il s’agit de se donner au bon Dieu, n’y mettent pas tant de façons, ne trouvent pas tant de si, de mais, de car, de pourtant, et que de grandes et saintes demoiselles tournent pendant des années autour du pot et n’y entrent jamais. Oh! simplicité et rondeur des pauvres filles! Oh! sagesse et prudence des grandes et belles demoiselles! Oh! don de soi! Oh! possession de soi!

Allons! Je vais remplir une page d’exclamations qui n’aboutiront à rien. Tant vaut que je m’arrête! Mais tous les détails que je viens de vous donner vous prouvent tout ce que l’on peut faire, quand les choses sont mûres. Maintenant, le diable mettra-t-il des bâtons dans les roues? C’est bien possible. Nous avions compté sur une maison qui nous a échappé. Qui sait si celle-ci n’échappera pas encore? Enfin, il vous faut beaucoup prier, pour que toute cette belle affaire ne s’en aille pas en eau de boudin.

Adieu, mes bien chères filles. Voyez ce que nous devons faire, pour ne pas nous laisser devancer au ciel par toutes ces petites montagnardes, qui ont l’habitude de gravir les côtes et les rudes sentiers de leurs rochers et qui vont vite, quand elles s’y mettent. Priez pour les Cévennes, pour la Bulgarie et pour moi.

E.D'ALZON.
Notes et post-scriptum
1. Soeur Marie-Eulalie est le nom de tertiaire d'Eulalie de Régis et Soeur Marie des Anges celui d'Isabelle de Mérignargues. Ces trois demoiselles sont comme "l'état-major" que le P. d'Alzon eût voulu constituer pour la bonne marche de son Institut (VAILHE, *Vie* II, p. 403). L'année suivante (13 juillet 1866), il écrira à Marie Correnson: "Souvenez-vous que c'est vous, avec Eulalie et Isabelle qui en êtes spécialement chargées. Et comme Isabelle a sa mère et Eulalie sa santé, c'est sur vous que cela retombe."
2. Où une maison avait été louée "entre les deux Assomptions" (*Lettre* 2453).