- DR03_061
- 1223
- DERAEDT, Lettres, vol. 3, p.61
- Orig.ms. ACR, AD 1184; D'A., T.D. 22, n. 562, pp. 214-216.
- 1 CONFIRMATION
1 CURES D'EAUX
1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 GUERRE
1 JARDINS
1 PAPE
1 PARESSE
1 PREDICATIONS DE CAREME
1 PRIERE POUR L'EGLISE
1 SANTE
1 VOCATION RELIGIEUSE
1 VOEUX DE RELIGION
2 BEVIER, MARIE-AUGUSTINE
2 BOLZE, MARIE DE L'ANNONCIATION
2 BOLZE, MARIE-GERTRUDE
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 CABRIERES, HUMBERT DE
2 CAVOUR, CAMILLO
2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
2 MORLOT, FRANCOIS-NICOLAS
2 NAPOLEON III
2 PICARD, FRANCOIS
2 PIE IX
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
2 PLEINDOUX, AUGUSTIN
2 PUYSEGUR, MARIE-THERESE DE
2 ROCHER, ADRIEN-MAURICE DE
2 ROCHER, THERESE-AUGUSTINE DE
2 THIERS, ADOLPHE
2 VARIN D'AINVELLE, JEANNE-EMMANUEL
2 VARIN D'AINVELLE, MADAME J.-B.-FELIX
3 ANGLETERRE
3 AUTEUIL
3 AUTRICHE
3 ETATS PONTIFICAUX
3 FRANCE
3 GRENOBLE
3 ITALIE
3 LAMALOU-LES-BAINS
3 LYON
3 NIMES
3 PARIS
3 PIEMONT
3 SARDAIGNE - A la Mère Marie-Eugénie de Jésus
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- [Lavagnac, le] 30 avril[18]59.
- 30 apr 1859
- Lavagnac
Ma chère fille,
Je ne puis vous dire sous quel poids immense de paresse je suis écrasé depuis quelques jours. Le bienheureux marin, qui souffle depuis longtemps déjà, m’a détendu les nerfs à un point que je ne puis exprimer, et quand je n’ai plus été soutenu par le besoin d’aller jusqu’au bout du carême, je me suis laissé aller à une absence d’action, de pensée et de paroles, dont je ne puis vous donner une idée.
J’étais un peu honteux d’être ainsi, mais je m’en suis consolé en pensant que peut-être j’en avais un peu trop fait pendant le carême. Il y a dix-huit ans que je me trouvai ainsi, puis cela passa(1).
Je vais prendre les eaux de Lamalou pendant une quinzaine de jours; après quoi je retournerai à Nîmes. La santé de M. de Cabrières m’inquiète, quoique M. Pleindoux(2) prétende qu’il n’y a chez lui que du nerveux. Ce nerveux n’est pas du tout rassurant, et il est bon que je sois là s’il est encore obligé à des ménagements.
Je ne suis pourtant tellement chrysalide que je ne passe un peu de temps devant le Saint-Sacrement, et je suis frappé de la nécessité de faire beaucoup prier pour l’Eglise dans l’état dangereux où se trouve[nt] le Pape et la France, car enfin nous ne pouvons nous dissimuler que la guerre qui commence ne soit très anti-chrétienne(3). Voilà le Pape déjà insulté le jour de Pâques. Où cela s’arrêtera-t-il? Aussi je vous engage à pousser vos filles à beaucoup prier Notre-Seigneur de ne pas nous traiter selon sa colère.
On m’assure que M. Thiers aurait dit: « J’ai dit à la tribune que si la proposition des questeurs était repoussée, l’empire était fait; j’ajoute aujourd’hui: si l’on a la guerre, l’empire est défait. » Mais si l’empire est défait, que fera-t-on après? Je vois autour de moi bien des gens ravis que l’empire se défasse, je serais bien aise de savoir par quoi on le remplacera.
Je viens d’engager Mme Varin à vous donner sa fille(4) au plus tôt, c’est à dire avant la fin de l’année. Je pense que vous aurez aussi Thérèse de Rocher(5), qui sera bien, je l’espère, une sainte petite religieuse. Son père donne son consentement. J’ai eu une longue conversation avec Mlle Correnson(6). Je ne doute pas qu’elle ne vous arrive. Du reste, Mgr de Nîmes y pousse.
Quand le cardinal(7) ira confirmer vos enfants, veuillez lui dire tout mon regret de ce que je n’ai pu aller à la profession de ma nièce(8). Je ne crois pas qu’il l’ait fait pour elle, mais je voudrais qu’il sût que je lui en suis tout de même reconnaissant.
Louise Bolze a dû quitter le prieuré lundi soir. Hélène l’a conjurée de ne rien dire de ses projets à sa mère(9). C’est une petite nigaude sur laquelle je ne compte guère, pour mon compte.
M. Humbert de Cabrières est revenu pour votre jardin, mais nous sommes convenus qu’avant de planter les piquets, il fallait faire donner un coup de charrue; ce qui sera bien plus économique que de faire travailler par des ouvriers. Quand l’été aura passé sur ce labour, on pourra planter les piquets et la terre sera mieux préparée. J’ai fait, du reste, préparer le devis que vous m’aviez demandé.
La guerre ne contrariera-t-elle pas la vente de Clichy? Vous savez que vous avez la charge de savoir s’il faut vendre en tout ou en partie. Je n’y reviens plus(10).
Adieu, ma chère fille. Tout vôtre du fond du coeur.
E.D'ALZON.2. Médecin de renom, à Nîmes, grand-père de Mlle Correnson, très attaché à sa petite-fille.
3. En vertu du traité franco-sarde d'alliance militaire contre l'Autriche (26 janvier 1859), malgré la volonté de Napoléon III de réunir les cinq grandes puissances en vue d'assurer la paix, et devant l'ultimatum imposé au Piémont par l'Autriche le 23 avril, de remettre son armée sur le pied de paix dans un délai de trois jours, la guerre devenait inévitable, lorsque Cavour refusa de désarmer. Le 27 avril, les troupes autrichiennes franchissent le Tessin et les troupes françaises de Lyon et de Grenoble reçoivent l'ordre de passer la frontière. Même si le traité franco-sarde prévoyait que la souveraineté du Pape serait maintenue, il ne faisait pas de doute que l'intention de Cavour était de réaliser l'unité de l'Italie au détriment des Etats pontificaux. Sa politique anticléricale, inaugurée par la loi de 1855 contre les congrégations religieuses, pouvait donner à penser le pire, quoi qu'il en fût des intentions de Napoléon III. Voir *Pages d'archives*, oct. 1960, *La participation du P. d'Alzon à la défense des Etats pontificaux (1859-1863)*.
4. Isaure Varin d'Ainvelle qui devint Religieuse de l'Assomption le 8 octobre 1859, sous le nom de Soeur Jeanne-Emmanuel.
5. Entrée à l'Assomption le 29 mai 1862 sous le nom de Soeur Thérèse- Augustine.
6. Marie Correnson (*Lettre* 1211, note 6).
7. Le cardinal Morlot, archevêque de Paris.
8. Alix de Puységur, Carmélite.
9. Soeur M.-Gertrude; Hélène, sa soeur.
10. Ecrivant d'Auteuil le 29 avril, le P. Picard parle du départ des troupes pour l'Italie, et d'une lettre autographe que Napoléon III aurait écrite au Pape: "Les bruits de guerre retentissent sans cesse à nos oreilles, les troupes partent avec une rapidité effrayante; en faisant des courses dans Paris hier, j'ai rencontré deux régiments qui se dirigeaient vers la gare de Lyon, ils étaient accompagnés par une grande foule de curieux, il n'y avait ni enthousiasme ni tristesse; les soldats paraissaient contents, il faut avouer qu'ils étaient plutôt *gais* (gris). On prétend que l'escadron de la garde parti avant-hier a été escorté depuis la caserne de l'Hôtel de ville jusqu'au chemin de fer par une troupe d'ouvriers, en blouse, qui ont entonné la *Marseillaise*, la troupe aurait fait écho, et se serait dirigée vers Lyon en oubliant la tristesse et s'animant par ce chant assez en rapport avec la cause qu'elle va soutenir. Mille bruits contradictoires se répandent sans cesse; hier matin les troupes autrichiennes avaient passé le Tessin et tué 300 hommes; hier soir, au contraire, la bourse montait sous prétexte que l'Autriche avait accepté la négociation de l'Angleterre; le seul fait certain, c'est que toutes les troupes en garnison à Paris auront bientôt disparu, on s'attend d'un moment à l'autre à voir partir l'Empereur, qui, dit-on, est radieux et paraît arrivé à ses fins. "On parlait beaucoup hier d'une lettre autographe qu'il aurait écrite au Pape, et dans laquelle il protestait de son attachement sincère et dévoué au Souverain Pontife, il ajouterait même que le gouvernement temporel du Pape ne saurait être mis en question, il ne le permettra jamais, et tant qu'il sera empereur il empêchera qu'on y porte la moindre atteinte. Faudra-t-il exposer sa vie et son trône? Sont-ce des bruits sans fondements? Je suis tenté de le croire, car s'ils sont vrais, pourquoi le *Moniteur* n'en dit-il rien? Ne serait-ce pas le seul moyen de rassurer un peu les catholiques sur les tendances et les suites de cette guerre?
"Vous trouverez que je suis un bavard de vous apporter tous ces bruits que vous connaissez sans doute, mais qui occupent tout le monde ici."
11. La transcription officielle des textes du P. d'Alzon ajoute le texte d'un feuillet séparé et égaré dans cette lettre, mais à joindre à la lettre du 13 juin 1858 (*Lettre* 1053).