- PM_XIV_467
- 0+599 a|DXCIX a
- Périer-Muzet, Lettres, Tome XIV, p. 467.
- Orig.ms. ACR, AD 614; D'A., T.D. 20, pp. 53-55.
- 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 DEVOTIONS
1 JESUS-CHRIST
1 MORTIFICATION CORPORELLE
1 NOEL
1 NOTRE-SEIGNEUR
1 PENITENCES
1 POLITIQUE
1 PURIFICATION
1 REFORME DU COEUR
1 UNION DES COEURS
1 VERTU D'OBEISSANCE
2 ETIENNE, SAINT
2 GERMER-DURAND, EUGENE
2 HERODE I LE GRAND
2 INNOCENTS, SAINTS
2 JEAN, SAINT
3 NIMES
3 SETE - A LA MERE MARIE-EUGENIE DE JESUS
- MILLERET Marie-Eugénie de Jésus Bhse
- Nîmes, le 21 décembre 1848.
- 21 dec 1848
- Nîmes
- Evêché de Nîmes
Ma chère fille,
Je reçois votre lettre du 18; j’en avais reçu déjà une de vous hier, à laquelle j’étais sur le point de répondre. Je vais faire d’une pierre trois coups, car je vais vous parler aussi d’un excellent homme, auquel je porte le plus vif intérêt, M. Durand, de Cette, un homme fort capable, fort intelligent, et d’une probité parfaite. Ce qu’il veut, il vous l’expliquera, et je lui ai promis de vous parler de lui. Réellement je serais heureux, si vous pouviez lui être de quelque utilité.
Ne vous préoccupez pas trop du journal, je ne m’en mêle plus depuis le 1er octobre, et depuis cette époque je n’en ai pas lu trois numéros. On le sait assez généralement dans Nîmes, de façon que ce qu’on a pu y dire ne retombe pas sur moi. Du reste, il va tomber, ou du moins, s’il continue, ce sera par d’autres appuis qu’il se soutiendra. Ce que vous dites de la nécessité de se retirer du terrain politique est parfaitement vrai, et je suis résolu d’en faire l’expérience, ou, pour mieux dire, de profiter de celle que j’ai pu faire depuis un an à cet égard. N’ayez aucun souci, je me suis fait depuis quelque temps, et notamment hier, le sermon que vous voulez bien m’écrire et pour lequel je vous suis très reconnaissant, car je n’aime jamais mieux mes amis que quand ils me rendent le service de me gronder avec raison.
Passons à votre rendement de compte : vous devez vivre de dépendance, de pénitence et d’amour. Vous avez raison, mais je mettrais seulement en première ligne ce que vous mettez en dernière, et vous aurez la bonté de prendre les choses ainsi. Il faut commencer par poser pour principe de votre vie nouvelle l’amour. Vous le demanderez au saint Enfant-Jésus, en lui demandant de venir en votre âme le jour de Noël. Vous le demanderez à saint Etienne, en même temps que la disposition de vous faire lapider plutôt que de manquer à l’esprit d’obéissance. Vous le demanderez à saint Jean, l’apôtre de l’amour, avec la permission de reposer comme lui sur la poitrine de Notre-Seigneur. Le jour des Innocents, vous ferez dans votre coeur un grand massacre de toutes vos idées propres, qui sont bien vos enfants les plus chers, mais qui ne valent certes pas tous les marmots qu’Hérode fit égorger. Enfin, le jour de la Circoncision, vous prendrez le couteau de cette pénitence si redoutée et vous commencerez à trancher dans le vif. Mais voici comment.
Je vous défends aucune pénitence corporelle nouvelle sans permission expresse, vous souvenant que je ne veux pas que vous puissiez toucher à votre corps, même pour le meurtrir, sans mon consentement formel. Mais en vous mettant dans cette disposition de dépendance en un pareil sujet, vous voudrez bien adorer Jésus-Christ, qui, d’une part, a pitié de votre faiblesse en me suggérant pour vous des pensées de ménagement, et vous songerez à vous mortifier d’une autre manière en vous mettant au-dessous de toutes vos Soeurs. Et, pour entrer dans cette disposition par un acte extérieur, vous voudrez bien vous faire fouler une fois par elles, en vous étendant une fois à leurs pieds, soit à la porte du choeur, soit à la porte du réfectoire. Vous ferez cette pénitence le 3 ou 4 janvier.
Vous aurez donc la bonté de vous considérer comme un néant, qui, chargée de faire avancer vos Soeurs, avez été par vos négligences un obstacle à leur perfection, et vous accepterez en esprit de pénitence toute peine, tout froissement, les prenant avec amour pour les déposer ces froissements et ces peines aux pieds du Sacré-Coeur. Vous comprenez que pour les lui offrir, il faut qu’ils soient acceptés de vous avec amour et bonne grâce.
Quant à l’empire que j’ai sur vous, sachez qu’à moins d’une déclaration formelle de votre part que vous le croyez dangereux à votre salut, je suis parfaitement résolu de vous y faire entrer, et la manière dont je vous parle vous le prouve déjà. Il ne dépend plus de vous de vous en relever. Ce serait, avec mes dispositions à votre égard et le bien que vous dites avoir reçu de moi dans le temps, un très grand malheur que vous pussiez songer à vous y soustraire. J’ai beaucoup prié pour vous ces jours-ci, et, avec tout le mal qu’ont pu me faire quelques-unes de vos lettres par trop désolées, je sens que Dieu veut faire de nos âmes quelque chose comme de deux hosties, qui, consacrées par la parole du prêtre, sont toujours deux hosties et ne sont qu’un Jésus-Christ. Envoyez-moi le rendement de compte détaillé dont vous me parlez; il sera assez bon que j’émonde ce qu’il faudra retrancher.
Adieu, ma fille. Tout vôtre. Je crois que Notre-Seigneur me donne la forte volonté et la grâce d’être votre père, mais aussi votre maître, en son lieu et place.