MEDITATIONS – Sage, ECRITS SPIRITUELS

Informations générales
  • ES-0365
  • MEDITATIONS
  • SEPTIEME MEDITATION LES TROIS DEGRES DU PECHE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 AME SUJET DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 APOSTASIE DU RELIGIEUX
    1 CHATIMENT
    1 CONGREGATION DES AUGUSTINS DE L'ASSOMPTION
    1 CONTRITION
    1 CONVERSATIONS
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CORRUPTION
    1 DECADENCE
    1 DEGOUTS
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 DESOBEISSANCE DE RELIGIEUX
    1 EFFORT
    1 ENFER
    1 ESPRIT FAUX
    1 FAIBLESSES
    1 FAUTE D'HABITUDE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FORMATION DES JEUNES PROFES
    1 GRACE
    1 HABITUDE DU PECHE VENIEL
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 INFIDELITE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 JEUNES RELIGIEUX
    1 JUGEMENT DERNIER
    1 LACHETE
    1 LEGERETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MEDISANCE
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MORT DE L'AME
    1 NOVICES ASSOMPTIONNISTES
    1 ORGUEIL
    1 PECHE
    1 PECHE MORTEL
    1 PECHES CONTRE LE PROCHAIN
    1 REFLEXION
    1 RELIGIEUX ANCIENS
    1 REVOLTE
    1 SCANDALE
    1 SERVICE DU ROYAUME
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOEUX DE RELIGION
    2 JAIRE
    2 LAZARE
    2 SAMSON, BIBLE
    3 NAIM
La lettre

[[Puella, tibi dico, surge! Enfant, je te le dis, lève-toi.]] (Matth. IX, 24).

Les interprètes ont tous établi que les trois résurrections des morts, indiquées dans l’Evangile, sont les trois degrés de la mort spirituelle à laquelle la grâce peut nous arracher. Ordinairement, ils nous montrent le premier degré du péché mortel dans la résurrection de la fille de Jaïre, le second degré dans celle du fils de la veuve de Naïm, le troisième dans celle de Lazare arraché au tombeau le quatrième jour de sa mort.

Je ne me propose pas de parler aujourd’hui du péché mortel. J’aime à croire que vous en êtes tous affranchis. Je ne suivrai même pas l’ordre communément adopté. Je préfère voir, dans ces trois résurrections, trois états divers du religieux réveillé pendant la retraite et sortant,non pas de divers degrés de mort, mais de maladie spirituelle, et c’est à cette étude si importante que je bornerai ce que j’ai à vous dire.

I. — Lazare

Affaissement de la vie surnaturelle chez des religieux anciens

Lazare, aimé de Jésus, sort après quatre jours du tombeau. Il était tombé malade, et ses soeurs envoient un messager à Jésus pour lui dire: [[ Domine, ecce quem amas infirmatur; Seigneur, voici que celui que vous aimez est malade. ]] (Joan. XI, 3). Jésus ne vient pas le visiter; au contraire, il s’éloigne.

Qu’est-ce donc à dire qu’une pareille manière d’agir? Elle est terrible, non pour Lazare, puisqu’elle fera éclater la puissance et l’amitié de Jésus pour lui, mais pour bien des âmes aimées de Jésus, et plus tard abandonnées par Lui à la plus déplorable décadence.

Qu’elle ait été aimée du Sauveur, cette âme aujourd’hui objet de ses dégoûts, cela est incontestable. Mais comment y est-elle arrivée? Comment, en avançant en âge et dans les jours de sa vie religieuse, est-elle ainsi tombée dans un affaissement qui n’est pas encore la mort, mais qui y ressemble beaucoup? Que sont ses efforts pour fuir le péché, pour pratiquer la règle, développer en elle les vertus de son état? Pourquoi a-t-elle revêtu le saint habit? Pourquoi a-t-elle fait des voeux? Demandez-le à ceux qui, n’en pouvant porter le joug, ont apostasié. A quelle profondeur de chute sont-ils arrivés? Dieu vous le dira, si vous l’interrogez. Ils sont tombés peu à peu, l’esprit de leur vocation s’est retiré d’eux, parce qu’ils ont été infidèles à la grâce, parce que les idées surnaturelles les ont abandonnés, parce que la multiplicité de leurs infidélités, en apparence légères, les a peu à peu entourés, comme mille petits liens qu’ils n’ont pas pu briser quand le moment de la tentation et du combat est arrivé.

Alors ils se sont trouvés sans force, comme Samson aux pieds de la fille des Philistins, par qui il s’était laissé séduire, et les chutes secrètes arrivent en attendant qu’arrivent les chutes publiques. Combien de temps peut durer un pareil état? Dieu seul le sait. Mais qu’il est dangereux! D’autant plus que le remords n’existe plus. On s’est fait une conscience cautérisée, selon l’expression de l’Apôtre, une conscience insensible et comme paralysée. Et c’est là où l’on peut sentir l’immense danger des idées fausses et faussées. Par où saisirez-vous cette âme? Elle n’est pas morte, je le reconnais, mais dans quelle affreuse léthargie n’est-elle pas plongée? Qui l’en réveillera? Et combien la difficulté n’augmente-t-elle pas à mesure que les jours s’écoulent! Triste destinée de l’âme appelée à une si haute perfection, et à qui le nombre des années passées dans la vie religieuse ne sert qu’à aggraver le poids de sa torpeur et à diminuer les chances de son salut! Or, ce lamentable spectacle, ne l’avons-nous pas sans cesse sous les yeux? Plus les bienfaits se multiplient, plus l’ingratitude augmente. Où ira-t-elle, avec de pareilles dispositions, cette âme qui devait faire tant pour la gloire de son Dieu, pour l’honneur de son Epoux céleste, pour l’accomplissement de l’invitation divine?

Quelle humiliation profonde ne doit pas nous inspirer un état pareil, si nous avons le malheur de nous reconnaître à une semblable peinture! Ah! que l’orgueil a peu de chance de se vanter, et que cette satisfaction de nous-mêmes qui nous cause de si secrètes joies a peu matière à s’exalter!

Soyons vrais: l’âme religieuse, arrivée à un état pareil, n’est pas morte; elle est en train de mourir; et comme son état dure depuis un certain temps, elle s’y est accoutumée, elle ne s’en inquiète plus, elle vit dans sa paralysie spirituelle. Elle n’éprouve aucun désir de demander la santé; elle ne souffre pas trop, elle n’a pas de grands remords, elle ne sait plus ce qu’est la ferveur, la détestation du péché; ses fautes, elle les traite à la légère; et ainsi s’écoulent les années qui la séparent du tombeau et de son jugement. Qui lui dira le moment où elle aura passé du péché véniel au péché mortel? Notez que le péché mortel, s’il arrive, ne sera pas aperçu, tant l’habitude du péché véniel l’a rendue insensible. Qui lui dira la différence entre une médisance plus ou moins légère et la médisance qui donne la mort à l’âme? Ainsi des autres péchés.

En êtes-vous là, vous qui depuis longtemps vous êtes, par les saints voeux, engagés au service de Notre Seigneur? Que ferez-vous, pendant cette retraite, pour vous affranchir d’un état pareil?

II. — Le fils de la veuve de Naïm

Affaissement de la vie surnaturelle chez de jeunes religieux

Le fils de la veuve de Naïm. — Pourquoi ce jeune homme est-il mort? Dieu seul le sait, mais tous les interprètes voient en lui la figure de l’âme qui vient de succomber à une faute très grave, bien que l’habitude du péché n’ait pas encore été contractée comme pour Lazare. Cet état ne serait-il pas celui d’un jeune religieux, ou d’un novice qui serait victime d’une récente prévarication? Son état est grave, mais il date de peu; surtout si le péché mortel n’a pas été consommé, il peut encore en revenir; mais pour un être amoindri, brisé, meurtri, combien c’est difficile! Il veut et ne veut pas; sa volonté s’en va comme par morceaux, et le moment est venu de le porter à la tombe.

Un pareil état n’est-il pas le vôtre, vous qui, depuis quelque temps, avez donné votre nom à la milice la plus parfaite de Jésus-Christ? Que voulez-vous de plus que l’avertissement que vous donne Notre-Seigneur pendant cette retraite: [[ Jeune homme, je vous le dis, levez-vous! ]] Voilà le commandement de celui qui est la vie divine; et cette vie se communiquant au cadavre, l’âme se rejoint au corps, et Jésus-Christ le rend à sa mère.

Cette histoire serait-elle la vôtre, jeunes religieux, novices d’abord pleins de ferveur et tout à coup tombés dans la plus déplorable apathie? Le joug de la règle vous blesse, la pensée d’obéir vous révolte, la pratique de la charité vous est odieuse. Que suis-je venu faire ici? vous demandez-vous sans cesse; et si vous n’êtes pas mort entièrement à la vie de la grâce, vous êtes ou vous semblez mort à la vie religieuse. Quelle est la cause d’un pareil état? Une tentation acceptée, une lâcheté commise, une faute survenue, l’abandon de l’âme aux souvenirs d’autrefois, je ne sais quels regrets de la liberté perdue; enfin la vie de ferveur s’est transformée en une vie de profond dégoût. Qui empêche de partir? On ne le sait. Souvent on part. Et au lieu d’être un saint on consent à descendre à l’état de chrétien vulgaire, et encore on n’en restera pas là. Jusqu’où donc cette situation ira-t-elle?

Mes chers Frères, je suis épouvanté, car si les jeunes religieux, les novices, en arrivent là, que deviendra la Congrégation à laquelle ils ont engagé leurs voeux? Ne vous faites pas illusion. Non seulement cet état est dangereux pour ceux qui le subissent, il est dangereux pour ceux qui les entourent. Aussi, je ne saurais trop vous dire: ou changez, ou sortez, non seulement à cause de vous, mais à cause du scandale que vous causez. Voyez ce que sont ces conversations qui ne respirent que le poison; voyez ces exemples qui font dire: [[ Mon voisin agit ainsi, je puis bien agir de même. ]] Et remarquez encore que cette manière de faire est récente. Il n’y a pas si longtemps que vous êtes entré en religion; hier encore, vous étiez embrasé de ferveur. Elle a été courte, la ferveur; la flamme des saints désirs s’est vite éteinte, et de tant de magnifiques résolutions il ne reste qu’un peu de cendre. Que faire?

Eh bien! je vais vous le dire : si Jésus-Christ a ressuscité le jeune homme de Naïm pour le rendre à sa mère, Jésus-Christ ne peut-il pas vous ressusciter pour vous rendre à votre Congrégation? Pour plus d’un, j’en suis sûr, si j’ai bien fait comprendre ma pensée, le moment est solennel, il ne dépend que de vous, mais il dépend de vous. La retraite, c’est le passage de Jésus-Christ. Il est là; Il vous commande de vous lever. Lui obéirez- vous? Renoncerez-vous au triste appareil de la mort de votre âme? Laisserez-vous ce commencement de corruption qui vous pénètre et infecte votre intelligence? Question de la plus terrible gravité, car il dépend de vous de revenir à vos dispositions évanouies; seulement, après les expériences commencées, il faut mûrement réfléchir; et si elles sont humiliantes, il faut savoir prendre un parti courageux. Quel sujet de méditation et de résolutions généreuses, si vous le voulez!

III. — La fille de Jaïre

Chute passagère — Promptitude de la contrition

Enfin, il y a un troisième état, moins grave sans doute, mais terrible pourtant. Le jugement dernier seul nous révélera le nombre des damnés qui n’avaient commis qu’un seul péché mortel. Que de religieux perdent leur vocation pour une seule infidélité! Pourquoi? Parce que Dieu ne nous doit rien, et que, ne nous devant rien, Il est bien le maître de se retirer aussitôt que nous avons abusé de ses dons. Malheur à l’âme religieuse qui ne connaît pas le prix des faveurs divines! Malheur à l’âme religieuse qui, ayant commis une faute grave, ne se hâte pas de la réparer, de l’expier, de l’expulser de son être! Hélas! et pourtant que d’avertissements ne lui sont pas sans cesse donnés! Je m’adresse à vous qui avez à peine mis le pied dans la voie des saints et que le péché arrête tout à coup. Rentrez en vous-mêmes, hâtez-vous, il est temps.

Mais peut-être ces fautes que je redoute n’ont pas été commises par vous. Ah! quelle heureuse fortune! Mais gardez-vous d’en abuser. Vous avez la grâce, ne l’amoindrissez pas et méditez souvent sur la jeune fille de ce prince de la synagogue. Vous n’êtes pas mort, mais vous dormez. Hâtez-vous de vous réveiller, et que désormais votre ferveur dédommage le divin Maître de votre léthargie.

Auquel de ces trois états appartenez- vous, mes frères? — N’êtes-vous que sous le coup d’une chute passagère? Admirez la miséricorde du Père, qui, à peine êtes-vous tombés, vous relève aussitôt. — Etes-vous dans cette situation humiliante où la décadence s’accentue davantage? Pensez-y. Les conséquences pèsent sur vous et sur votre Congrégation. Voulez-vous commencer à être, pour les jeunes membres de votre famille spirituelle, un scandale toujours plus entraînant? Est-ce par vous que la contagion s’étendra? Voyez: pour produire ces tristes fruits, il suffit d’un murmure, d’une désobéissance d’une de ces révoltes qu’on ne s’explique pas, mais qui provoquent autour de soi d’autres révoltes. — Enfin, seriez-vous de ces membres anciens qui ne profitent de leur droit d’aînesse que pour se montrer plus relâchés?

Voilà trois principaux états de l’âme, après qu’elle s’est donnée à Dieu et qu’elle a cherché à se reprendre. Les exemples ne sont pas si éloignés que l’on ne puisse dire: [[Et moi aussi, je puis les donner ]]. Encore une fois, pensez-y, et, vous tournant vers Celui qui a dit: [[ Je suis la résurrection et la vie ]], conjurez-le de vous ressusciter et de vous communiquer, pour ne plus la perdre désormais, la vie des saints religieux. Ainsi soit-il!

Notes et post-scriptum