- ES-0067
- DIRECTOIRE
- DEUXIEME PARTIE, DES VERTUS
CHAPITRE VII, DE LA CHARITE - Sage, ECRITS SPIRITUELS, Directoire
- 1 AMOUR DE L'EGLISE A L'ASSOMPTION
1 AMOUR DE LA SAINTE VIERGE A L'ASSOMPTION
1 AMOUR DU PROCHAIN SOURCE DE L'APOSTOLAT
1 AMOUR FRATERNEL
1 CHARITE APOSTOLIQUE
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 CORDIALITE
1 DEVOTION AUX ANGES
1 DEVOTION AUX ANGES GARDIENS
1 ESPRIT DE FRANCHISE A L'ASSOMPTION
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 SALUT DES AMES
1 UNION DES COEURS
1 VOIE UNITIVE
I
La charité comprend plus spécialement pour nous : l’amour de la Sainte Vierge, mère de Jésus-Christ et notre patronne spéciale; l’amour de l’Eglise, dont tous les intérêts sont les nôtres; la dévotion aux saints anges et surtout aux anges gardiens de nos frères, et l’affection pour les âmes qui nous sont confiées.
L’amour du prochain se manifestera par notre douceur à supporter le mal qu’il pourrait nous faire, par notre disposition à lui rendre tous les services que comporte notre vocation, par notre cordialité et notre esprit de franchise, mais surtout par notre zèle dans toutes les oeuvres auxquelles nous nous porterons pour le bien des âmes.
Enfin, la charité nous révèlera cet esprit d’unité que Notre-Seigneur demandait à son Père au moment d’instituer le sacrement d’Eucharistie, et où il allait répandre son sang pour le salut des hommes: [[Ut omnes unum sint… Afin que tous soient un [1].]] [[ Ut dilectio, qua dilexisti me in ipsis sit, et ego in ipsis. Afin que l’amour dont vous m’avez aimé soit en eux et moi en eux [2].]] (7)
Comme Dieu est amour, selon la parole de saint Jean, et que celui qui demeure dans son amour demeure en lui, nous demanderons sans cesse à l’Esprit d’amour, qui procède éternellement du Père et du Fils, de nous unir d’un lien indissoluble à Dieu, à Jésus-Christ, à son Eglise, à nos frères et à toutes les âmes qui nous sont confiées.
II
Je ne dois pas seulement espérer de posséder Dieu; mais, par la grâce de Notre-Seigneur, je dois l’aimer de toute mon âme et de toutes mes forces, et par la charité m’unir à lui. Dieu est amour, et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui. Voilà toute ma vie: demeurer en Dieu par la charité.
De moi-même, je ne suis rien, je ne puis rien; mais, par la grâce de Dieu, je puis agrandir les limites de mon coeur et obtenir qu’il me soit fait comme à Salomon, de qui il est dit que Dieu lui donna la largeur de coeur comme le sable des bords de la mer. Mon coeur peut contenir l’océan de l’amour; je puis être uni à Dieu, je puis être consommé, dans l’unité, selon l’expression du divin Sauveur.
Ce qu’est cette union, c’est là sans doute le mystère; mais enfin tous les jours le prêtre, en mêlant dans le calice l’eau au vin, demande que nous devenions participants de la nature divine, comme Jésus-Christ est devenu participant de la nature humaine. C’est là que je dois arriver. Toutes mes pensées, tous mes désirs, toutes mes aspirations doivent tendre à ce but sublime.
Si l’espérance me représente Dieu comme mon bien suprême, la charité me le représente comme l’unique objet de mon amour. J’ai dit au Seigneur: [[ Vous êtes mon Dieu. ]] C’est lui, et cela me suffit. Il n’est rien que je ne doive être prêt à lui donner, et si tout chrétien est obligé d’aimer Dieu par-dessus toutes choses, que doit-ce être d’un religieux qui, par sa consécration, est devenu son serviteur! Quelle doit être la pureté de mon coeur! De quelles flammes ne doit-il pas brûler, et combien je dois être prêt à sacrifier tout ce qui n’est pas Dieu!
Mon coeur est-il entièrement pur?… Le fond de mon être est-il bien absolument possédé par Dieu?… Tout en moi est-il bien ordonné par la charité?… N’ai-je pas repris quelquefois comme certaines parties de mon coeur pour les donner aux créatures?… Entre Dieu et moi n’y a-t-il aucun obstacle?…
Le péché mortel détruit dans l’âme l’amour de Dieu. Je ne veux pas m’arrêter à l’horrible pensée que j’ai détruit l’amour de Dieu en moi par quelque faute, mais n’ai-je pas trop souvent affaibli cet amour par le péché véniel?… N’aurais-je pas à me reprocher quelque faute d’habitude qui, pour être vénielle, n’en souille pas moins mon âme d’une manière très dangereuse pour l’amour que je dois à mon Dieu?…
Cet amour est jaloux. Me suis-je toujours ployé aux saintes exigences de l’amour divin?… N’en ai-je pas eu peur?… Ne me suis-je pas réfugié dans une foule de prétextes pour éviter de comprendre et de faire ce que le Saint-Esprit me demandait impérieusement au fond de l’âme?…
L’amour de Dieu est une flamme qui s’éteint lorsqu’elle ne se développe pas; ai-je suffisamment développé en moi la flamme de l’amour divin?… Puis-je dire qu’elle est tous les jours plus vive en moi?… Ne me suis-je pas laissé aller à un coupable attiédissement?… Où en suis-je de ma première ferveur?… Qu’ai-je fait pour la conserver, l’augmenter?… En un mot, en face de l’amour de Dieu pour moi, puis-je dire que j’aime Dieu?…
III
Si l’amour des âmes est un des caractères distinctifs de notre petite famille, les religieux doivent surtout aimer les âmes de leurs frères et de leurs Supérieurs, comme aussi les Supérieurs doivent avoir une affection particulière pour les religieux qui leur sont confiés. Que tous s’appliquent donc à avoir les uns pour les autres une charité pleine de tendresse, d’estime, de respect, de gravité; qu’ils voient dans les membres de notre petite Société les images vivantes de Jésus-Christ, les temples du Saint- Esprit, les enfants de la Sainte Vierge, notre commune Mère. Qu’ils fuient toute familiarité inconvenante, toute affection particulière qui est la peste des communautés, toute antipathie qui tendrait à dénouer les liens d’une sainte affection, toute parole blessante, tout rapport capable de produire des discussions scandaleuses. Qu’ils s’avertissent entre eux, quand il sera nécessaire; et, à moins qu’un acte ne soit public, qu’ils se gardent de rien répéter de ce qu’ils auraient vu et qui pourrait scandaliser, sinon aux personnes qu’il est rigoureusement nécessaire de prévenir, afin que le mal soit réparé le plus promptement et le plus efficacement possible, sans que la charité reçoive de trop graves atteintes.
Dans leurs relations continuelles, les frères se souviendront que leur plus chère affection, après Jésus-Christ, la Sainte Vierge, l’Eglise et Notre Saint Père le Pape, c’est notre petite Congrégation; mais ils doivent l’aimer en Dieu, évitant cet amour exclusif qui ne verrait de bien que ce qui se ferait chez nous et par nous.
Que dans leurs conversations ils parlent surtout de choses utiles et édifiantes, et fuient les médisances, les disputes violentes, tout ce qui pourrait blesser la modestie et les convenances religieuses. Qu’ils n’entrent point sans permission dans les cellules les uns des autres. Qu’ils évitent tout ce qui pourrait peiner les frères de nations différentes. Enfin, qu’il soit vrai de dire de nous ce que le Saint-Esprit atteste des premiers chrétiens: [[ Et multitudinis credentium erat cor unum, et anima una. La multitude des croyants n’avait qu’un coeur et qu’une âme [3]]].