DIRECTOIRE – Sage, ECRITS SPIRITUELS, Directoire

L’espérance, vertu médiatrice, comme Marie est la Vierge médiatrice, se fonde sur la Toute-Puissance miséricordieuse de Dieu. Elle nous soutient en toutes nos épreuves et nous assure le secours inestimable de la grâce.

Informations générales
  • ES-0055
  • DIRECTOIRE
  • DEUXIEME PARTIE, DES VERTUS
    CHAPITRE IV, DE L'ESPERANCE
  • Sage, ECRITS SPIRITUELS, Directoire
Informations détaillées
  • 1 APPRECIATION DES DONS DE DIEU
    1 BIEN SUPREME
    1 BUT DE LA VIE
    1 DIEU LE FILS SOURCE DE L'ESPERANCE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ESPERANCE
    1 ESPERANCE BASE DE LA PAUVRETE
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOI
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 GRACE
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DE LA GRACE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 SERVICE DU ROYAUME
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOIE UNITIVE
La lettre

L’espérance est une vertu par laquelle on a une ferme confiance, fondée sur les mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu’en usant bien des grâces de Dieu en cette vie, on le possédera éternellement dans l’autre.

I

Nous mettrons donc notre confiance en Dieu seul, jamais dans les moyens humains. La pauvreté évangélique sera pour nous comme la preuve extérieure de la pratique de l’espérance. Nous y puiserons aussi le véritable esprit d’humilité, c’est-à-dire le mépris et la haine de nous-mêmes; enfin l’esprit de prière, par lequel nous demanderons les grâces nécessaires pour accomplir la loi de Dieu et ses conseils, étant convaincus que ce qui n’est pas Dieu et ne se rapporte pas à Dieu n’est pas digne de nous.

L’espérance pratiquée ainsi nous inspirera la reconnaissance la plus profonde envers les dons de Dieu, nous souvenant toujours des paroles de l’Apôtre, qui nous recommande de rendre grâces de tout ce qui nous arrive:[[ In omnibus gratias agentes. Rendez grâces pour toutes choses [1].]] (6)

L’espérance sera pour nous le principe d’une confiance absolue envers Notre-Seigneur dans toutes nos épreuves. C’est au moment de sa Passion qu’il disait à ses apôtres : [[ Non turbetur cor vestrum, neque formidet: creditis in Deum, et in me credite. Que votre coeur ne se trouble pas et ne s’effraie pas: vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi [2]. ]] Quelles que soient les épreuves qui nous arrivent, nous aurons confiance que, pourvu que nous lui soyons fidèles, il ne nous abandonnera pas, puisque lui-même nous a promis la persécution en même temps que la victoire : [[ Si me persecuti sunt, et vos persequentur; in mundo pressuram habebitis, sed confidite, ego vici mundum. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. Dans le monde, vous aurez de la tribulation; mais ayez confiance! moi, j’ai vaincu le monde [3].]]

Que sur toutes choses les religieux de notre petite famille se souviennent :

1° De ne jamais rien demander dans leurs prières qui ne tende à la plus grande gloire de Dieu.

2° Dans les épreuves que Dieu nous enverra, de ne jamais demander à en être délivrés qu’autant que leur délivrance concourra à la plus grande extension du règne de Jésus-Christ.

3° Tout en cherchant l’affranchissement de leurs épreuves temporelles, qu’ils se proposent uniquement une plus grande facilité pour le service de Dieu, auquel ils doivent être entièrement et absolument consacrés.

4° Qu’ils se rappellent que si le Seigneur Jésus a sauvé le monde par la croix, c’est dans l’amour de la croix qu’ils doivent trouver leur bien, leur force et leur repos.

Enfin, qu’ils soient profondément convaincus que leurs épreuves ne sont rien en comparaison de celles qu’a souffertes Notre-Seigneur Jésus-Christ, et que, s’ils aiment ce bon Maître, ils doivent oublier leurs peines en face de celles qu’il a lui-même subies et auxquelles tous les jours est exposée l’Eglise, sa céleste Epouse; à peu près comme un enfant qui souffre une légère douleur l’oublie bien vite pour ne s’occuper que de sa mère, tombée tout à coup gravement malade. C’est dans ce sentiment que, s’exerçant dans un très grand oubli d’eux-mêmes, les religieux de l’Assomption offriront au Saint Sacrifice et à Notre-Seigneur présent au tabernacle, leur coeur et leur puissance de souffrir, en expiation de tout ce qui se commet de crimes contre Dieu et contre l’Eglise.

II

L’espérance nous montre Dieu comme le terme de nos efforts. De nous-mêmes, nous ne pouvons l’atteindre;la grâce de Dieu nous en mérite la possession. Dieu, bien suprême vers lequel par le désir inné du bonheur nous aspirons, alors même que nous ne le connaissons pas, Dieu veut se donner à nous comme récompense:

[[Je serai ta récompense surabondante. ]] La foi nous montre ce qu’il est, ce que nous lui devons; l’espérance nous montre cette source de toute richesse et de toute perfection, cette beauté infinie, cette splendeur de l’éternelle gloire, ce principe de toute joie, cet abîme de l’amour, comme le but de tous nos travaux.

Non seulement je puis posséder Dieu, mais je dois espérer le posséder un jour, si je veux user des moyens que sa bonté met à ma disposition pour aller jusqu’à lui. De moi-même, je ne le puis en aucune façon, mais je puis tout en Celui qui me fortifie par sa grâce. L’espérance repose sur la grâce que m’a méritée Notre-Seigneur Jésus-Christ. Je ne puis rien sans la grâce, je puis tout par la grâce : d’où découlent deux conséquences pratiques très importantes :

1° Si je ne puis rien sans la grâce, je suis un présomptueux quand j’espère pouvoir quelque chose de moi-même. La grâce me suffit, mais j’ai besoin de la grâce. Je dois faire tous mes efforts pour l’attirer en moi, m’appuyer sur elle en toute circonstance de ma vie.

2° Si je puis tout par la grâce, je suis un insensé et un ingrat si je me livre au découragement et au désespoir. Le Seigneur est avec moi, qui craindrai-je? Je ne dois donc permettre ni au découragement ni au désespoir d’atteindre mon coeur.

Mais ce qui ressort surtout de ce qui précède, c’est l’estime que je dois faire de la grâce que m’ont acquise sur la croix les mérites infinis de mon divin Sauveur. Elle est le prix de son sang, elle est aussi le prix du ciel qu’elle me procure. Si j’use de la grâce pour accomplir ses desseins sur moi, rien ne doit m’être plus précieux ici-bas; tout me vient par elle, c’est mon trésor ici-bas, comme Dieu sera mon trésor dans le ciel.

L’espérance est-elle aussi ancrée dans mon âme qu’il convient à un religieux?… Ai-je le désir du ciel?… Mon seul désir est-il de posséder Dieu?… Me suis-je assez attaché à bien comprendre que Dieu est mon seul bien, mon seul partage pour l’éternité ; que si je m’attache à quelque objet sur la terre et que ce ne soit pas en vue de Dieu, je me détourne de mon but?…

Ai-je bien compris la folie de laisser prendre son coeur ici-bas par quoi que ce soit de créé, que tout ce qui m’attache à la terre est un lien qui m’empêche de m’élancer vers le ciel?… N’ai-je jamais mis ma confiance qu’en Dieu seul?… Ai-je demandé à Dieu sa grâce?… Ne me suis-je fié qu’à elle?… N’ai-je pas eu quelquefois des sentiments de présomption?… Ne me suis-je pas, au fond du coeur, estimé bon par moi-même?… Sans doute, j’ai pu prononcer des paroles d’humilité; mais bien souvent quel était le sentiment que j’avais au fond de moi-même?… J’ai présumé de mes forces, et n’est-ce pas pour cela que bien souvent Notre-Seigneur a permis que je fisse des chutes?…

D’autre part, ai-je une confiance suffisante dans la grâce?… Ma nature, portée au découragement, entraînée par le démon, m’a souvent laissé croire que je n’étais plus capable de rien, ou que j’avais trop abusé de la grâce, ou que Dieu me la refusait, ou qu’il ne me la donnait pas avec assez d’abondance; et avec toutes ces fausses idées, n’ai-je pas été bien souvent exposé à rouler au fond de l’abîme du désespoir?…

Enfin, ai-je traité la grâce de Notre-Seigneur avec tout le respect qu’elle mérite?… L’ai-je reçue comme il convient?… Ne l’ai-je pas méprisée?… Ne l’ai-je pas trouvée trop exigeante?..- Ne me suis-je pas distrait des bonnes pensées qui m’étaient suggérées dans mes lectures, méditations, communions?… N’ai-je pas trouvé qu’il me faudrait aller trop loin si je faisais ce qu’elle me demandait? N’ai-je pas été effrayé de la multitude de sacrifices que j’aurais à faire, une fois que la grâce s’emparerait entièrement de moi?…

Où en suis-je aujourd’hui?… Suis-je enfin résolu à n’apporter aucun obstacle à l’action de la grâce sur mon âme?… Suis-je enfin persuadé que, quand Dieu s’offre à moi pour être mon éternel bonheur,et que Jésus-Christ, pour m’aider à l’acquérir, m’offre sa grâce payée par son sang, c’est bien le moins que je me décide à m’abandonner sans réserve à toutes les saintes exigences de la grâce, dans l’espoir de ce qu’elle me méritera?

Notes et post-scriptum
(6) Cet alinéa, supprimé par le P. d'Alzon dans sa dernière rédaction du Directoire, a été repris par l'édition du P. Picard.1) Eph., V, 20. 2) Joan., XIV, 1 et 27. 3) Joan., XVI, 20 et 33.